Une œuvre nationale
Le 26 août 1914, la bibliothèque de l’Université de Louvain est entièrement détruite par un incendie. Les pertes sont considérables. Environ 250.000 volumes dont 950 manuscrits et 800 incunables sont détruits par le feu.
En 1915, l’Académie française lance un appel aux alliés et aux pays neutres pour apporter aide et collaboration dans l’œuvre de reconstruction de la bibliothèque et la recomposition de ses collections. L’Académie impériale du Japon montre rapidement son intérêt à participer au comité international qui est fondé en 1919 lors de la conférence de Versailles. Le chef de la délégation japonaise présent lance le projet de constituer un comité national au japon et en 1920 se pose la question de l’aide à apporter.
Le choix se porte sur le don de livres. Cette décision avait un but déjà bien défini, celui de favoriser la connaissance de la culture japonaise dans le milieu académique européen. En juin 1921, le prince régent HiroHito se rend en Belgique pour une visite officielle. À cette occasion, il visite les ruines de la bibliothèque en compagnie du cardinal Mercier. Cette visite donnera une réelle impulsion au travail du comité japonais. Les échanges sont très nombreux entre le comité, l’Ambassade et l’Université. En mars 1922, un plan d’action est défini. Les membres du comité statuent sur la nature du don : il s’agira de livres ou de revues publiées au Japon, d’éditions anciennes, de documents classiques et de reproductions d’œuvres d’art anciennes.
L’appel aux dons est lancé auprès des écoles, des institutions scientifiques, des bibliothèques et des particuliers. Les donateurs sont invités à se manifester par lettre et à envoyer la liste des livres afin d’éviter la récolte de double. Wada Mankichi, bibliothécaire en chef de l’Université impériale de Tokyo et Urushiyama Matashirô, éminent bibliophile et spécialiste de la littérature japonaise, sont nommés responsables de la sélection et de la classification des œuvres récoltées. Les livres doivent répondre à un critère bien défini. Ils doivent être écrits en japonais et s’ils sont écrits en chinois ils doivent impérativement avoir été rédigés ou imprimés au Japon. Le comité reçoit des livres du ministère de la cour impériale, de l’université de Wasada, des différentes institutions et écoles. Un soutien financier est apporté par les plus grandes familles de l’aristocratie japonaise et par la banque du Japon. Cet argent servira à assurer le travail de conditionnement des œuvres mais également à l’achat de livres anciens venant compléter la donation. Le tremblement de terre du Kantô qui survient en 1923 rend la tâche du comité bien plus ardue, les livres anciens sont plus difficiles à trouver du fait des destructions et les recherches sont poussées jusque dans les régions de Kyoto, Osaka et Nara.
Un reflet de la culture japonaise
En 1924, tous les livres récoltés sont exposés dans la salle de l’Académie des arts de Tokyo. Cette collection est alors vue comme l’une des plus belles qui se trouvera hors du Japon.
L’argent récolté sert à relier, conditionner, cataloguer, et transporter les livres. Entre août 1924 et août 1926, 6 cargaisons sont envoyées à Leuven. En plus de livres, la donation comprend des planches gravées, un vase, une boite d’instrument de calligraphie et un service destiné à la cérémonie d’infusion du thé. Dans la sélection des livres, l’accent est mis sur les livres classiques qui reflètent la culture japonaise et les livres anciens sont perçus comme susceptibles de remplacer les incunables perdus en 1914.
Le travail va bien au-delà de la sélection et de la logistique de la donation. Un effort considérable a été réalisé pour relier et conditionner les œuvres. Tout est alors réuni pour conserver au mieux cette collection hors du Japon. Un catalogue thématique sur fiches comprenant 26 rubriques est réalisé. Il témoigne de la variété et de la pluridisciplinarité de ce fonds. On y retrouve des ouvrages traitant de sujets aussi divers que les arts, la religion, la littérature, l’histoire, l’éducation, l’architecture, les lois, les sciences naturelles ou la médecine. La multitude des matières sélectionnées avaient pour but de viser un public le plus large possible.
À Leuven, la collection prend place dans deux salles mais pendant la seconde guerre mondiale, la bibliothèque est à nouveau dévastée mais la collection japonaise n’est pas touchée. Le bâtiment doit être reconstruit et la collection est déplacée. En 1970-71, L’Université catholique de Louvain se scinde en deux universités, une néerlandophone et une francophone. Les fonds de la bibliothèque sont partagés entre la KULeuven et l’UCL de Louvain-la-Neuve. La totalité des livres de la donation japonaise sont transférés à Louvain la Neuve.
La collection au moment de la donation se compose de 3.202 titres soit 13.682 volumes (livres et rouleaux).
Trois grandes catégories se distinguent :
- les manuscrits et les livres anciens antérieurs à 1868
- les ouvrages scientifiques de la période Meiji (1868 à 1911) et de la période Taisho (1911 à 1925)
- les reproductions d’œuvres d’art qui furent réalisées avec les meilleures techniques de l’époque.
Les ouvrages postérieurs à 1868 sont des livres imprimés selon la technique de typographie occidentale et ressemblent aux livres occidentaux par leur reliure et leur format.Le grand intérêt de cette collection ce sont les volumes antérieurs à 1868. Ces ouvrages nous plonge dans l’histoire du livre et de l’écrit au Japon.