Mieux comprendre le phénomène de déglaciation

Grâce aux travaux de deux chercheurs du Earth & Life Institute, le phénomène de glaciation/déglaciation est mieux compris ! On sait enfin comment les variations d’orbites de la Terre influencent le passage d’une ère glaciaire à une ère interglaciaire. Explications.

Depuis 2 millions d’années, le climat terrestre est caractérisé par l’alternance de deux phases : les ères glaciaires et les ères interglaciaires. « Lors des premières, le niveau des mers est jusqu’à 120 mètres en dessous du niveau actuel, ce qui – pour donner un point de comparaison - permet de traverser la Manche à pieds. Et l’Amérique du Nord, par exemple, est recouverte d’un dôme de glace de 3000 mètres d’altitude. À l’inverse, les périodes interglaciaires connaissent une fonte de ces glaces et des températures moyennes proches de celles que nous connaissons », explique Michel Crucifix, chercheur et professeur au Earth & Life Institute de l’UCL.

L’influence de l’énergie solaire

Le passage d’une ère glaciaire à une ère interglaciaire est intimement lié à la variation d’orbites de la Terre autour du soleil, ce qu’on appelle les cycles d’insolation. Plus précisément, la position de la Terre par rapport au soleil influence l’énergie solaire distribuée sur la celle-ci : plus le soleil est proche, plus l’énergie solaire est importante, plus les températures remontent et plus les glaces fondent. « Toutefois, lorsqu’on compare ces deux phénomènes, on se rend compte que la relation de cause à effet n’est pas systématique. En effet, les cycles d’insolation se répètent tous les 20.000 ans tandis que les cycles ère glaciaire/ère interglaciaire ne se répètent que tous les 100.000 ans. Ainsi, un pic d’énergie solaire n’engendre pas à chaque fois la fonte des glaces et une remontée des températures », poursuit le chercheur. Restait donc à comprendre pourquoi !

Zoom sur la déglaciation

Pour répondre à cette question le chercheur belge, Takahito Mitsui assistant de recherche au Earth & Life Institute et ses collègues de l’Université de Cambridge et du University College de Londres se sont concentrés sur le phénomène de déglaciation. « Les données dont nous disposons indiquent que ce phénomène est très abrupt : le dernier maximum glaciaire date de 20.000 ans et on sait qu’il y a 10.000 ans le climat de la Terre était similaire au climat actuel. La déglaciation a donc eu lieu en maximum 10.000 ans, ce qui est très court. »

Comment se fait-il que « du jour au lendemain » la glace accumulée pendant des dizaines de milliers d’années commence à fondre ? « Nous avons fait l’hypothèse que pour que la fonte des glaces s’amorcent, deux conditions doivent être réunies : l’énergie solaire doit être suffisante et le système doit être « mûr » pour la déglaciation. Et ces deux conditions sont liées : plus le temps écoulé depuis la dernière déglaciation est long, moins la quantité d’énergie solaire requise pour amorcer la fonte des glaces doit être élevée. » Ce qui explique que seuls certains cycles d’insolation initient la déglaciation. Une hypothèse que les chercheurs ont pu vérifier et publier dans la revue Nature : dans un premier temps, ils ont identifié avec précision les périodes de déglaciation. Et dans un second temps, ils ont confirmé statistiquement la robustesse de leur modèle.

En cause ? Les cuvettes et le CO2

Non contents de cette confirmation statistique, les chercheurs tentent d’expliquer pourquoi le passage d’une ère glaciaire à une ère interglaciaire peut se faire de manière si abrupte. « Il y a deux hypothèses principales à ce sujet ! D’une part, on sait que lorsque la glace s’accumule, elle déforme la lithosphère en formant de larges cuvettes dans lesquelles elle se loge. Dès les années 80 on voyait déjà là une particularité qui la rend plus vulnérable : lorsqu’une hausse de l’énergie solaire fait fondre de la glace de surface, l’eau qui se forme s’infiltre dans la cuvette et accélère la fonte de la glace. Le système est donc plus enclin à fondre lorsque ces cuvettes ont eu le temps de se former. »

« D’autre part, lorsqu’on entre dans une période de glaciation la concentration en CO2 dans l’atmosphère diminue. Or, Didier Paillard, un scientifique Français, a suggéré que lorsque le niveau des mers diminue à cause de la glaciation, la circulation abyssale de l’océan Austral peut changer. Et la quantité de CO2 qui y était jusque là accumulée est alors relâchée dans l’atmosphère. Cette hausse abrupte de la concentration pourrait ainsi influencer l’amorce d’une déglaciation. Il est d’ailleurs probable que ces deux phénomènes agissent ensemble », conclut Michel Crucifix.

 

Elise Dubuisson

Coup d'oeil sur la bio de Michel Crucifix

1998                  Licence en physique (UNamur)

2002                  Doctorat en sciences physiques (UCL)

2002 – 2006     Chercheur au Met Office Hadley Centre (Grande Bretagne)

Depuis 2006    Chercheur Qualifié puis Maître de Recherches au FNRS, et chargé de cours puis professeur à l’Université catholique de Louvain.

2015                  Election à l’Académie des Sciences de Belgique.

Publié le 22 mars 2017