Compostage des corps, une fausse bonne idée écologique ?

Les résultats d’une étude sur l’humusation de dépouilles de porcs ne sont pas concluants à ce stade. Les carcasses mettent beaucoup plus de temps que prévu à se décomposer et produisent des composés tel que du savon imputrescible et de l’ammoniaque. Une piste qui doit donc être davantage creusée avant d’être envisagée comme un geste pour protéger notre planète.

L’incinération et l’inhumation traditionnelle ont un impact sur l’environnement : la première est consommatrice de ressources fossiles et la seconde laisse des sols pollués. Cette observation est le point de départ d’une série de recherches sur les méthodes alternatives de gestion des dépouilles, certaines technologiques, d’autres visant les procédés les plus écologiques possibles.

Parmi ces dernières, l’humusation naturelle ou biologique s’intéresse au compostage des dépouilles. Celles-ci sont déposées sur un lit de matière compostable (broyat de branches, feuilles…) et recouvertes de ce même matériau jusqu’à formation d’une butte. En théorie, après trois mois sans intervention, les os nus sont récupérés, broyés et réintégrés à la butte pour maturation du compost.

Fin 2018, Philippe Baret, Professeur au Earth and Life Institute de l’UCLouvain a été mandaté par le SPW – Développement Durable pour réaliser une étude visant à vérifier la faisabilité de cette méthode, à établir le cas échéant un mode opératoire reproductible et à garantir que l’humusation est neutre d’un point de vue environnemental. Une première expérience a été menée du 14 décembre 2018 au 20 mars 2019 et une seconde du 17 décembre 2019 au 6 juillet 2020, toutes deux sur des dépouilles de porcs. L’expérimentation sur modèle animal est un prérequis pour toute étude sur dépouille humaine et le porc présente des caractéristiques assez proches des humains (poids, taille et physiologie).

Au terme de chaque essai, l’exhumation a révélé des carcasses de porcs faiblement décomposées et des restes d’aspect blanchâtre et gras, résultat de la transformation des graisses en savons imputrescibles. De plus, la température mesurée au centre des buttes tout au long des essais indique une hygiénisation insuffisante du contenu des buttes, et une influence de la température extérieure sur le bon déroulement du compostage. Les résultats attendus n’ont donc pas été obtenus bien que la durée des expériences dépassait largement les trois mois : 13 semaines et 30 semaines respectivement.

Plusieurs facteurs et phénomènes ont été identifiés comme limitant le processus de compostage tel que :

  • un rapport carbone/azote trop faible du matériau compostable,
  • l’apport en oxygène insuffisant au centre des buttes
  • l’accumulation des liquides de décomposition des dépouilles modifiant localement les conditions favorables au compostage est une autre hypothèse soulevée lors de l’étude.

L’analyse des sols sous les buttes d’humusation a révélé des quantités d’ammoniaque jusqu’à 57 fois plus élevées que dans l’échantillon de sol témoin. La minéralisation de cet excès d’ammoniaque en nitrates lessivables pourrait entraîner la pollution des cours d’eau, comme régulièrement observé entre octobre et décembre. Les analyses effectuées n’ont pas mis en évidence d’autres polluants potentiels.

« L’humusation naturelle n’est pas en l’état une alternative viable à l’incinération et à l’inhumation traditionnelle. La levée des facteurs bloquant le compostage et la gestion de la pollution azotée requièrent une réflexion de fond et multidisciplinaire sur le processus » concluent Adrien Dockx, Rémi Desmet et Philippe Baret, les trois auteurs du rapport rendu au SPW-Développement durable (voir pdf en bas de page).

 

Découvrez aussi le reportage sur l’humusation « Une mort plus écolo ? » de France24 diffusé fin août dans lequel intervient Philippe Baret (05:15) :

 

Consultez le rapport de Adrien Dockx, Rémi Desmet et Philippe Baret:

Publié le 03 décembre 2020