Énergies vertes : gérer les surplus !

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Le projet européen FEVER cherche des solutions adaptées à un marché de l’électricité en pleine mutation, où les énergies vertes se développent. Un ambitieux projet auquel les chercheur·es de l’UCLouvain contribuent.
 
Je vis dans un pays ensoleillé et j’ai installé des panneaux solaires sur le toit de ma maison. Il arrive que je produise plus d’électricité que je n’en consomme. Que faire de ce surplus ? Le stocker dans une batterie ou le réinjecter dans le réseau de distribution d’électricité ? « Si vous êtes la seule personne à opter pour la seconde option, pas de problème : le réseau est capable d’absorber votre surplus d’énergie », répond le Pr Anthony Papavasiliou, chercheur au Centre de recherche opérationnel et d’économétrie (CORE) du LIDAM de l’UCLouvain. « En revanche, si tous vos voisins font pareil au même moment – alors que la demande d’électricité n’est pas augmentée – cette surcharge risque de faire bugger le système, voire d’abimer certains équipements. »     

De nouveaux producteurs d’électricité

Il y a vingt ans, ce scénario était improbable. L’électricité était produite presque exclusivement par un réseau de haute tension (voir encadré). Ce réseau est géré par un « Transmission System Operator » (TSO).  Le « Distribution System Operators » (DSO), lui, gère les réseaux de moyenne et basse tension et décide du prix de l’électricité. Il distribue l’électricité en fonction des besoins annoncés, rien de plus. Mais les choses sont en train de changer.
Grâce à l’essor des énergies vertes, les réseaux de moyenne et de basse tension se développent. Les consommateurs ne se contentent plus de consommer : certains produisent de l’électricité grâce à des panneaux solaires. « Pourtant, il n’y a pas encore de stratégie globale ni de contrôle centralisé », explique le Pr Papavasiliou. « Tout le monde fait un peu ce qu’il veut ! Le DSO se contente de choisir la taille qu’il convient de donner au réseau de distribution. Il tarifie l’électricité pour « rentrer dans ses frais », sans tenir compte de l’apport croissant de l’électricité produite par les énergies vertes. »

Le projet FEVER

Il est donc nécessaire d’adapter les réseaux et les marchés de l’électricité en conséquence. C’est l’ambition du projet « Flexible Energy Production, Demand and Storage-based Virtual Power Plants for Electricity Markets and Resilient DSO Operation » (FEVER). Ce projet rassemble 16 partenaires académiques, publics et privés, issus de 8 pays européens (1), dont le CORE de l’UCLouvain.
Son objectif : mieux organiser le marché électrique, à tous les niveaux. Comment ? En proposant des solutions techniques et des outils informatiques qui puissent être mis en œuvre à grande échelle. Et tirer parti de la flexibilité inhérente aux réseaux de moyenne et basse tension, en toute sécurité.   
« Dans l’optique de FEVER, le DSO du futur devrait décider qui peut injecter son surplus d’électricité dans le réseau, quand et à quel prix », explique le Pr Papavasiliou. « Un peu comme la tour de contrôle d’un aéroport, qui décide quel avion peut atterrir en priorité. Le problème, c’est que, aujourd’hui, seul le TSO a le degré de sophistication nécessaire pour prendre des décisions aussi complexes. Le DSO est beaucoup moins sophistiqué ! » En d’autres termes, la tour de contrôle TSO gère très bien les gros avions. En revanche, le DSO n’est pas encore capable de gérer les jets privés… qui sont de plus en plus nombreux !  

Objectifs : surplus et tarification

Dans le cadre du projet FEVER, Anthony Papavasiliou et Ilyès Mezghani, l’un de ses doctorants, vont travailler sur 2 aspects de cette problématique de recherche :

  • L’optimisation du réseau global de production d’électricité (notamment sur le réseau de moyenne tension). Comment anticiper la production des énergies vertes ? Comment gérer les surplus de façon automatique ? etc.
  • La tarification (« pricing ») de l’électricité. En effet, il s’agit aussi de fixer plus justement le prix de l’électricité en fonction de l’offre et de la demande, en temps réel. À partir du moment où le consommateur produit de l’électricité, combien doit-il encore la payer ? Combien cela lui rapporterait-il s’il injectait le surplus dans le réseau de distribution ? etc.   

Améliorer et automatiser le système

« Actuellement, la gestion de la production électrique manque de précision », explique Ilyès Mezghani, doctorant au CORE. « Les énergies vertes ne sont pas exploitées de façon optimale. Quant à leur tarification, elle se fait de façon presque manuelle… avec tout ce que cela engendre d’imprécision, voire de gaspillage. »
« À travers le projet FEVER, nous souhaitons créer des outils informatiques (algorithmes, intelligence artificielle, etc.) afin d’automatiser la prise de décision des DSO », ajoute le Pr Papavasiliou. « Au final, cela permettrait de consolider les réseaux et le marché de l’énergie, de les adapter aux évolutions en cours et d’exploiter à 100 % les énergies vertes. À cet égard, le projet FEVER rejoint les objectifs de notre projet ICEBERG (2). Nous sommes donc ravis d’en faire partie ! »

Candice Leblanc

1. Allemagne, Belgique, Chypre, Espagne, Danemark, Grèce, Irlande et Slovénie.
2. Le projet ICEBERG vise à trouver les moyens d’inclure activement le consommateur particulier dans le marché des énergies vertes.  

Les 3 « niveaux » de la production d’électricité 

Imaginons la production d’électricité comme un grand réseau routier :

  • Le réseau de haute tension, géré par le TSO, peut être vu comme les « autoroutes » nationales par lesquelles transitent de très grandes quantités d’électricité, produite par des équipements type centrale électrique.
  • Le réseau de moyenne tension, géré par le DSO, désignerait les grand routes (provinciales et régionales) et les grands boulevards, où peuvent être réinjectés des surplus énergétiques. I
  • Le réseau de basse tension, aussi géré par le DSO,  s’appliquerait aux rues et ruelles d’une ville ou d’un village. Il s’agit d’un réseau de production électrique très local ou individuel.   

 

CV express d’Anthony Papavasiliou
Anthony Papavasiliou est chercheur au Centre de recherche d’opérations et d’économétrique (CORE) depuis 2013. Il est professeur associé au département d’Ingénierie mathématique à l’UCLouvain. Il est titulaire de la chaire ENGIE et de la chaire Franqui de professeur-chercheur. Anthony Papavasiliou a obtenu son diplôme d’ingénieur électrique et informatique à l’Université nationale technique d’Athènes (Grèce) en 2006. Il a complété sa formation et obtenu son doctorat d’ingénieur industriel et recherche d’opération à l’Université de Californie (Berkeley, USA). Il a également été consultant pour plusieurs organes nationaux et transnationaux de régulation de l’énergie. En 2019, il a obtenu un ERC Starting Grant pour le projet ICEBERG.

 

CV express d’Ilyès Mezghani
Ilyès Mezghani est doctorant au CORE de l’UCLouvain depuis 2016. Sa thèse (en cours) porte sur l’optimisation des systèmes d’énergie électrique. Il est titulaire d’un diplôme d’ingénieur en mathématiques appliquées et science informatique et d’un Master en recherche opérationnelle, obtenus en 2016 à Grenoble INP-Ensimag (France).

Publié le 03 juin 2021