Pr Anthony Papavasiliou, spécialiste des algorithmes liés à l’énergie, vient de recevoir un « ERC starting grant ». Son projet de recherche, ICEBERG, vise à trouver les moyens d’intégrer le consommateur particulier au complexe marché de l’énergie verte.
Environ 80 % de la production énergétique mondiale est d’origine non renouvelable. L’impact délétère de ces énergies sur l’environnement est avéré. La combustion des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) libère d’énormes quantités de CO2(1). Et aussi importantes soient-elles encore, tôt ou tard, les réserves seront épuisées.
Dans ce contexte, les énergies vertes ont tout pour plaire. Elles sont illimitées et perpétuellement renouvelables. Elles ne produisent pas de CO2 ni de déchets radioactifs. Bref, les énergies vertes sont une solution globale et durable à nos besoins croissants en énergie.
Malheureusement, elles présentent un triple inconvénient : elles sont chères à installer, complexes à distribuer et leur disponibilité est difficile à évaluer précisément. Autant de problèmes auxquels les ingénieurs tentent d’apporter des solutions.
Gérer l’imprévisibilité des éléments
« L’ensoleillement ou le vent sont incontrôlables », rappelle le Pr Anthony Papavasiliou, chercheur au Centre de recherche d’opérations et d’économétrique (CORE) du LIDAM de l’UCLouvain. « Leur rendement énergétique est donc variable. De plus, les solutions de stockage sont imparfaites et trop chères, notamment pour le consommateur particulier. Raisons pour lesquelles nous devrions adapter notre consommation d’énergie verte à sa disponibilité. Concrètement, il ne s’agira plus d’utiliser ma machine à laver quand je le voudrai, mais bien quand je le pourrai. » Ce qui soulève deux problèmes au niveau du particulier.
Premier problème : les gens ne sont pas forcément chez eux pour lancer une machine quand le vent se lève ou que le soleil se met à briller ! Les nouvelles technologies pourraient nous aider à résoudre ce premier problème. Après tout, il existe déjà des applis pour gérer à distance certains postes électriques. Le thermostat, par exemple. Mais, en Belgique, c’est surtout au niveau du réseau de distribution de l’énergie, notamment dans les habitations, que cela coince : le système n’est pas encore adapté à un recours massif aux énergies vertes.
De nouveaux contrats
Ce qui amène un second problème. Pourquoi les particuliers modifieraient-ils leur comportement pour utiliser des énergies vertes qui, à ce jour, sont plus chères que les énergies non renouvelables ? « Il faudrait des incitants financiers », répond le Pr Papavasiliou. « Les contrats d’énergie verte devraient être suffisamment intéressants pour que le consommateur lambda accepte de renoncer à une utilisation illimitée et à la demande de l’énergie. Cette utilisation illimitée serait toujours possible, mais elle devrait être plus chère. »
Dans tous les cas, il faudrait un réseau de distribution mixte ainsi que des offres commerciales adaptées aux besoins et préférences de chacun. Or, c’est loin d’être simple.
« Le prix de l’électricité “de gros” change rapidement », rappelle le Pr Papavasiliou. « Or, le consommateur lambda veut des contrats simples, qui lui permettent de contrôler son équipement, de préserver sa vie privée et de faire des économies sur sa facture d’électricité. Mais le prix de ces contrats devrait aussi dépendre du coût de construction et de gestion du réseau (générateurs et lignes à haute tension) qui transporte l’énergie jusque chez les gens. Nous devons aussi comprendre comment nous pourrions gérer l’ensemble de la chaîne de l’énergie, de la centrale électrique jusqu’à l’habitation individuelle. Au CORE, nous cherchons donc des algorithmes nous permettant de calculer la gestion du réseau et la régulation de consommation, de façon à tirer le meilleur parti possible des énergies vertes. Notre objectif : convaincre les différents acteurs du marché de l’énergie de faire les investissements nécessaires et de franchir le pas de la transition énergétique. »
De la vocation à l’ambition
Cette ambition répond, chez Anthony Papavasiliou, à une véritable vocation. « Quand j’avais douze ans, mon cousin était membre de Greenpeace », raconte-t-il. « Un jour, j’ai trouvé sur son bureau de la documentation sur les énergies fossiles. C’est là que j’ai compris que l’énergie était un enjeu majeur pour l’humanité. »
Plus tard, en 2e année d’ingénieur, il choisit l’option « énergie et mathématique ». Une spécialisation qui le conduit à la prestigieuse université de Berkeley. Après six ans aux États-Unis et malgré une proposition américaine, il accepte l’offre de l’UCLouvain, en 2013. Un choix dont il se félicite ! « Le CORE est un centre de recherche très renommé. C’est un environnement multiculturel, avec des chercheurs de grande qualité et une ambiance sympathique. Mon ambition est d’y développer une expertise internationalement reconnue sur la consommation locale et individuelle des énergies vertes, grâce à des modèles algorithmiques et économiques performants. » En espérant qu’ils seront appliqués…
Candice Leblanc
(1) Le dioxyde de carbone (CO2) est l’une des causes du réchauffement climatique
Coup d’œil sur la bio d'Anthony Papavasiliou
Anthony Papavasiliou est chercheur au Centre de recherche d’opérations et d’économétrique (CORE) depuis 2013. Il est professeur associé au département d’Ingénierie mathématique à l’UCLouvain. Il est titulaire de la chaire ENGIE et de la chaire Franqui de professeur-chercheur. Anthony Papavasiliou a obtenu son diplôme d’ingénieur électrique et informatique à l’Université nationale technique d’Athènes (Grèce) en 2006. Il a complété sa formation et obtenu son doctorat d’ingénieur industriel et recherche d’opération à l’Université de Californie (Berkeley, USA). Il a également été consultant pour plusieurs organes nationaux et transnationaux de régulation de l’énergie. En 2019, il a obtenu un ERC Starting Grant pour le projet ICEBERG. |