Sophie Izoard-Allaux

RSCS

Sophie

Allaux-Izoard

Chercheur (mandat FSS)

Après une expérience professionnelle de recherche, en tant que juriste, autour de la politique européenne sociale et de l’emploi, aujourd’hui, dans le cadre de ma thèse en théologie, je m’intéresse à l’intégration de la spiritualité dans l’entreprise contemporaine, et au questionnement critique auquel ce phénomène invite. Le jaillissement des questions spirituelles dans les sociétés occidentales sécularisées est un phénomène qui ne cesse d’étonner et d’interpeler les académiques, comme le grand public. 

 
 
A l’issue d’une analyse rigoureuse de la littérature en management, la notion insaisissable et holistique de spiritualité semble entretenir un rapport clandestin, voire amnésique avec ses sources. Elle s’apparente à une sorte de crypto-religiosité, s’affirmant présence au monde ici et maintenant. Bien que le recours au spirituel vise à corriger louablement la déshydratation du langage gestionnaire, par la recherche de l’empathie et d’une vie unifiée et consciente, on peut toutefois noter que d’une manière générale, les techniques utilisées, et produites par l’entreprise, sont très peu dialectiques. Elles se présentent en effet comme autant de réponses en clair-obscur à la quête de sens de l’individu, pour lui permettre, face à l’opacité des politiques organisationnelles, de « réenchanter » le rapport à lui-même, à autrui et à son travail, tout comme elles entendent lui signifier comment il pourrait «s’améliorer» et devenir plus performant. Subtile, cette réhabilitation de l’intériorité, valorisant l’individu hyper-responsable n’est pas sans ambiguïté et invite à rendre visible et discutable, une forme de pouvoir moral et psychologique, souvent trop intériorisée pour être perçue comme telle.
L’accueil de la spiritualité en management est donc paradoxal, inédit, et offre ainsi au regard théologique un objet nouveau. Les lieux de la spiritualité fascinent, dans la mesure où ils permettent un regard autre, voire neuf sur le sujet spirituel en marche vers sa réalisation, tout comme ils suscitent la critique à exercer contre les illusions spirituelles et leurs impasses, sur la phénoménologie et leur consommation. Quel discernement poser? Comment le leadership peut-il être accompagné dans sa tâche et se sentir investi d’une mission, qui pose le service de la dignité humaine, de la justice et du bien commun au travail, comme horizon axiologique du management ? Comment, in fine, ouvrir une voie de sortie de la confusion qui caractérise le discours actuel dans ce domaine, susceptible d’affecter des modes de subjectivation qui engagent, outre le rapport à soi et aux autres dans la sphère du travail, les conditions mêmes du vivre ensemble ? Pour y répondre, la théologie convoquée ici est comprise ici dans son acception transversale. Elle renvoie à la nécessité d’un large faisceau d’éclairages issus de disciplines diverses : managériale certes, mais aussi sociologique, psychologique, anthropologique et philosophique, afin de scruter le phénomène à l’étude à l’aune des signes des temps. 
 
Cette recherche sur management et spiritualité, soutenue par la Fondation Sedes Sapientiae, s'inscrit aussi dans un projet plus vaste, au sein de la Chaire Droits et Religions. J'y coopère avec les professeurs L.L. Christians et Walter Lesch, avec lesquels nous avons organisé toute une série de workshops et de rencontres internationales. J’y ai découvert les enjeux complexes, mais aussi très stimulants, de toute tentative de construire un dialogue universitaire entre la théologie et d’autres disciplines fort éloignées les unes des autres, comme le droit, le management, l’éthique, ou encore les sciences des religions. 
 
Sophie Izoard-Allaux
Chercheuse-doctorante (FSS)