Gérer et protéger les sols passe par la recherche

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En cette journée mondiale des sols, ce 5 décembre, on vous propose un zoom sur quelques travaux de recherche en cours sur les sols, menés par différentes équipes du Earth and Life Institute de l’UCLouvain. De l’Afrique, à l’Alaska en passant par la Wallonie, nos scientifiques n’économisent pas leurs efforts pour mieux comprendre et gérer les sols de notre planète, indispensables à la survie des espèces qui les foulent…

Au dégel du pergélisol, le carbone s’envole… : anticiper l’impact sur le dérèglement climatique

Le pergélisol, ou permafrost, est une couche de sol ou de sédiments gelée en permanence, typique des régions polaires ou de haute altitude. Il contient environ deux fois plus de carbone que l’atmosphère terrestre actuelle. Avec le dérèglement climatique, ce sol dégèle, exposant du carbone organique emprisonné depuis des milliers d’années. Une fois exposé, une partie du carbone peut se transformer en gaz à effet de serre, amplifiant le dérèglement par un effet boule de neige appelé « permafrost carbon-climate feedback », encore mal quantifié aujourd’hui.

L’équipe de Sophie Opfergelt du Earth and Life Institute de l’UCLouvain étudie ces sols en mettant l’accent sur la stabilité du carbone nouvellement dégelé. Ils s’intéressent notamment aux sites où la dégradation physique du pergélisol provoque des glissements de terrain massifs, exposant d’anciens stocks de carbone, parfois de plusieurs centaines de milliers d’années. Leurs recherches combinent des missions de terrain en Arctique (Alaska, Suède) et des collaborations avec des institutions internationales comme la Northern Arizona University (USA), ou l’Alfred Wegener Institute for Polar and Marine Research (Allemagne). Les analyses de plusieurs centaines d’échantillons montrent que la proportion de carbone stabilisé par des interactions avec les minéraux varie énormément : de 10 % dans le Haut-Arctique canadien à plus de 80 % en Sibérie. Leurs travaux se poursuivent pour établir un stock de carbone stabilisé à l’échelle de l’Arctique et identifier les conditions qui favorisent ou détruisent ces interactions organo-minérales, un enjeu crucial pour mieux anticiper les impacts futurs du dégel de ces sols.

Pour plus d’informations sur les travaux de l’équipe, sur le dégel du pergélisol

   

Des bas-fonds à très haut potentiel agricole en Afrique : des surfaces pouvant contribuer à la sécurité alimentaire de la région

Le potentiel hydro-agricole des bas-fonds – les fonds plats ou concaves des petites vallées et vallons - en Afrique de l’Ouest est considérable. Ces zones se distinguent par des sols très fertiles et une dynamique hydrologique propice à la réalisation de plusieurs cycles culturaux au cours d’une même année, y compris pendant la contre-saison. Grâce à ces caractéristiques hydro-agricoles favorables, les bas-fonds sont largement reconnus comme des surfaces agricoles pouvant contribuer de manière significative à la sécurité alimentaire de la région.

       

Cependant, malgré ces atouts, moins de 15 % des bas-fonds sont actuellement exploités, et ce, principalement à travers des aménagements sommaires réalisés par les populations locales. Le principal obstacle à une exploitation plus intensive réside dans l’absence d’aménagements adaptés. Ces derniers sont essentiels pour réguler la disponibilité spatiale et temporelle de l’eau, afin d’atténuer les effets des périodes de sécheresse et de faciliter l’évacuation des excès d’eau en période de crue. Dans le cas de la production rizicole dans les bas-fonds, par exemple, une gestion optimale de l’eau pourrait également favoriser une intensification durable tout en réduisant les émissions de méthane, un gaz à effet de serre particulièrement nocif. Pour dimensionner correctement les infrastructures d’aménagement dans les bas-fonds, il est crucial de prendre en compte les caractéristiques fonctionnelles des sols, notamment leurs propriétés hydrauliques.

  

L’équipe de Marnik Vanclooster du Earth & Life Institute utilise diverses approches pour approfondir la connaissance des caractéristiques hydrauliques des sols des bas-fonds. Parmi ces approches figurent:

  • La caractérisation en laboratoire à partir d’échantillons prélevés dans différentes stations ;
  • Les analyses in situ en stations expérimentales ;
  • Les observations issues des savoirs paysans ;
  • L’exploitation de données issues de la télédétection et de bases de données génériques.

En combinant ces méthodes, il est possible de réduire l’incertitude liée à la caractérisation des propriétés fonctionnelles des sols. Cette réduction d’incertitude est essentielle pour optimiser les procédures de dimensionnement des aménagements dans les bas-fonds et contribuer ainsi d’une façon durable à la sécurité alimentaire de la région.

En savoir plus :  https://sites.google.com/view/projetbafonbe

Un outil pour le diagnostic de la qualité des sols wallons : propriété chimiques, physiques, biologiques…Les sols wallons vont livrer tous leurs secrets

Un sol en bonne santé est capable de remplir des services écosystémiques, tels que la production de nourriture et de biomasse, la régulation du cycle de l’eau, l’habitat pour la biodiversité ou le stockage de carbone. En Wallonie, le Décret sols fixe le cadre pour diagnostiquer la dégradation des sols liée à la pollution dans le but de la limiter, mais aucun outil ne permet d’évaluer la capacité d’un sol à remplir des services écosystémiques en incluant ses dimensions physiques, chimiques et biologiques.

Pour remédier à cela, le projet IQSW (indice de qualité des sols wallons) auquel contribuent l’équipe de Yannick Agnan du Earth and Life Institute de l’UCLouvain vise à concevoir, en concertation avec les acteurs de terrain, deux outils complémentaires pour établir un diagnostic de la qualité des sols wallons :

  • L’IQSW-pro : indice pour améliorer la qualité d’un sol ou orienter l’utilisation du sol en phase avec son état de qualité actuel, à destination de tout acteur public ou privé qui exploite, utilise, protège, restaure (voire crée) les sols. Il vise à couvrir tous les usages, notamment agricole, forestier ou urbain.
  • L’IQSW-citoyen : indice pour sensibiliser les citoyens à l’importance de la préservation des sols, basé sur des tests simples, permettant d’apprécier l’état de son sol.

Afin de pouvoir caractériser le sol dans toute son hétérogénéité, l’IQSW inclura des propriétés physiques (e.g. texture, structure, eau du sol), chimiques (e.g. richesse nutritive, matière organique) et biologiques (e.g. abondance, diversité et activité de la faune du sol et des microorganismes). Les résultats de la mesure de ces propriétés seront combinés et traités pour obtenir un « score de service écosystémique » permettant d’objectiver la capacité du sol à remplir un service écosystémique donné.

Alors que l’IQSW-pro n’est encore qu’au stade de la conception, l’IQSW-citoyen est testé cet automne 2024 afin de valider les protocoles proposés et les interprétations qui en découlent. Ce questionnement sera alimenté par les retours d’expérience d’un panel de testeurs, permettant ainsi d’ajuster au mieux l’outil pour convenir aux attentes des utilisateurs finaux tout en assurant sa pertinence scientifique. Après cette validation, le guide méthodologique sera diffusé au grand public. Celui-ci s’accompagnera d’une plateforme interactive d’encodage des résultats.
Il s’agit d’un projet financé par le Plan de Relance de la Wallonie.
Initiative : SPW ARNE-DPS - Réalisation : consortium UCLouvain-CRA-W-ARIES Consultants

Dans les profondeurs des sols : explorer ce qu’il se passe sous 30 cm de terre

Mathieu Javaux, physicien du sol et son équipe étudient les sols et leur impact sur les réserves en eau de notre planète. Dans le cadre du projet européen « DeepHorizon » coordonné à l’UCLouvain et qui rassemble quelque 19 partenaires pour explorer les réserves d’eau, de biodiversité, de carbone et de nutriments présentes entre 30 cm et 2 mètres sous la surface terrestre, son équipe se concentre sur les flux d’eau dans les différents types de sol et de ces sols vers l’air en passant par les plantes. Les résultats de leurs recherches ont montré récemment dans une étude publié dans Nature que la texture a une importance primordiale sur la réaction des plantes en cas de sécheresse. Des résultats qui soulignent l’importance de ne pas limiter l’étude des sols à une petite échelle. Les flux d’eau qui y sont associés, notamment via la transpiration des plantes, ont en effet un impact global.
Lancé le 31 octobre dernier à Louvain-la-Neuve, le projet DeepHorizon vise à revoir notre approche des écosystèmes du sous-sol (sous 30 cm de profondeur) en Europe et au-delà. L’objectif du projet est de promouvoir des pratiques de gestion des terres durables qui améliorent la santé des sols et garantissent une résilience environnementale.

En savoir plus sur DeepHorizon

Publié le 05 décembre 2024