Un traitement contre l’insuffisance cardiaque ?

Une personne sur 5 souffrira un jour d’insuffisance cardiaque : son cœur ne pompera plus correctement le sang. Ce qui, à terme, entraine le décès. Or, des chercheurs et médecins de l’UCL ont peut-être trouvé un traitement…

Le cœur est un muscle composé de 4 cavités. Il fonctionne comme une double pompe. Le sang contenu dans les 2 cavités de droite va se recharger en oxygène dans les poumons. Ensuite, il revient dans les cavités de gauche. A chaque battement, le sang est alors éjecté du cœur pour aller irriguer le reste du corps. Il arrive que, pour une raison ou une autre, le cœur ne pompe plus correctement le sang : c’est l’insuffisance cardiaque (IC). Comme la population vieillit et que l’espérance de vie augmente, la prévalence de l’IC est aussi en augmentation constante. Rien qu’en Belgique, près de 200 000 personnes en souffrent et 15 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année.

Quand le cœur grossit

La moitié des IC sont dues à un défaut de remplissage des cavités cardiaques. Ces IC sont dites « à fraction d’éjection préservée ». Le cœur ne se relâche pas assez pour faire correctement son travail de pompage. En cause ? « Des maladies comme l’hypertension artérielle ou l’obésité augmentent le travail cardiaque », explique le Pr Jean-Luc Balligand, interniste aux Cliniques universitaires Saint-Luc et directeur du Pôle de pharmacologie et thérapeutique de l’UCL. « À terme, ce surcroît de travail finit par épaissir les parois du cœur et modifier leur élasticité (remodelage hypertrophique). Résultat : les cavités cardiaques ne sont plus capables de se remplir correctement pour accueillir le volume de sang nécessaire aux besoins de l’organisme. L’IC se ressent d’abord à l’effort et, finalement, au repos. » Une mauvaise nouvelle puisqu’un patient souffrant d’IC a une chance sur deux d’en mourir dans les 5 ans suivant le diagnostic…

 

Des récepteurs précieux

Actuellement, on ne dispose d’aucun traitement curatif pour soigner ce type d’insuffisance cardiaque. Tout au plus peut-on agir sur les facteurs de risque (hypertension, obésité, etc.). Mais cela va peut-être bientôt changer grâce aux recherches du Pr Balligand et de son équipe : « Il y a quelques années, nous avons identifié les récepteurs béta3-adrénergiques dans le muscle cardiaque humain. » Chez l’homme, ces récepteurs se trouvent également

  • à la surface des cellules endothéliales (qui contrôlent la dilatation des vaisseaux sanguins),
  • à la surface des cellules musculaires de la vessie – une précision importante ! –
  • et dans la graisse brune.

« Nos expériences en laboratoire ont montré que, lorsqu’on les active dans les cellules musculaires cardiaques, ces récepteurs béta3-adrénergiques protègent contre le remodelage hypertrophique. Nous supposons donc qu’ils empêcheraient ce remodelage chez les individus à risque d’IC. Peut-être même pourraient-ils faire régresser le phénomène chez ceux souffrant déjà d’IC. Or, nous disposons aujourd’hui de médicaments capables d’activer ces récepteurs béta3-adrénergiques ! »

De la vessie au cœur

L’un de ces médicaments, le mirabegron, est prescrit en Belgique depuis 2014 pour traiter… l’incontinence due à une vessie hyperactive. En activant les récepteurs béta3-adrénergiques situés dans le muscle de la vessie, le mirabegron l’aide à se remplir davantage, et donc à se vider moins souvent.

Il n’en fallait pas plus pour que le Pr Balligand ait l’idée de tester les vertus de ce nouveau médicament sur les cellules du muscle cardiaque. Après tout, si ça marche sur la vessie, pourquoi pas sur le cœur ? En plus, le mirabegron a déjà passé toutes les étapes nécessaires à sa mise sur le marché, notamment les essais cliniques prouvant sa non-toxicité et son innocuité. S’il s’avérait efficace pour traiter l’IC, il serait directement disponible pour cette nouvelle indication. Une excellente nouvelle pour les millions de personnes concernées à travers le monde !

Une étude européenne coordonnée par l’UCL

Convaincue par ces arguments, la Commission européenne a alloué un budget de 5,5 millions d’euros au Pr Balligand pour qu’il organise et coordonne une étude européenne. Objectif : vérifier et mesurer l’impact du mirabegron pour prévenir l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée. « Nous allons d’abord recruter près de 300 patients atteints d’hypertrophie cardiaque et qui risquent de faire de l’IC. Ensuite, nous allons les mettre sous mirabegron et les suivre pendant un an. » Outre la taille et la structure du cœur, les médecins vont surveiller d’autres paramètres :

  • L’éventuelle fibrose des parois cardiaques,
  • Les capacités d’effort du patient (sur un vélo),
  • Les paramètres métaboliques (tension artérielle, insuline, triglycérides, etc.).

En parallèle, 2 études secondaires vont être menées pour voir si le mirabegron a aussi un impact sur la graisse brune (pour réduire l’excès de poids) et sur l’endothélium(pour dilater les vaisseaux sanguins). Ce qui serait bénéfique à l’ensemble du système cardiovasculaire des patients !

Candice Leblanc

La bio express de Jean-Luc Balligand

Jean-Luc Balligand

1984                       Doctorat en médecine (UCL)
1984-89                  Médecin assistant clinicien candidat spécialiste à l’UCL
1990-99                  Chercheur en cardiologie, puis « Instructor » au Brigham and Women’s Hospital, Boston (USA)
1993                        Certificat FLEX (USA)
1995-98                  Professeur assistant (hon.) à la Harvard Medical School, Boston (USA)
1996                        Lauréat du Prix Therabel Pharma du FNRS
1997                        Lauréat du Prix Galien
1997                        Chargé de cours à la Faculté de médecine de l’UCL
Depuis 2004           Professeur ordinaire de médecine et pharmacologie à la Faculté de médecine de l’UCL et chef de clinique aux Cliniques universitaires Saint-Luc
Depuis 2009           Membre titulaire de l’Académie royale de Médecine de Belgique

Publié le 25 avril 2016