Formidables chercheuses et chercheurs Télévie

Bruxelles Woluwe

Ils et elles dédient leurs journées à la recherche contre le cancer grâce au Télévie. Un travail de longue haleine au sein des équipes qui composent les Instituts de recherche de l’UCLouvain à Bruxelles Woluwe. Portrait de Darius Mazhari (pour commencer), de Camille Lefèvre (pour suivre), et de Marine Blackman (pour clôturer).

Vous aussi, soutenez les chercheuses et les chercheurs de l’UCLouvain Bruxelles en faisant un don au Télévie d’ici la soirée de clôture du 7 mai 2022. Objectif : récolter des fonds pour lutter contre le cancer chez l’enfant et chez l’adulte. Tout don compte !

Pourquoi des cellules cancéreuses migrent-elles vers le cerveau ?

Belgo-canadienne, Marine Blackman est doctorante au laboratoire du Pr Pierre Sonveaux à l’UCLouvain Bruxelles. Son objectif, soutenue par le Télévie : comprendre pourquoi des cellules de cancer du sein forment des métastases dans le cerveau. 

Marine Blackman, qui êtes-vous ?
J’ai passé mon enfance à Louvain-la-Neuve, à côté de l’université, et j’ai toujours rêvé d’y revenir… Puis je suis partie au Canada à l’âge de 10 ans. J’y ai fait un bac en sciences biomédicales et un master accéléré d’un an en biologie moléculaire. Belgique et Canada sont mes deux maisons mais quand il a fallu faire un choix, j’ai décidé de faire un doctorat à l’UCLouvain. Aujourd’hui, je suis doctorante au laboratoire du Pr Pierre Sonveaux à l'Institut de recherche expérimentale et clinique (IREC). 

Que cherchez-vous ?
Je travaille sur les métastases au cerveau de cellules du cancer du sein (l’objectif est d’extrapoler aux autres formes de cancer). Le but de ma recherche est de comprendre le ‘tropisme métastatique’ car la façon dont les métastases migrent dans l’organisme n’est pas aléatoire. Je voudrais comprendre pourquoi les cellules cancéreuses migrent vers le cerveau pour pouvoir, ensuite, empêcher cette colonisation. 

Le laboratoire du Pr Sonveaux étudie le métabolisme des tumeurs c’est-à-dire que l’on cherche à savoir de quoi les cellules se nourrissent et pourquoi elles s’installent à un endroit spécifique de l’organisme. 

Pour mener ma recherche, j’ai travaillé avec des cellules de cancer du sein ‘triple négatif’ qui produit des métastases chez 50% des patientes (ce type de cancer ne présente aucun des récepteurs qu’on trouve dans d’autres cas). J’ai comparé ces cellules mises en culture pour qu’elles deviennent ‘brain specific’ et des cellules d’origine et, en quatre ans de travail, j’ai découvert que quand il y a des métastases dans le cerveau, une certaine protéine est davantage exprimée (ces résultats vont faire l’objet d’une publication scientifique… Marine n’en dit pas plus aujourd’hui !).

Qu’est-ce qui vous a conduite sur la voie que vous avez choisie ?
J’ai beaucoup regardé ‘Il était une fois la vie’ quand j’étais petite et je suis passionnée par le vivant, le corps humain, cette machine qui reste mystérieuse. Les maths, la physique, la chimie m’ont toujours beaucoup intéressée mais avec une préférence pour le corps humain : il y a encore tant de choses à découvrir, tout en sachant que notre travail a un impact sur les patients. Je suis très attirée par l’infiniment petit, au niveau moléculaire. 

Qu’aimez-vous dans votre travail ? 
J’ai toujours été fière de cette université que je voyais quand j’étais petite. J’y trouve un côté profondément humain. On a beaucoup de séminaires, de journées doctorales, beaucoup d’occasions d’échanger entre scientifiques et de faire des publications ensemble. 
Être chercheur, c’est être en constant apprentissage, ce que j’aime beaucoup. J’apprécie aussi le Télévie, un évènement qui permet d’avoir des contacts avec le public et pour moi, la dimension vulgarisation est très importante. Témoin, la participation de Marine Blackman au tout récent concours Ma thèse en 180 secondes.
 

 

Contrer la perte de poids liée à certains cancers

Venue de Lyon, Camille Lefèvre est post-doctorante au sein du laboratoire Métabolisme et Nutrition (Pre Laure Bindels, Louvain Drug Research Institute, LDRI) à l’UCLouvain Bruxelles Woluwe. Férue de sciences et de biologie, le métabolisme et les mécanismes des maladies nutritionnelles l’ont toujours intéressée.

Camille Lefèvre, qui êtes-vous ?
J’ai fait une licence en biologie (orientation physiologie) suivi d’un master orientation recherche en maladie cardiovasculaire, métabolisme et nutrition. J’ai enchaîné avec un doctorat à l’Université de Lyon où j’ai travaillé sur le rôle des cellules souches des tissus adipeux dans la mise en place de l’obésité. Depuis septembre 2020, je suis post-doctorante dans l’équipe de la Pre Laure Bindels au sein du laboratoire Metabolism et Nutrition (MNut) du Louvain Drug Research Institute, LDRI. En septembre 2021, j’ai obtenu une bourse Télévie. 

Que cherchez-vous ?
Ici à l’UCLouvain, je travaille sur la cachexie cancéreuse – perte de poids - et en particulier sur le lien entre les cellules cancéreuses et les tissus adipeux. En effet, on sait que la cachexie cancéreuse est présente dans 80% des cancers avancés, avec métastase.  Or la perte de poids et la perte de masse grasse diminuent tant l’effet des traitements anti-cancéreux que les chances de survie. 

D’autre part, une équipe de l’UCLouvain (Olivier Feron, Cyril Corbet) a mis en évidence que les cellules tumorales - isolées de cancers du côlon, du pharynx et de l’utérus - présentent, sous l’effet de l’environnement tumoral acide, un changement de métabolisme et privilégie la consommation des acides gras plutôt que celle du glucose. 

Mon hypothèse de travail est que pour répondre à leur besoin en acides gras, les cellules tumorales (sous l’effet de l’acidose tumorale) vont produire des facteurs qui agissent à distance pour induire la libération d’acide gras (lipolyse) par les adipocytes et ainsi conduire à une perte de tissu adipeux

Mes résultats, obtenu sur des adipocytes ex-vivo, confirment cette hypothèse. La prochaine étape sera d’identifier les facteurs qui sont libérés par les cellules tumorales, et qui pourraient induire la lipolyse. Une étude clinique vient d’ailleurs d’être acceptée afin de vérifier chez l’homme ex vivo l’induction par ces facteurs de la lipolyse des adipocytes. Elle sera menée avec le Pr Benoit Navez aux Cliniques universitaires Saint-Luc.

Qu’est-ce que vous aimez dans votre travail ?
Depuis toujours, je suis intéressée par le métabolisme et les mécanismes des maladies nutritionnelles. J’ai fait des stages qui m’ont donné envie de poursuivre dans la recherche sur ces maladies. J’aime ce travail car il me permet de toujours me renouveler : on doit constamment s’adapter aux nouvelles techniques et nouvelles avancées dans le domaine. J’aime également pouvoir travailler de façon intégrée, du métabolisme d’un sujet, vers la cellule et ensuite au niveau moléculaire.  
J’apprécie aussi la collaboration entre nous, on est tous très complémentaires et l’équipe est très jeune. 

L’effort collectif est important pour Camille Lefèvre. Quand elle ne le pratique pas au labo, elle l’adopte sur le terrain de badminton ou de touch rugby !

 

« Je donne une échelle à d’autres »

Chercheur financé par le Télévie, Darius Mazhari mène ses recherches au sein du laboratoire de chimie médicinale du Pr Raphaël Frédérick (Louvain Drug Research Institute, LDRI). Sa passion pour la pharmacie ? Elle s’est révélée en 2e année, à la faveur de cours plus scientifiques.

Darius Mazhari, qui êtes-vous ?
Je suis diplômé en sciences pharmaceutiques de l’UCLouvain et j’ai fait, dans le cadre de mon master, une formation d’étudiant chercheur. Depuis septembre dernier, je suis doctorant dans le laboratoire du Pr Raphaël Frédérick au Louvain Drug Research Institute où je poursuis mon travail sur une protéine, ACSL4.

Que cherchez-vous ?
Je cherche à identifier de nouveaux inhibiteurs de la protéine ACSL4 qui est surexprimée dans certains cancers du sein, de la prostate ou du cerveau (le glioblastome). Il existe déjà des inhibiteurs, dont un médicament anti-diabétique (la rosiglitazone) mais cette molécule n’est malheureusement pas sélective. Pendant mon mémoire, j’avais réussi à identifier une nouvelle classe d’inhibiteurs ciblant ACSL4 qui pourraient avoir un intérêt contre le cancer (Darius n’en dira pas plus parce ces inhibiteurs feront bientôt l’objet d’une publication scientifique… à suivre !).

Des études précédentes ont montré que le blocage de l’expression d’ACSL4 était intéressant contre ces cancers. Nos inhibiteurs agiraient différemment, en bloquant directement l’activité de la protéine. Ceci apporterait la preuve du concept de l’intérêt de l’inhibition pharmacologique (donc via des médicaments) d’ACSL4 dans le cancer. Je fais aussi des dérivés chimiques des inhibiteurs identifiés afin d’augmenter leur puissance et leur sélectivité

Qu’est-ce que vous aimez dans votre travail ?
Je touche à beaucoup de méthodes différentes et je fais aussi bien de la chimie que de la biologie (par exemple, des cultures cellulaires de lignées cancéreuses). Les molécules que je synthétise pourront peut-être contribuer à la mise au point de médicaments. Je dirais que je donne une échelle à d’autres personnes. Au sein du labo, j’apprécie l’entente et l’esprit d’entraide entre les membres de l’équipe. 

D’où vient votre intérêt pour la pharmacie ? 
Ma mère est pharmacienne et mon père travaille aussi dans le médical, c’est sans doute la raison pour laquelle j’ai choisi cette voie. Mais je dois avouer que c’est à partir du 2e bac que certains cours, plus scientifiques, m’ont passionné, comme l’immunologie, la physiologie ou la chimie organique.

Darius Mazhari avouera aussi, en fin d’interview, qu’il est passionné de guitare et qu’il a même envisagé d’en faire son métier… 

Publié le 26 avril 2022