Les Tiers-lieux. Phénomène de mode ou véritable tendance sociétale ?

Ils sont déjà très nombreux en France et en en pleine expansion en Belgique… Depuis quelques années, les « Tiers-lieux » ont le vent en poupe. Mais que recouvre ce terme exactement ? Pourquoi ces lieux d’un nouveau genre sont-ils considérés comme des « laboratoires de transition » ? Une université se doit-elle de suivre ce mouvement ? Quels exemples peuvent inspirer l’UCLouvain ? Focus sur ces espaces de vie pluridisciplinaires dont la vocation est de (re)créer du lien.

Qu’est-ce qu’un Tiers-lieu ?

Un Tiers-lieu est un espace alternatif, ouvert, d’accueil, de création, d’échanges, de résidence et de convivialité.  Selon la définition du sociologue Ray Oldenburg, il s’agit d’un lieu intermédiaire entre le domicile (premier lieu) et le travail (second lieu), qui permet l’épanouissement de la vie communautaire informelle. Ce concept a beaucoup évolué et regroupe aujourd’hui des acceptions très différentes. Sous toutes leurs formes, les Tiers-lieux sont donc des outils pour régénérer les territoires, relocaliser l’économie et renforcer la cohésion sociale. Ces lieux diffèrent les uns des autres par leur taille, leur objet social, leur gouvernance et/ou leur modèle économique. Cependant, ils ont tous un point commun : celui d’être des lieux de rencontres, de partage et d’expérimentation où s’inventent des modes de vie respectueux de l’environnement, solidaires, durables… Polyvalents dans leurs usages, ils mélangent culture, restauration, innovation, espaces de travail. 

Certains ont une vocation humanitaire (à Paris, les Grands voisins ont accueilli un centre d’hébergement pour les réfugiés), d’autres sont axés « art et culture » (le CentQuatre, la Friche Belle de Mai). A la Recyclerie (Paris), le profil des visiteurs diffère en fonction des moments de la journée et de la semaine. Les étudiant·es viennent y travailler en groupe, les travailleur·ses s’y restaurer au déjeuner, les habitant·es du quartier participer aux activités pour enfants (p.ex. une chasse aux œufs) ou aux événements programmés le week-end (troc party, bourses aux vélos…). Le Mutualab de Lille, à la fois espace de réunion, de coworking, et atelier type « maker space », permet aux Lillois porteurs d’initiatives innovantes de bénéficier de conseils et d’un accompagnement de qualité. 

Chez nous, La Tricoterie à Bruxelles est un lieu culturel et événementiel de 1600m², fondé en 2010 par des citoyen·nes qui souhaitaient changer le monde en concrétisant un rêve : créer un lieu unique centré sur la culture, la rencontre des publics et la durabilité. Par ailleurs, le Monty à Genappe vient d’obtenir un financement important de la Région Wallonne en tant que Tiers-lieu rural.

Les Tiers-lieux universitaires

En particulier en France, de nouveaux usages s’installent au cœur des lieux d’enseignement supérieur depuis quelques années. Des universités françaises s’inscrivent dans ce mouvement et proposent des lieux hybrides où se rencontrent les mondes du savoir académique, mais aussi la sphère socio-économique et la société civile, autour de projets collaboratifs, de modalités de travail basées sur l’échange et l’expérimentation. Les Tiers-lieux, fablab, espaces de coworking, hubhouse se multiplient donc dans les universités et les hautes écoles, grâce notamment au soutien financier de l’Etat Français. A quels enjeux répondent ces lieux d’un nouveau genre ? On peut citer prioritairement la nécessaire optimisation des espaces. En effet, les locaux universitaires doivent se réinventer vu l’émergence de nouveaux besoins et usages, des nouvelles normes environnementales et sécuritaires, de l’accroissement significatif du nombre d’utilisateurs et utilisatrices, des nouvelles réalités induites par le numérique, de la sous-utilisation de certains espaces qui ont perdu leurs fonctions initiales, etc.

Ensuite, le renouvellement des méthodes d’apprentissage (le partage d’informations et de données à l’échelle mondiale, la vitesse de diffusion de la connaissance, les recherches en matière de sciences de l’éducation, etc.) renvoie à des réflexions sur la transmission du savoir, l’influence des espaces de travail dans la pédagogie, le besoin de « faire communauté » autour de projets. Les canaux d’apprentissage sont désormais nombreux, variés, et démontrent qu’il n’y a pas « une » mais « des » façons d’apprendre.

Enfin, la concurrence entre universités pousse les établissements à se doter de ce type de lieux attractifs pour les étudiant·es et bien ancrés dans le territoire.

Des lieux multifonctionnels

Ces nouveaux lieux induisent un changement dans le rapport à l’étudiant·e mais aussi souvent à l’entreprise. L’ambition pour l’établissement est de rejoindre les attentes du monde du travail en permettant, parallèlement aux enseignements fondamentaux, l’application et l’expérimentation, et en attirant un monde de la recherche, de l’entreprise et du développement en quête de réponses pratiques et rapides.

Ils permettent également une plus grande agilité dans l’utilisation des espaces. Dans ces Tiers-lieux,  les fonctions administra-tives, techniques, d’enseignement, de restauration, ainsi que les flux qui y sont associés ne fonctionnent plus en silo mais sont hybridés. Il s’agit également d’investir des espaces intermédiaires sous utilisés (salle enclavée, espaces de circulation surdimensionnés ou halls d’accueil monumentaux…). D’autres fois, l’hybridation résulte de la création de volumes ex nihilo ou tout simplement de l’utilisation des espaces extérieurs.

Ces lieux cumulent plusieurs fonctions : conception de projets, prototypage, formation continue, médiation scientifique, conférences, épiceries solidaires… Le plus souvent, il s’agit d’un fablab auquel sont adossés des usages secondaires : coworking, formation, makerspace, incubateur… Cependant, certains Tiers-lieux affichent une vocation sociale affirmée. Par exemple, l’Université Lille 2 s’est attachée à pousser une réflexion sur des Tiers-lieux à vocation inclusive et solidaire. Elle accorde une attention forte à la question de la précarité des étudiant·es.

Souvent, les Bibliothèques universitaires ont été les figures de proue de la transformation. Elles ont été repensées pour combiner salles de travail aux formats divers, cafétérias et coins repas, lieux d’exposition, d’initiation, voire salles de siestes.

Une fois l’investissement opéré, l’enjeu est de pouvoir pérenniser le fonctionnement du lieu, bien souvent animé par des étudiant·es jobistes ou des bénévoles.  En France, l’Etat a soutenu massivement la création de ce type de lieux.  Si cet amorçage constitue un atout incontestable pour l’aboutissement de ces projets, la question des coûts de fonctionnement reste délicate.

Et vous? Que souhaitez-vous? Quels seraient vos attentes et vos besoins sur les campus de l’UCLouvain? N’hésitez pas à envoyer vos souhaits et suggestions à info-culture@uclouvain.be

Un exemple inspirant: La maison Folie à Mons. Lire l'article →

Article publié en février 2023 dans TRACES, le magazine de l'actualité culturelle à l'UCLouvain. Lire la suite 

Publié le 13 février 2023