Comment détecter des drones malveillants ?

Les drones sont aujourd’hui à la portée de tous. Leur utilisation est de plus en plus variée, jusqu’à représenter un danger pour notre vie privée ou notre sécurité. Partant de ce constat, des chercheurs de l’UCLouvain, en collaboration avec des collègues de l'Université d'Altoo en Finlande, ont étudié plusieurs drones sous toutes leurs coutures pour apprendre à mieux les détecter.

Son bruit et la lenteur de son vol évoquent celui d’un bourdon. Vous en avez probablement croisés lors d’un festival ou en vacances, soigneusement télécommandés par des passionnés de belles images ou de technologie. Les drones, ces aéronefs télécommandés et sans pilote à bord, sont aujourd’hui accessibles au grand public. Et on en trouve partout. Alors que ces “faux bourdons” se contentaient auparavant de voler dans le domaine militaire, aujourd’hui, ils survolent nos villes et campagnes, non sans danger… Thomas Pairon, boursier de doctorat FRIA[1] à l'UCLouvain a mené plusieurs expériences sur ces petites merveilles technologiques à l’Institute of Information and Communication Technologies, Electronics and Applied Mathematics (ICTEAM de l’UCLouvain). Les résultats viennent d’être publiés dans la revue scientifique IEEE Access.

Du loisir à la sécurité policière, le drone est partout

Aujourd’hui, le drone est utilisé pour des activités très variées. Avec un drone, vous pouvez prendre des photos ou tourner des scènes de film. Du côté de l’agriculture de précision, ce petit avion télécommandé permet d’analyser certaines cultures afin de soigner chaque plante de façon personnalisée. En archéologie, les vues aériennes de domaines difficiles d’accès sont précieuses pour faire avancer la recherche. La police surveille également les foules grâce à des drones.

Et demain?

Pour l’avenir, on peut imaginer un peu tout ce qu’on veut avec les drones. La seule limite est la faible autonomie due aux batteries qui sont lourdes”, détaille Thomas Pairon. Amazon a dernièrement promis de livrer des colis en moins de 30 minutes grâce à des drones. Du côté des télécommunications, les drones pourraient à l’avenir faciliter la communication entre personnes ou objets dans des situations où le réseau de téléphonie mobile ne serait plus opérationnel. “En cas de catastrophe naturelle, par exemple, les drones pourraient venir se placer et offrir un service de communication ponctuel. Lors d’un événement important, pour éviter que le réseau soit saturé, des drones pourraient fournir une capacité supplémentaire sur une zone déterminée”, ajoute le doctorant.

Un radar pour détecter les drones malveillants

Toutes ces applications font rêver, mais à côté de ces utilisations futuristes et idéalistes, le drone peut aussi représenter un danger. Ce petit appareil peut par exemple passer au-dessus de votre domicile sans respecter votre vie privée. Il peut aussi survoler des aéroports, des centrales nucléaires ou des zones militaires, représentant un réel danger. C’est ce constat qui a poussé Thomas Pairon à se poser la question : comment peut-on détecter la présence de drones de manière fiable et automatique ? Pour répondre à cette question, l’équipe de recherche a utilisé le système radar, c’est-à-dire la même technologie que les radars installés le long des routes. Un radar peut détecter un objet qui bouge grâce à l’effet Doppler. Le radar envoie une onde électromagnétique avec une certaine énergie. Ensuite, l’objet rencontré sur sa trajectoire renvoie une partie de l’énergie vers le radar, indiquant sa vitesse de déplacement et sa distance. Mais comment savoir qu’il s’agit d’un drone et non pas d’un avion ou d’un oiseau ? Pour le savoir, une classification est nécessaire. L’UCLouvain a donc étudié la réponse radar de plusieurs drones dans les moindres détails afin d’établir une base de données.

Neuf drones sous toutes leurs coutures

Les expériences consistaient en des prises de mesures de neuf drones différents sous tous les angles possibles. Pour ce faire, chaque drone a été soumis à des ondes électromagnétiques dans une chambre anéchoïque (ou “chambre sourde” qui absorbe les ondes sonores et électromagnétiques). Grâce à cette absorption des autres ondes électromagnétiques, seule la réponse du drone a pu être mesurée. “Ces mesures ont été réalisées par Vasilii Semkin, ancien post-doctorant de l'UCLouvain et chercheur actuellement à l’Université d’Altoo en Finlande, visiteur à l’UCLouvain. J’ai donc collaboré à l’analyse de ces données lorsqu’il est venu en Belgique. L’UCLouvain possède toutefois aussi une chambre anéchoïque dans le cas où d’autres mesures devraient être réalisées”, complète Thomas Pairon.

Une base de données “open source”

Thomas Pairon a constitué une base de données conséquente (9 modèles ont été analysés sous 15 fréquences - entre 26 et 40 GHz - et ont été observés sous 30.000 angles différents pour 2 polarisations, soit 10 millions de points en tout). Elle vient d’être publiée dans le journal scientifique IEEE Access. “Cette base de données est disponible gratuitement en open source et servira à d’autres équipes de recherche qui pourront par exemple travailler sur la classification de ces drones. D’autres universités peuvent aussi étoffer le travail avec leurs propres données.” Quelles sont maintenant les prochaines étapes de cette recherche ? “Jusqu’ici, nous avons mesuré la Surface Equivalente Radar (SER), c’est-à-dire la forme et la capacité de rétrodiffusion du signal électromagnétique. Ce qui serait intéressant d’analyser, c’est l’effet micro-doppler, c’est-à-dire les différentes parties du drone en mouvement, comme la rotation des hélices. Cela permettrait de détecter non seulement la présence de drones mais aussi leur type”, ajoute Thomas Pairon. A plus long terme, le doctorant imagine pouvoir effectuer les simulations des réponses radar grâce à un ordinateur. “On pourrait modéliser sur ordinateur le drone lui-même, analyser sa réponse aux ondes, puis simuler pour d’autres drones et ainsi généraliser les mesures prises.” Pour toutes ces analyses, ce sera l’occasion entre différentes équipes de recherche de l’UCLouvain de collaborer dans le futur.

Lauranne Garitte

Notes
(1) Fonds pour la formation à la recherche dans l’industrie et dans l’agriculture.
Publication : V. Semkin et al., "Analyzing Radar Cross Section signatures of diverse drone models at mmWave frequencies," in IEEE Access.
doi: 10.1109/ACCESS.2020.2979339 lien

Coup d’œil sur la bio de Thomas Pairon

Thomas Pairon a obtenu le diplôme d'ingénieur en électricité de l'UCLouvain en 2015. Il a obtenu en 2016 une bourse FRIA du FNRS pour financer ses travaux de thèse co-encadrée par les Prof. Christophe Craeye et Prof. Claude Oestges (UCLouvain/ICTEAM). Ses travaux portent sur la modélisation numérique de diffraction par de grands objets courbes via des méthodes asymptotiques, sur le développement de méthodes numériques destinées à l'analyse de large réseaux d'antennes incluant le couplage mutuel, ainsi que sur la modélisation de l'impact du corps humain sur les communications aux ondes millimétriques.

Publié le 13 mars 2020