Matthieu Somon

RSCS

Matthieu

Somon

Historien de l'art, post-doctorant en RSCS

Art et théologie au Musée L : C’est grâce à la bourse du baron et de la baronne Cecil De Strycker octroyée via la Fondation Sedes sapientiæ que j’ai pu intégrer l’équipe de l’Institut RSCS en novembre 2017. Cette bourse a pour vocation de promouvoir les liens entre l’art et la théologie à l’Université catholique de Louvain.

 
Dans ce contexte, j’ai cherché, avec l’accord du Musée L, à valoriser sa collection d’art religieux, et tout particulièrement la Donation royale qui a déposé à Louvain-la-Neuve dix-huit sculptures en provenance de l’Abbaye de Val-Duchesse. Ces statues en bois, parfois polychrome encore, créées dans les Flandres et dans le nord de l’Espagne entre le XIIIe et le XXe siècles, ont été restaurées récemment à l’IRPA (Institut royal du patrimoine artistique), par Emmanuelle Mercier et Erika Rabelo, avec l’aide matérielle de la Fondation Baillet-Latour. En vue de mettre en valeur cette synergie entre le Musée L, l’IRPA, la Fondation Baillet-Latour, la Faculté de théologie et l'Institut RSCS, j’ai proposé un projet d’exposition qui tâchera tout à la fois de rendre hommage au travail des restauratrices et de présenter au public les fonctions de ces sculptures religieuses.
 
On connaît l’importance de l’iconographie de la Sedes saptientiæ à l’UCLouvain. Le corpus pressenti pour ce projet comprend trois Sedes sapientiæ espagnoles datées des XIIIe et XIVe siècles, un relief de la Mort de la Vierge, un Calvaire espagnol du XIIIe siècle, tous en provenance de Val-Duchesse et de la collection de l’abbé Mignot. La réunion de ces œuvres vise à restituer une sorte de pragmatique de la sculpture chrétienne en Espagne au Moyen-Âge et dans le nord de l’Europe au XVIe siècle. La « muséification » a tendu à effacer les fonctions premières de ces œuvres au profit de considérations d’ordre plus formel. Souvent le public s’interroge sur les usages liés à ces sculptures religieuses en quelque sorte désactivées par leur insertion dans un musée, puisqu’on ne peut plus les toucher. Comment les fidèles utilisaient-ils ces sculptures ? Comment se comportaient-ils face à elle ? Comment s’inséraient-elles dans la liturgie collective et dans la dévotion individuelle ? Il s’agira d’exposer les usages qu’ont entraînés ces sculptures chrétiennes au sein des divers environnements (couvents, églises, musée) dans lesquels elles ont été inscrites. C’est précisément ces usages premiers et ces pratiques liées à la liturgie et à la dévotion que le projet s’attachera à mettre en évidence. Pour ce faire, on confrontera les sculptures à d’autres statues analogues et concomitantes, et on documentera leur fabrication et les pratiques concrètes de dévotion qu’elles ont suscitées par le biais de témoignages historiques écrits, de manuscrits enluminés, mais aussi de vidéos (certaines statues sont encore promenées en procession et touchées par les fidèles), dans le souci de cultiver la variété des supports afin d’éveiller la curiosité des visiteurs et d’attirer leur attention tout au long du parcours. 
 
Par ces confrontations iconographiques et par ces rapprochements avec les témoignages écrits historiques, on s’efforcera de présenter de manière concrète aux visiteurs les différentes pratiques rituelles et dévotionnelles qu’ont engendrées ces sculptures fédérées par un thème commun : l’idée de salut, au cœur de la théologie catholique. 
 
Afin de préparer au mieux cette exposition et pour enrichir la documentation de ces sculptures conservées au Musée L, le projet a été précédé d’une journée d’étude en partenariat avec l’IRPA et les musées espagnols et anglais détenteurs de pièces similaires susceptibles d’apporter un éclairage neuf à nos œuvres. La rencontre entre spécialistes espagnols, anglais et belges a eu lieu le 7 décembre 2018 au musée L, en présence des sculptures. Par ces échanges avec des spécialistes internationaux, conservateurs, théologiens et historiens de l’art, il s’est agi d’affiner l’analyse en vue de l’exposition. 
 
 
Matthieu Somon, docteur en histoire de l'art, boursier baron et  baronne Cecil De Strycker, Fondation Sedes Sapientiae (UCLouvain)