Dans l'avant-propos de Phénoménologie matérielle, Michel Henry note : « La possibilité même de construire une philosophie de l'affectivité pure d'un côté, celle pour une ipséité pathétique et acosmique d'entrer jamais en relation avec une autre du même type, de s'inscrire dans une intersubjectivité effective et concrète de l'autre, c'étaient là les deux objections soulevées par les thèses de L'essence de la manifestation dès sa parution et souvent répétées depuis. » Ainsi celui qui, dans un manuscrit de jeunesse encore inédit, s'amusait et s'inquiétait à la fois de ce que « les triangles jouent dans l’histoire de la philosophie un rôle beaucoup plus considérable que nos semblables », se trouvait — comme la plupart des phénoménologues —, soupçonné de « solipsisme », lors même qu'il entendait déconstruire les présupposés philosophiques rendant tout autant marginal le « problème d'autrui » que paradoxale « l'expérience » pourtant pleine et entière que nous faisons constamment de nos « semblables ». C'est au contraire ce lien intrinsèque entre une « philosophie de l'affectivité pure » et la reconnaissance d'une « intersubjectivité effective et concrète » que nous proposons donc aux contributeurs d'interroger : 1/ D'une part, au prisme d'une investigation de ce lien, déjà thématisé dans Philosophie et phénoménologie du corps et dans L'essence de la manifestation, dans ses principes comme dans les multiples reformulations qu'en propose M. Henry, le conduisant de « l'être-ensemble » au « pathos-avec », et ceci jusqu'à la reconnaissance, dans ses derniers textes, d'une « intériorité phénoménologique réciproque » de tous lesvivants. 2/ D'autre part, au fil d'une étude comparée de l'approche henryenne de « l'intersubjectivité » et de celles des penseurs avec lesquels il n'a cessé de s'expliquer, lors même qu'il tentait de rejeter ce qu'il identifiait comme leurs limites : Hegel, Husserl, Heidegger et Scheler, mais aussi Sartre et Merleau-Ponty. 3/ Enfin, en vue d'une évaluation plus générale de la spécificité et de la pertinence d'une telle approche, dans son rapport aux différents « modèles » d'intersubjectivité mobilisés par la tradition phénoménologique (monadologie, face-à-face, etc.), mais aussi en regard de la manière dont le « problème d'autrui » habite l'histoire de la philosophie en général, dans ses sources lointaines comme dans ses développements les plus contemporains.
ISBN : 978-2-87463-255-6
ISSN : 2032-9776
Prix : 23 euros
Il est possible d'acheter cette revue en ligne sur le site des Presses Universitaires de Louvain
Sommaire:
ÉDITORIAL par Jean LECLERCQ
DOSSIER THÉMATIQUE: MICHEL HENRY. TEXTES INÉDITS SUR L'EXPÉRIENCE D’AUTRUI
- Grégori JEAN, Présentation : de « l’expérience métaphysique d’autrui » à « l’intersubjectivité en première personne »
- Michel HENRY, Notes sur l’expérience d’autrui
- Michel HENRY, La communication des consciences et les relations avec autrui. Cours d’Aix-en-Provence (1953-1954)
VARIA
- Natalie DEPRAZ et Frédéric MAURIAC, La fécondité de la phénoménologie de la vie de Michel Henry pour les approches en deuxième personne
- Eric ROHDE, Le Soi au pluriel : entre répétition et rencontre