Akkermansia, la bactérie aux super pouvoirs

Cani

La spin-off UCLouvain, The Akkermansia Company, lance son premier complément alimentaire sur le marché pour aider à contrôler le poids et limiter certains facteurs de risques associés au diabète de type 2.

C’est officiel, dès le 5 septembre prochain, le 1er complément alimentaire fabriqué par la co-spin-off de l’UCLouvain et de l’Université de Wageningen, The Akkermansia Company, sera accessible dans toutes les pharmacies et parapharmacies belges, grâce notamment au partenariat avec Metagenix.
En quoi va consister ce produit ? Ce complément alimentaire est fabriqué à base d’Akkermansia municiphila, bactérie d’un nouveau genre dont les effets santé ont été découverts à l’UCLouvain. Le nom du produit parle de lui-même, il s’agit d’une solution complémentaire à un traitement de lutte contre le surpoids ou le diabète de type 2. Concrètement, lorsqu’une personne en surpoids effectue un régime drastique, la période souvent critique est celle qui suit la perte de poids, soit la stabilisation. Le nouveau complément alimentaire permettra d'aider à contrôler cette stabilisation et de réduire les facteurs de risques de diabète de type2.

Du labo au complément alimentaire = 15 années intensives de recherche

Tout démarre en 2004 : Willem de Vos, chercheur à l’Université de Wageningen, découvre une bactérie d’un nouveau type, qu’il nomme Akkermansia municiphila.
En 2007 puis en 2013, Patrice Cani (chercheur FNRS-WELBIO) et son équipe du Louvain Drug Research Institute de l’UCLouvain, découvrent les supers pouvoirs de cette bactérie intestinale, capable de limiter la prise de poids et de masse grasse, et le diabète de type 2 chez la souris. Cette découverte est publiée dans la prestigieuse revue PNAS.
En 2017, l’équipe de l’UCLouvain découvre (toujours chez la souris) que l’utilisation de la bactérie Akkermansia sous forme pasteurisée entraine une protection encore plus importante que la bactérie vivante vis-à-vis de différents facteurs de risques de maladies cardiovasculaires comme la résistance à l’insuline, l’hypercholestérolémie, ou encore le stockage des graisses dans le tissue adipeux. Cette découverte est publiée dans la revue scientifique, Nature Medicine.
En 2016 (avec une levée de fonds en 2018), les deux scientifiques co-créent la spin-off A-Mansia, rebaptisée aujourd’hui The Akkermansia Company.
2019 : Patrice Cani et son équipe mènent la première étude pilote chez l’humain afin d’observer l’impact de la bactérie Akkermansia, notamment sur la réduction l’augmentation de certains facteurs de risques cardiovasculaires. Les résultats, publiés dans la revue scientifique Nature Medicine, sont prometteurs : les tests démontrent que la bactérie limite significativement l’augmentation de plusieurs facteurs de risques de maladies cardiovasculaires et limite l’évolution du pré-diabète et le taux de cholestérol chez l’humain. Cette étude sera confirmée par de nombreuses autres recherches à travers le monde. Une découverte majeure puisqu’aujourd’hui, un·e Belge sur deux est en surpoids et présente plusieurs facteurs de risques cardiovasculaires.
Enfin, 2022, le premier complément alimentaire à base d’Akkermansia municiphila est commercialisé, après avoir reçu, en septembre 2021, l’aval de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui a considéré que la bactérie était un ingrédient alimentaire sûr.

Ce complément alimentaire constitue une réponse attendue à un problème de santé mondial : l’obésité a presque triplé entre 1975 et 2020 dans le monde, et touche une personne sur deux. Le surpoids concerne 1,4 milliard de personnes de 20 ans et plus dans le monde et d'ici 2030, devrait toucher 3,3 milliards de personnes. Les chiffres concernant le diabète de type 2 sont également en constante augmentation.

Il aura donc fallu 17 années de recherche pour parvenir, d’une découverte fondamentale en laboratoire, à un résultat concret, accessible au grand public dès le 5/09 dans les pharmacies et parapharmacies. « Mon objectif a toujours été que mes recherches puissent faire du bien aux gens. Si c’est le cas avec Akkermansia, j’en suis extrêmement heureux » explique Patrice Cani.

La suite ? Akkermansia municiphila est aujourd’hui étudié dans le monde entier. Certains laboratoires se consacrent même à 100 % à cette bactérie made in UCLouvain. Ces recherches sont utiles à celle de Patrice Cani, qui poursuit sa quête inlassable autour de cette bactérie aux supers pouvoirs : « nous cherchons à comprendre le rôle que joue Akkermansia en termes d’immunité (elle agit sur toutes les couches du fonctionnement de l’intestin) ainsi que sur la réduction du cholestérol et même, sur le stress (axe intestin/cerveau). » Bref, la route du chercheur est encore longue et promet, on l’espère, de nouvelles découvertes majeures.

 

Bonus : vous voulez en savoir plus sur le microbiote intestinal et sur le parcours de Patrice Cani ? Ecoutez ce numéro de Capito! Le podcast qui aide à comprendre :

Publié le 01 juillet 2022