Prévenir, mieux détecter et traiter la COVID-19

En quelques semaines à peine, la COVID-19 s’est « invitée » dans plusieurs projets de recherche à l’UCLouvain. Notamment au CTMA où une demi-douzaine d’études à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique sont déjà en cours.

Inconnue il y a six mois, la désormais célèbre maladie à coronavirus apparue en 2019 (COVID-19) n’a pas fini de faire parler d’elle. Et pour cause ! À l’heure où l’Europe pourrait être à l’aube d’une potentielle seconde vague (1) de la pandémie, de nombreuses inconnues et incertitudes entourent le nouveau coronavirus. Ses modes de transmission, les façons de le détecter, comment le contrer, comment le prévenir… Autant de questions sur lesquelles des milliers de chercheurs planchent à travers le monde. L’UCLouvain participe à cet effort en lançant ou participant à de nombreux projets belges et internationaux entourant la COVID-19.

Trouver de nouvelles voies thérapeutiques ?

Au Centre de Technologies moléculaires appliquées (CTMA), plusieurs projets de recherche à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique ont été initiés. Une récolte des anticorps neutralisants contre la COVID-19 est quant à elle le point de départ de plusieurs travaux. En effet, une trentaine de volontaires identifiés par le CTMA et à présent guéris de la COVID-19 ont accepté de fournir des échantillons de sang. Avec la participation de la Croix-Rouge, les chercheurs extraient d’abord les cellules productrices d’anticorps que leur système immunitaire a fabriquées pour contrer le coronavirus. Ensuite, le clonage du mécanisme de production des anticorps permettra la production desdits anticorps en grandes quantités. Ce stock d’anticorps neutralisants est destiné à traiter les cas sévères de la COVID-19 en remplacement de la plasmaphérèse. En effet, la logistique de mise en place et d’utilisation de la plasmaphérèse est très lourde et non applicable à grande échelle.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 

Améliorer les tests diagnostiques de la COVID-19

Les anticorps neutralisants pourraient aussi présenter un intérêt au niveau diagnostic. Ils vont d’ailleurs être utilisés pour tenter d’améliorer les performances des tests de détection. « À l’heure actuelle, aucun test diagnostic n’est fiable à 100 % », rappelle Jean-Luc Gala, professeur de biologie moléculaire et directeur du CTMA. « Un projet Win2Wal (2) vise donc à comparer un test validé et utilisé un peu partout dans le monde (mais pas en Belgique) à de potentiels nouveaux tests de 2e, 3e ou 4e génération. Outre les anticorps neutralisants, il s’agit d’évaluer l’intérêt des anticorps camélidés ou “nanobodies” et des aptamères et de leur utilisation sur une goutte de sang. »

  • Les nanobodies sont produits par immunisation de lamas ou de chameaux. Ils ont la particularité de reconnaitre les antigènes de façon très spécifique et particulièrement fine.
  • Les aptamères sont de courts fragments d’ADN ou d’ARN (oligonucléotide) de synthèse. Ils sont capables de se fixer spécifiquement à un antigène.
Un projet à visée préventive

Au niveau préventif, les chercheurs du CTMA veulent créer une banque d’agents peptidomimétiques. «Les virus doivent s’arrimer aux récepteurs d’une cellule pour l’infecter », rappelle le Pr Gala. « Nous cherchons à mettre au point des leurres, des peptides synthétiques qui mimeraient ces récepteurs cellulaires. Le virus irait alors se fixer sur eux et laisserait tranquilles les cellules de l’hôte. Grâce à des outils bioinformatiques, nous sommes en train de déterminer la meilleure “forme” à donner à ces agents peptidomimétiques pour qu’ils trompent efficacement le virus. » Une approche qui, si elle aboutit, ouvrirait la voie à un traitement préventif de la COVID-19.

Comprendre les redoutables « tempêtes inflammatoires »

Certains malades de la COVID-19 sont victimes d’une « tempête cytokinique » ou inflammatoire. Elle résulte d’une hyperstimulation du système immunitaire. « Cette tempête cytokinique est une réponse immunitaire disproportionnée, incontrôlée et répondant difficilement au traitement », explique le Pr Gala. « Confronté au coronavirus, le système immunitaire s’emballe. Il relâche massivement des cytokines pro-inflammatoires dans le corps, particulièrement dans les poumons. Cette violente réponse inflammatoire pulmonaire peut mettre la vie du patient en danger. Ce qui nécessite souvent une admission au soins intensifs. »

Le CTMA a introduit un projet de recherche FNRS qui vise à comprendre les mécanismes de la tempêt cytokinique. Il s’agit d’étudier le profil génétique des cellules du sang des patients et de le comparer au pouvoir pathogène des foyers de contagion (clusters) belges du coronavirus.

D’autres projets liés à la logistique et aux techniques et outils pratiques pour détecter ou neutraliser le nouveau coronavirus sont également en cours au CTMA.

Notes

(1) On ignore encore si la pandémie provoquera une seconde vague, et, si oui, quelle en sera l’importance.
(2) Le programme Win2Wal de la Région wallonne finance des projets de recherche innovants.

L’approche « matricielle » du CTMA

Le CTMA organise ses projets de recherche en « matrice ». Un même thème ou une même base de travail (ici la COVID-19) est explorée de façon transversale par plusieurs chercheurs, dans des domaines différents, qui souvent se recoupent ou se complètent. Il y a aussi une étroite interconnexion des projets régionaux, fédéraux, européens et internationaux. « Grâce à cette approche matricielle en “poupées russes”, nous avons pu rapidement réorienter, compléter ou amorcer des recherches relatives au nouveau coronavirus », explique le Pr Gala. « Tout ce que nous faisons à cet égard s’inscrit donc dans des projets antérieurs à la COVID-19, des expertises que nous possédions déjà et avec des partenaires industriels connus. »

Candice Leblanc

 

CV express de Jean-Luc Gala

Jean-Luc Gala est professeur de sciences biomédicales à l’UCLouvain, chef de clinique aux Cliniques universitaires Saint-Luc et responsable du CTMA. Il est titulaire d’un diplôme de médecine et d’un doctorat en sciences biomédicales, obtenus en 1984 et 1997 à l’UCLouvain. Spécialisé en médecine interne (hématologie) depuis 1990, il a effectué une bonne partie de sa carrière au service médical des Forces armées. Il est devenu l’un des experts belges en matière d’identification et contrôle des armes biologiques (1990-2016). En 2003, il fonde une unité militaire responsable de la détection, identification et caractérisation des « agents du bioterrorisme ». En 2006, il intègre cette unité au CTMA/ UCLouvain via une convention-cadre entre UCLouvain et la Défense. Ce qui fait du CTMA une plateforme biotechnologique militaire, clinique et académique unique en Belgique.

Publié le 30 juillet 2020