2,5 millions € pour étudier les impacts territoriaux des énergies renouvelables

Eric Lambin, professeur à l’Earth & Life Institute de l’UCLouvain, vient de décrocher une ERC Advanced Grant de 2,5 millions €. Son projet de recherche vise à étudier les implications de la transition vers les énergies renouvelables pour l’utilisation des terres, les écosystèmes et les paysages.

Pour atténuer le changement climatique, la majeure partie de la production électrique devra provenir de sources d’énergie renouvelable, comme l’éolien et le solaire. Problème : leur densité énergétique est bien inférieure à celle des sources fossile ou nucléaire. A production égale, les unités de production renouvelables occupent beaucoup plus d’espace que les unités de production conventionnelles. Elles ont donc des impacts importants sur les paysages et les écosystèmes.

Ces contraintes spatiales engendrent plusieurs défis : la concurrence avec d’autres utilisations des terres, l’opposition du public à certains projets et une législation qui doit prendre en compte les impacts de ces énergies sur le territoire. L’actualité fait régulièrement écho de riverains qui se mobilisent contre un projet éolien, d’agriculteurs qui s’insurgent contre un projet de ferme solaire sur des terres agricoles, de communes vent debout contre un projet de ligne à haute tension…

Eric Lambin, chercheur au Earth & Life Institute, entend étudier les impacts de la transition énergétique sur l’utilisation des terres et développer des scénarios de déploiement de l’énergie solaire et éolienne qui minimisent les conflits avec d’autres usages des terres. Pour cela, il vient de décrocher une ERC Advanced Grant du Conseil européen de la recherche.

« Les aspects spatiaux de la transition énergétique ont surtout été étudiés sur base du potentiel technique et économique des territoires pour produire ces énergies, mais en prenant peu en compte les contraintes sociales, écologiques et paysagères. Par conséquent, le potentiel de déploiement de ces énergies risque d’être surestimé, faute d’avoir pris en considération ces contraintes locales. Cela pourrait devenir un frein à une sortie rapide des énergies fossiles. »

Différentes manières de déployer les énergies renouvelables

Un moyen de réduire l’empreinte foncière de la transition énergétique est la colocalisation de la production d’énergie renouvelable avec d’autres usages. « Il y a deux manières de mettre en œuvre un système énergétique basé sur le renouvelable : soit un système centralisé avec de grandes unités de production qui utilisent de manière exclusive les terres, soit un système très décentralisé, avec des petites éoliennes et des panneaux solaires disséminés sur des infrastructures existantes, là où l’électricité est consommée, ou colocalisée avec d’autres activités productives, comme dans le cas de l’agrivoltaïque. »

Chaque système a ses avantages et ses inconvénients : « notre système énergétique est très centralisé depuis des décennies et notre réseau électrique adapté à de grosses unités de production conventionnelle. Reproduire ce système pour le renouvelable est plus économique. Mais cela a un effet important sur le territoire. » Quant au système décentralisé, si son empreinte terrestre est moindre, il implique de repenser l’infrastructure électrique et ne permet pas de réaliser des économies d’échelle. «Il risque donc de coûter plus cher. »

Les recherches d’Eric Lambin consisteront donc notamment à comparer ces deux systèmes sur base d’une analyse des choix et priorités des différentes parties prenantes : les producteurs d’énergie, les gestionnaires des terres, les autorités publiques, la société civile. Il étudiera trois cas : la Belgique, pays densément peuplé et confronté au manque de ressources foncières, le Portugal, pionnier européen en matière d’énergies renouvelables, et les Alpes de l’Ouest s’étendant sur la France, la Suisse et l’Italie. « Le potentiel y est important, mais il y a de nombreuses zones à haute valeur écologique et paysagère, avec des législations nationales différentes. » L’objectif est d’identifier les options réalistes pour déployer les énergies renouvelables de manière durable.

Eric Lambin entamera ses travaux en septembre, pour une durée de 5 ans. Multidisciplinaire, sa recherche touche notamment à la géographie, la gouvernance, la transition énergétique et la modélisation spatiale. Le montant octroyé par le Conseil européen de la Recherche est de 2,5 millions €.

Eric Lambin est professeur ordinaire à l’Ecole de Géographie de la Faculté des sciences et chercheur au Earth and Life Institute. Sa discipline principale est la land system science : ses recherches visent à mieux comprendre les causes et les impacts des changements d'utilisation des sols dans différentes parties du monde. Ses travaux sont récompensés par le Prix Francqui en 2009, le prix Volvo en 2014 et le Blue Planet Prize en 2019.

Le European Research Council (ERC), ou Conseil européen de la Recherche, a été créé par l'Union européenne en 2007. Il est le premier organisme européen en matière de recherche fondamentale. Le ERC propose quatre programmes de bourses de base : Starting Grants, Consolidator Grants, Advanced Grants et Synergy Grants. Plus d’une cinquantaine de chercheur·ses affiliées à l’UCLouvain ont pu bénéficier des subventions de l’ERC pour leurs projets de recherche.

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Publié le 11 avril 2024