La famille Bauchau et le Conseil de recherche de l’UCLouvain, sous l’égide de la Fondation Louvain, ont décerné le Prix Bauchau 2024 au projet de recherche de Gilles Vannuscorps sur le Syndrome de Moebius. Ce prix de 200.000 euros lui a été remis ce 20 juin en présence de la famille Bauchau.
« Le syndrome de Moebius est caractérisé par deux symptômes présents dès la naissance chez les personnes qui en sont atteintes : la paralysie, plus ou moins sévère, des muscles du visage et celle des muscles responsables du mouvement horizontal des yeux », explique Gilles Vannuscorps qui dirige le Cognitive Neuropsychology Laboratory au croisement des sciences psychologiques et des neurosciences. Cette maladie neuromusculaire cause des troubles de la parole, de la nutrition, de la fermeture des yeux et une perte d’expression faciale. « La capacité à bouger les muscles du visage et des yeux sont aussi très importantes pour les apprentissages, notamment de la lecture, de la reconnaissance des expressions faciales et des émotions ou encore des mathématiques », poursuit le scientifique.
L’originalité de l’approche de son équipe ? Là où la plupart des recherches sur le syndrome de Moebius se concentrent sur les causes génétiques ou sur des aspects épidémiologiques de cette maladie, Gilles Vannuscorps et ses collègues s’intéressent aux conséquences de ce syndrome sur les apprentissages et les fonctions cognitives, telles que la lecture, l’arithmétique ou encore la capacité à déplacer le regard et l’attention dans notre environnement. Mais aussi sur les stratégies que chacun.e développe pour pallier les difficultés rencontrées et qui pourraient profiter à d’autres personnes souffrant du syndrome de Moebius.
« En théorie, pour interpréter efficacement les expressions faciales des autres, il faut être capable de les réaliser soi-même », reprend Gilles Vannuscorps. « Et c’est effectivement une des difficultés que rencontrent la plupart de ces personnes. Mais certaines parviennent malgré tout à interpréter les expressions faciales sans aucune difficulté. Le premier axe de ce projet de recherche visera à tenter de découvrir quelles sont les stratégies mises en place par ces dernières, en vue de pouvoir ensuite s’en inspirer pour tenter de pallier les difficultés des autres ».
Un autre axe consiste à analyser comment, en l’absence de mouvements horizontaux des yeux, ces personnes lisent-elles. « Nous bougeons les yeux des milliers de fois par heure et de manière très spécifique lorsque nous lisons », continue le spécialiste. « Les personnes atteintes du syndrome de Moebius imitent-elles les mouvements des yeux avec la tête ? Ou déplacent-elles leur regard de manière différente ? Qu’est-ce-qui pourrait rendre la lecture plus facile pour elles ? ». Autant de questions que les chercheurs comptent explorer.
Enfin, les mathématiques sont au cœur du troisième axe de recherche de ce projet. « Avec Nicolas Masson, expert du mouvement des yeux dans la résolution des opérations arithmétiques, nous allons tester par exemple si l’orientation des additions et des soustractions de haut en bas plutôt que de gauche à droite pourrait faciliter la lecture et la résolution des opérations chez les personnes souffrant du syndrome de Moebius ».
Le prix Bauchau va permettre à Gilles Vannuscorps de mener à bien ce projet avec son équipe mais aussi avec des collègues des Universités de Harvard (USA) et de Trento (Italie), ainsi qu’en étroite collaboration avec les associations belge et française de patients. Un laboratoire mobile a été entièrement pensé pour aller à la rencontre de ces patients avec les équipements adéquats et effectuer les tests qui permettront de comprendre les dessous de leurs stratégies d’adaptation pour ensuite améliorer la qualité de vie d’autres patients.
Le prix Pierre et Colette BauchauLe Fonds Pierre et Colette Bauchau a été créé grâce à un don offert à l'UCLouvain par le Chevalier et Madame Bauchau. Ce fonds finance un prix attribué tous les deux ans qui récompense les recherches d'un jeune scientifique dans le domaine de l'énergie, de l'agriculture, de la lutte contre le sida ou des maladies rares. Ce prix de 200 000 euros est un véritable accélérateur de recherche pour le lauréat. |