Une transition énergétique grâce à l’hydrogène ? Pas si simple…
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Les propositions pour atteindre l’objectif de zéro émission de carbone d’ici 2050 incluent l’augmentation de la production d’hydrogène par électrolyse. Mais le faire de manière durable nécessite des terres et de l’eau dédiées à cet effet, des ressources que l’Europe de l’Ouest n’a pas en suffisance.
Si la Belgique devait miser sur l’hydrogène pour atteindre l’objectif de zéro émission de gaz à effet de serre d’ici 2050, elle serait contrainte de l’importer. C’est ce qu'il ressort d’une étude récemment publiée dans Nature Communications, menée par des chercheurs de Carnegie, de l’UCLouvain, de l’ULB et de l’ETH Zurich. Ils se sont interrogés sur la possibilité qu’a chaque pays du monde de subvenir à sa demande projetée d’hydrogène en 2050, en vue d’un usage intensif dans l’industrie et le transport.
« Actuellement, l’hydrogène est surtout utilisé dans les raffineries et l’industrie chimique, explique Lorenzo Rosa, de Carnegie et co-directeur de l’étude. A l’avenir, la demande pour l’hydrogène pourrait plus que quintupler, suite à l’utilisation de l’hydrogène ou de ses dérivés dans le transport, les méthodes de chauffage industriel et les techniques de production de l’acier. Il est possible de répondre à cette demande avec de l’hydrogène produit de manière durable. »
Une méthode de production de l’hydrogène est l’électrolyse. Elle consiste à diviser l’eau en oxygène et hydrogène. Ce processus peut être alimenté par des combustibles fossiles ou par des sources d’énergie renouvelables, comme l’énergie éolienne et solaire, qui nécessitent de l’espace pour être déployées.
De l’hydrogène durable et local ? Pas toujours évident…
S’il est possible, d’un point de vue global, de répondre à la future demande par de l’hydrogène durable, moins de la moitié de la demande projetée pour 2050 en hydrogène carburant pourrait être à la fois produit et utilisé localement à l’aide de l’énergie éolienne ou solaire, en raison de la pénurie de terres ou d’eau.
« Si l'on considère la quantité d'eau nécessaire au niveau mondial pour produire suffisamment d'hydrogène pour répondre aux besoins de l'humanité en 2050, cela ne représente que 0,6 % de l'eau disponible dans le monde », a déclaré Davide Tonelli, chercheur à l’UCLouvain et l’ULB. « Mais si l'on considère la production locale pour une utilisation locale, la situation peut être différente. » Idem pour les ressources foncières et maritimes, nécessaires au déploiement d’unités de productions éoliennes et solaires.
Quels pays tireraient leur épingle du jeu ? L’Afrique australe, l’Afrique centrale et orientale, l’Afrique de l’Ouest, l’Amérique du Sud, le Canada, l’Australie, ou encore la Russie disposent de terres et d’eau disponibles qui pourraient en faire des leaders potentiels dans l’exportation d’hydrogène. À l’inverse, l’Europe occidentale, Trinité-et-Tobago, la Corée du Sud et le Japon devraient probablement importer de l’hydrogène ou réduire leur production industrielle existante. La Belgique est particulièrement mal lotie, ne disposant pas en suffisance de ressources foncières, ni d’eau, pour déployer les unités nécessaires de production éolienne et/ou solaire.
Confronter les défis énergétiques aux ressources disponibles
«Notre travail identifie les pays qui ont les ressources nécessaires pour augmenter la production d'hydrogène durable pour l'exportation. Mais, bien sûr, des paramètres sociaux, politiques et économiques détermineront l'étendue de l'installation des technologies renouvelables et de la production d'hydrogène dans chaque pays, qui peut différer de ce qui est faisable sur le papier », précise Davide Tonelli.
« Alors que nous nous efforçons d'atténuer la pollution par les gaz à effet de serre et de nous préparer à la façon dont le changement climatique nous affectera (…) il est crucial que nous examinions de manière approfondie les différentes solutions climatiques pour comprendre les possibilités qu'elles présentent, ainsi que les conséquences imprévues », conclut Lorenzo Rosa.
Cette étude a été menée et rédigée par Davide Tonelli (UCLouvain, ULB, Carnegie), Lorenzo Rosa (Carnegie), Paolo Gabrieli (Carnegie, ETH Zurich), Ken Caldeira (Carnegie), Alessandro Parente (ULB) et Francesco Contino (UCLouvain). Elle fait partie d’un programme global visant à explorer les opportunités et les défis au croisement de la production d’énergie, d’eau et de nourriture, qui sont tous affectés par le changement climatique et la croissance démographique.
L’étude complète est en accès libre sur le site de Nature Communications.