La réinstallation : entre réponse utile et menace subtile à l’accueil des réfugiés.

Louvain-La-Neuve

Réinstallation – Réfugiés – Asile – Principe de non-refoulement – Solutions durables

Un vent nouveau souffle. Après avoir perdu ses lettres de noblesse à la fin des années 1990, le mécanisme de réinstallation des réfugiés renait de ses cendres. Ramené au-devant de la scène internationale à partir des années 2000, il interpelle et interroge. Aussi bien en raison de la ferveur qu’il rencontre auprès des États que des critiques dont il est l’objet. Est-il un instrument captieux permettant aux États de reprendre la main totale sur leurs politiques en matière d’asile, au mépris des droits reconnus aux réfugiés ? C’est à cette question que cette chronique a tenté de répondre. Au-delà d’une réponse tranchée, l’analyse révèle que ce mécanisme recouvre une réalité complexe en matière d’accueil des réfugiés. D’une part, il peut être vu comme une réponse utile à certaines carences du droit international des réfugiés, telle que sa logique réactive et parfois rigide. De l’autre, il peut être perçu telle une menace certaine mais surtout subtile à l’accueil des réfugiés. S’il se développe davantage encore sans corriger ses faiblesses, il risque de placer l’accueil des réfugiés sous le prisme d’une sélectivité prononcée, elle-même au service exclusif des États.

Tano Kassim AckaUniversité Paris Saclay (UVSQ, France)

 

A. Introduction

Pensant que le « problème » des réfugiés serait temporaire, la réponse des États fut dès l’abord plutôt casuistique. À la survenance d’une vague de déplacements forcés, une batterie de mesures juridiques furent mises en place (D. Alland, 1997, pp.24-34). Et pourtant, à rebours d’une telle perspective, la question de la protection des réfugiés s’est davantage prolongée. S’ensuivit alors une tendance à la pérennisation du droit international, avec la volonté d’asseoir un cadre juridique sûr et universel à l’accueil des réfugiés. Chemin faisant, ce cadre s’est enrichi et solidifié. Il permit de répondre à des problèmes soulevés par les migrations forcées. Aujourd’hui, il a des acquis. Ce sont, entre autres, le principe de non-refoulement, une définition universelle du réfugié ainsi que des droits qui lui sont reconnus, mais aussi - et alors même qu’il n’est pas toujours évoqué - le mécanisme de la réinstallation.

Le mécanisme de la réinstallation est défini par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (ci-après HCR) comme un « processus impliquant la sélection et le transfert de réfugiés d’un État dans lequel ils ont cherché une protection, vers un autre État qui accepte de les accueillir comme réfugiés avec un statut de résident permanent » (HCR, 2011, p. 3). Comme tel, il présente diverses caractéristiques pouvant être structurées en deux ordres. D’une part, il est le seul mécanisme du HCR auquel sont reconnues trois fonctions simultanées. C’est d’abord un instrument de protection internationale, cherchant à apporter une protection juridique et/ou physique aux réfugiés en ayant besoin, lorsqu’ils font face à certaines situations, par exemple, une menace de sécurité dans leur pays d’asile ou encore une menace de refoulement dans leur pays d’origine. C’est ensuite une solution durable, à côté du rapatriement volontaire et de l’intégration sur place, visant à offrir une solution pérenne aux réfugiés ainsi sélectionnés sous son empire. Enfin, il est perçu tel un moyen d’expression de la solidarité internationale et de partage de responsabilités, permettant, ce faisant, aux États supportant moins la charge des réfugiés de venir en aide aux États qui en sont le plus affectés. D’autre part, alors qu’il résulte, comme les autres modes d’accès protégé, d’un compromis entre le droit souverain de l’État de contrôler l’accès à son territoire et la nécessité de trouver les voies d’accès à la protection sûres pour les réfugiés, le mécanisme de la réinstallation se distingue en ce qu’il est strictement réservé aux réfugiés, purement volontaire et déclenché par le HCR. En principe, autant l’admission humanitaire, le visa humanitaire, le regroupement familial, la relocalisation ou les autres possibilités, ne sont pas limités aux réfugiés - prenant en compte les demandeurs d’asile, ne garantissent pas l’obtention du statut de réfugié, peuvent être obligatoires (le cas de la relocalisation) et se caractérisent par le « principe d’additionnalité » – c’est-à-dire qu’ils s’ajoutent à la réinstallation, qui reste le mécanisme principal concernant les réfugiés. Les réfugiés ainsi concernés par le mécanisme de la réinstallation sont en règle générale ceux définis par l’article 1A de la convention de Genève de 1951 (ci-après la convention de Genève). C’est-à-dire, ceux justifiant des craintes individualisées de persécution, pour des motifs spécifiques tels que la race, la religion, la nationalité, l’opinion politique et l’appartenance à un groupe social, dès lors qu’ils ont franchi une frontière internationale. Mais en pratique, l’assiette d’éligibilité à la réinstallation, encore plus souple, inclut d’autres situations de déplacements forcés tel qu’on verra plus en détail. Plus encore, ce mécanisme est particulièrement envisagé pour sept (7) catégories de réfugiés considérés comme vulnérables au sens du Manuel de réinstallation. Ainsi, très classiquement, quand un réfugié s’insère dans l’une de ces catégories, le HCR soumet son dossier aux États de réinstallation, qui après examen, décident s’ils le réinstallent ou non sur leur territoire, suivant leurs propres critères et quotas. (A. Garnier and A. Surrke, 2018, p. 244). Cette dernière décision s’opère généralement, soit par la simple analyse du dossier soumis par le HCR, soit par l’envoi - en plus de cette dite analyse - de missions de sélection dans l’État d’asile du réfugié proposé par le HCR en vue d’une réinstallation.

Certes, le mécanisme de la réinstallation n’est pas un nouveau. Né dans la foulée de la « construction » du droit international des réfugiés, il va connaitre une évolution irrégulière avant de rencontrer une véritable structuration à partir des années 1990 (S. LABMAN, 2020, pp.19-27). Ainsi, s’appuyant sur le rapport Fredrikson et Mougne, le HCR va progressivement élaborer une kyrielle d’outils visant à en assurer sa croissance. Par exemple, on notera d’abord, le Groupe de travail sur la réinstallation, les consultations tripartites annuelles, le Manuel de réinstallation, les Groupes restreints et de contacts. Viendront ensuite, le programme de déploiement, le Manuel international pour guider la réception et l’intégration, le Cadre pour les solutions durables pour les réfugiés et personnes à charges. Apparaîtront enfin, le Cadre multilatéral d’accords sur la réinstallation, le Service de réinstallation et les rapports périodiques sur les besoins ou statistiques en matière de réinstallation. Parmi cette diversité d’outils et du point de vue du droit international, le Manuel de réinstallation constitue le principal pilier. Auquel s’ajoutent le cadre multilatéral d’accord précité, des accords bilatéraux[1] entre sujets de droit international, mais aussi, la convention de Genève qui certes n’évoque qu’implicitement (préambule, considérant 4) ou marginalement (art.30 et 31) la réinstallation, mais sert de guide utile afin d’apprécier la qualité de réfugiés susceptibles de bénéficier de ce mécanisme.

Cette dynamique autour de la réinstallation marque, au fond, un précieux tournant. Celui du retour de l’intérêt vif des États à son profit. La réinstallation est clairement intégrée dans la stratégie internationale d’accueil et de protection des réfugiés. L’Agenda pour la protection, la Déclaration de New York, le Pacte mondial sur les réfugiés et le Pacte de Marrakech appellent  tous à l’accroissement des places de réinstallation. Longtemps limité à une poignée d’États, ce mécanisme marque sa présence dans au moins un État des cinq continents du globe. Trente-cinq avaient mis en place des programmes de réinstallation en 2017. Encouragés, pour certains, par un mouvement régional tant en Europe qu’en Amérique Latine et pour d’autres, par une implication directe du HCR, notamment en Afrique. La réinstallation sert à partager les charges entre États en matière d’accueil des réfugiés. Elle évite l’emprunt des voies périlleuses dans la quête de l’asile et constitue une solution vitale pour les réfugiés. Elle est, pour tout dire, un « outil indispensable pour une solution durable ». Tels sont, officiellement, les maitres mots qui sous-tendent cet engouement.

Pourtant, diverses raisons conduisent à s’interroger sur la capacité - sinon la pertinence - de ce mécanisme à répondre au problème des réfugiés. En effet, selon le HCR, en moyenne, moins d’un pourcent des besoins en réinstallation est satisfait chaque année. En outre – chose d’autant plus inquiétante - le contexte dans lequel cet engouement pour la réinstallation s’affiche, se caractérise par un franc retour des « territoires ». Depuis quelques années (à partir de 1980 surtout), les États ne cessent d’imaginer des techniques juridico-administratives afin de maitriser leurs territoires et contrôler, autant que possible, l’accès des étrangers. Alexender Aleinikoff avait déjà observé l’apparition d’un paradigme axé sur le contrôle à la source des réfugiés (Source control bias). C’est-à-dire, une focalisation sur le pays d’origine des réfugiés avec un soutien appuyé à leur retour volontaire. Aussi variées que subtiles, ces techniques englobent les politiques endurcies de visa, d’emmurement, de sanctions aux transporteurs et des concepts dont, le « pays-tiers sûr » ou le « pushback ». Le tout, dénonce B. S. Chimni, en alimentant un certain « mythe de la différence ». Une différence entre réfugiés du tiers-monde et réfugiés du monde développé. Or, comme on le verra plus en détail, le mécanisme de la réinstallation relève de la discrétion des États. Il a aussi tendance à filtrer, voire à catégoriser, l’accueil des réfugiés. Serait-t-il alors l’instrument bien trouvé par les États, dans leur politique de contrôle renforcé aux frontières, au détriment de l’accueil des réfugiés ? Autrement dit, le mécanisme de la réinstallation constituera-t-il, s’il se développe davantage, une sérieuse menace à la sécurité juridique dans l’accueil des réfugiés ?

B. Discussion

À la question – désormais classique - de savoir si la réinstallation constitue une menace à la sécurité juridique dans l’accueil des réfugiés, une réponse affirmative parait inévitable. Comme des auteurs ont pu le démontrer (J.-P. ALAUX, 2006, pp.33-36 M. TISSIER-RAFFIN, 2018, pp. 1-32 ; M. TISSIER-RAFFIN et C. GAUTHIER, 2022, pp. 109-140), le mécanisme de la réinstallation représente en effet une certaine menace pour l’accueil des réfugiés. Il est, néanmoins, une menace subtile, s’établissant par le truchement d’une analyse critique (Section 2). Par une analyse similaire, ce mécanisme reste une réponse utile aux carences du droit international des réfugiés. En conséquence, aux insuffisances dans l’accueil des réfugiés (Section 1). C’est là un point essentiel, tant les riches impacts de la réinstallation sur le droit international des réfugiés, plus largement, méritent aussi d’être mis en avant.

Section 1 : La réinstallation, une réponse utile aux carences du droit international des réfugiés

La réinstallation est un mécanisme dont le développement peut avoir des conséquences heureuses sur le droit international des réfugiés. Comme on le verra plus avant, non seulement elle peut répondre à l’une de ses carences majeures - et qu’on n’évoque pas assez - mais aussi, elle peut enrichir l’assiette d’éligibilité à la protection internationale et la recherche de solutions à la situation des réfugiés. En fait, en plus de rendre davantage pro-actif ou opérationnel le droit international des réfugiés (sous-section 1), elle peut lui apporter encore plus de souplesse tout en le centrant sur la recherche de solutions durables à la situation des réfugiés (sous-section 2)

Catalyseur d’un droit international opérationnel

L’un des acquis majeurs du droit international des réfugiés n’est rien de plus que le principe de non-refoulement. Principe qui, par sa solidité juridique et son contenu, assure à ce droit une implacable effectivité. En effet, riche de sa valeur conventionnelle, de sa force coutumière et de sa qualité de norme impérative de droit international public, le principe de non-refoulement donne du sens au droit consacré par l’article 14 de la DUDH[2]. C’est-à-dire, le droit de chercher et de bénéficier de l’asile. S’il n’impose pas aux États d’accueillir un réfugié sur leur territoire (CEDH, Beldjoudi c. France), il les contraint en revanche de ne guère renvoyer, refouler ou expulser vers un territoire dans lequel toute personne craint des persécutions ou violations de ses droits fondamentaux. Par-là, ce principe confère au réfugié, un droit à l’asile provisoire. Formule bien trouvée par Jean-Yves Carlier, qui postule que, en raison de l’adage « nécessité fait loi », il est nécessaire qu’une personne ait accès à l’asile provisoire pour l’examen de sa demande, afin d’éviter qu’elle soit renvoyée vers un pays où sa vie ou sa liberté serait menacée.  (J.-Y. CARLIER, 2009, p.78)

Bien qu’assez robuste, le principe de non-refoulement n’aura eu, au fond, qu’un effet partiel sur la protection des réfugiés. Perclus par une logique spécifique, il est limité à une catégorie de personne en besoin de protection internationale. C’est seulement à ceux qui parviennent à atteindre, au minimum, les frontières des États tiers qu’il s’adresse. Le principe de non-refoulement est donc, par nature, réactif. Par effet domino - puisqu’étant sa « cheville ouvrière » - il enserre le droit international dans une logique similaire. Le droit international des réfugiés, en l’état actuel, ne réserve son ombrelle protectrice qu’à celles et ceux ayant atteint les territoires tiers. S’il garantit à ces derniers, le droit de ne pas être refoulés, une fois une frontière atteinte, il n’organise guère leurs mouvements. Conséquence immédiate – mais surtout prévisible - la responsabilité en matière d’accueil des réfugiés est très inégale. Signe des temps, la grande majorité des réfugiés (86 pourcents) est accueillie par les États à proximité des conflits armés ou des crises. Pourtant, ces derniers sont majoritairement des États à revenus faibles ou intermédiaires ne pouvant pas toujours offrir des conditions d’accueil dignes au bénéfice des réfugiés.[3] Cette carence majeure, longtemps pointée du doigt par la doctrine (P. H. SCHUCK, 1997, pp.243-297; J. C. HATHAWAY, 2018, p. 591) et nécessitant une répartition équitable des réfugiés, peut trouver une réponse salutaire par le développement du mécanisme de la réinstallation.

Relevant d’un processus de « sélection » et de « transfert », la réinstallation obéit à une logique fort différente de celle portée par le principe de non-refoulement. C’est la logique de la proactivité ou plutôt, celle de l’opérationnalité. Elle implique que les États ne se confinent pas à attendre l’arrivée des personnes en besoin de protection internationale sur leur territoire, avant de leur ouvrir des possibilités de protection. Elle les incite, au contraire, à s’exporter, à faire mouvement vers ces dernières. Soit par l’envoi d’agents de sélection dans leur État de premier accueil soit par l’analyse de leurs dossiers tels que soumis par le HCR. Un tel mécanisme apporte un souffle opérationnel au droit international des réfugiés. D’abord, en organisant le mouvement des personnes placées sous son empire, afin que celles-ci n’empruntent pas des chemins périlleux dans leur quête d’asile. Ensuite, en soulageant les États ayant une proximité géographique avec ceux d’où proviennent les « réfugiés ». Ce système, enfin, donne vie et vigueur au principe de solidarité internationale inscrit notamment et tel que déjà mentionné, au préambule de la Convention de Genève.

La logique d’opérationnalité – a priori théorique - que peut induire la réinstallation au sein du droit international des réfugiés, est confirmée par la pratique internationale. L’histoire de la réinstallation est à ce titre fort éloquente. Après les deux Guerres mondiales, divers États vont accueillir, par le biais de la réinstallation, des milliers de réfugiés géographiquement distant de leurs territoires. Dans le cadre d’abord des opérations facilitées par passeport Nansen, puis, celle coordonnée par l’Organisation internationale des réfugiés. Plus tard, Il en sera ainsi et notamment, des réfugiés hongrois (1956), asiatiques d’Ouganda (1972), latino-américains (1973), indochinois (1975), bosniaques (1991), syriens (2016).

Ces mesures de solidarité étant, jusque-là, le fait d’une poignée d’États. Il est alors possible de prévoir que, si le mécanisme de la réinstallation se répand davantage, la logique d’opérationnalité au sein du droit international des réfugiés gagnera encore plus de terrain. Mais, tout en le rendant opérationnel, ce mécanisme peut également l’assouplir puis le centrer sur la recherche de solutions durables.

Facteur d’un droit international plus souple et centré sur les solutions durables à la situation des réfugiés

Le mécanisme de la réinstallation est caractérisé par une telle souplesse que, s’il s’incruste plus solidement au sein du droit international des réfugiés, il pourra lui apporter une force d’adaptabilité encore plus soutenue. Certes, cette force, en tant que telle, ne manque pas à ce droit. La convention de Genève a pu s’ouvrir, du fait d’interprétations jurisprudentielles, à des catégories de « réfugiés » dont on aurait pu penser exclus. Sans qu’il ne soit nécessaire de s’étaler sur l’évolution de la qualité de « réfugié », on notera par exemple qu’il en a été ainsi des personnes persécutées pour leur orientations sexuelle ou leur refus d’excision ou de mariage forcé. (J.Y. CARLIER, 2022, pp.185-202). Et pourtant, la « rigidité » du droit international des réfugiés (sous le prisme de la convention de Genève) parait tenace. Autant les exilés de guerre que les réfugiés climatiques apparaissent encore orphelins, aussi longtemps qu’ils ne se retrouvent pas dans l’une des conditions limitativement prévues par la convention de Genève, telles qu’envisagées dans le contexte d’après-guerre. Les premiers le seront dès l’entame de la construction du droit international des réfugiés, n’ayant pas pris en compte le motif de fuite liée à un conflit armé.  Quant aux seconds, ils seront mis en lumière par les effets, de plus en plus prononcés, de la crise climatique. L’extension des conditions d’accès à la protection internationale semble donc nécessaire. Bien sûr, il existe des dispositifs tendant à étendre la protection internationale à ces catégories de « réfugiés », tels que la définition élargie prévue par la convention de l’OUA de 1969, la protection subsidiaire ou la protection temporaire. Mais ceux-ci ne sont opérants que lorsque les personnes en besoin de protection internationale ont atteint les territoires des États ayant inclus ces dispositifs. De plus, ils ne sont autrement que régionaux, et donc, forcément fragmentés. Une réponse internationale, avec une portée territoriale a priori plus large, commanderait alors une révision de la convention de Genève (lex data). Chose qui reste tout au plus hypothétique - sinon risquée[4], en tout cas, tel que cela ressort de la Déclaration de New York de 2016 déjà évoquée, qui rappelle au point 65 que la convention de Genève est la fondation (même) du régime international de la protection des réfugiés. L’édiction d’un nouvel instrument juridique (lex ferenda) pourrait aussi être envisagée. Mais l’aboutissement d’un tel projet n’est pas plus évident. Il est vrai, on ne saurait occulter les évolutions notables, en particulier pour les « réfugiés climatiques », dont la situation est envisagée par un faisceau d’actes non contraignants, sans toutefois vouloir leur accorder un statut de protection spécifique (T. FLEURY-GRAFF, 2020, p.67). Le chemin demeure toutefois encore long. En revanche, en redonnant sa place à la réinstallation, déjà connue et intégrée au droit international des réfugiés, cette dernière pourrait apporter des réponses utiles à ces défis.

Flexible et souple, le régime de la réinstallation peut ouvrir les portes de la protection internationale à des « réfugiés » abandonnés dans les limbes du droit international.  En fait, les conditions d’éligibilité à la réinstallation vont bien au-delà des réfugiés conventionnels. En d’autres termes, des réfugiés de la convention de Genève. Selon le Manuel de réinstallation, la qualité de réfugié est nécessaire afin d’envisager une réinstallation. Certes, le HCR priorise les réfugiés conventionnels, lorsqu’il soumet des cas aux États. Mais ce n’est guère par obligation juridique que par cohérence pratique. Certains États privilégient en effet les réfugiés répondant à la convention de Genève. Pour autant, d’autres prévoient la possibilité de réinstaller des personnes en besoin de protection internationale, mais ne répondant pas aux conditions strictes de la convention de Genève, s’alignant ainsi, sur le point 17 du cadre multilatéral d’accords sur la réinstallation. Ce dernier prescrit clairement que : « Les pays de réinstallation devraient réfléchir à l’élaboration de critères de sélection suffisamment souples pour leur permettre de réinstaller des personnes relevant de la compétence du HCR qui peuvent ne pas relever des termes de la Convention de 1951 ». Ainsi, en Australie par exemple, le  « Special Humanitarian Program Pathway » - perçu comme un pan du programme de la réinstallation -  permet à des personnes ne répondant pas aux conditions de la convention de Genève d’y être réinstallées. Pour être éligibles, ces personnes doivent être proposées par un résident permanent ou un citoyen australien, se trouver hors de l’Australie, vivre en dehors de leur État d’origine et être la cible de « discriminations substantielles ». Cette dernière notion étant d’interprétation subjective et pouvant inclure les « réfugiés » autres que ceux de la convention de Genève. Au Canada aussi, le programme de réinstallation intéresse les personnes affectées par la guerre civile, les conflits armés ou violations de droits de l’homme, même si elles ne répondent pas aux critères de la convention de Genève. Plus encore et toujours au Canada, le Private Sponsorship of Refugee (PSR) – autre schéma de réinstallation à côté du Gouvernement Assisted Refugee (GAR) et Blended Visa Office-Referred Program (BVOR) – permet de réinstaller des personnes non référées par le HCR. C’est-à-dire, celles qui ne sont pas nécessairement réfugiées au sens strict de la convention de Genève. Les personnes ainsi visées sont nommément sélectionnées par des individus ou ONG, appelés parrains, sans nécessairement qu’elles relèvent de la convention de Genève. Aux USA également, autant dans le cadre de la Priority Two (P2) que pour des « circonstances spéciales » du point de vue de l’État américain, les personnes ne répondant pas à la définition conventionnelle du réfugié peuvent y être réinstallées. En France enfin, selon l’article L. 520-1[5] du Code d’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), peuvent y être réinstallées, les personnes vulnérables ayant besoin de « protection internationale ». Il est dès lors possible de penser que le programme français de réinstallation ne se limite pas aux réfugiés conventionnels. Dit autrement, aux réfugiés ne répondant pas uniquement aux conditions de la convention de Genève.

En plus de sa capacité à élargir les possibilités d’accès à la protection internationale, la réinstallation peut propulser la dynamique de recherche de solution durable au sein du droit international des réfugiés. Le HCR a la responsabilité de trouver des solutions durables au problème de réfugiés. En clair, il doit trouver des réponses afin de résoudre - et non uniquement gérer - la situation de ces derniers. Trois solutions durables ont alors été développées : le rapatriement volontaire, l’intégration sur place et la réinstallation. La réinstallation constitue une solution durable bien singulière comparativement aux deux autres. Elle a, en ce sens, une fort potentiel à propulser la place des solutions durables au sein du droit international des réfugiés, pour une triple raison.

Une raison conjoncturelle d’abord. La réinstallation est la solution durable traditionnelle la plus adaptée au contexte actuel. Ce dernier étant marqué, à la fois, par la persistance des conflits dans les pays d’origine des réfugiés et la pression sur leurs États de premier accueil. Emiettant, ce faisant, autant les possibilités de rapatriement volontaire que d’intégration sur place. En outre et plus structurellement, la réinstallation est la solution durable organisant, en amont, l’intégration des réfugiés. Elle vise, selon sa définition même, à conférer un « statut permanent » au réfugié réinstallé. Pour dire autrement, elle cherche la « stabilité » de ce dernier dans l’État de réinstallation. C’est pourquoi, par exemple, avant même le départ du futur réinstallé, ce dispositif prévoit de l’orienter sur les réalités socio-politiques et économiques de l’État de réinstallation, à travers l’orientation culturelle. A son arrivée ensuite, le statut de réfugié correspondant au fondement sur lequel il a été reconnu réfugié lui est automatiquement[6] accordé, et parfois, un statut dont la durée est souvent longue. Autant en Australie, en Autriche, en Belgique, au Canada, au Chili, en Nouvelle Zélande, en République Tchèque et en Suède, les réfugiés réinstallés bénéficient du statut de résident permanent ou d’un séjour illimité. Dans d’autres États, le statut est certes temporaire mais d’une durée non moins négligeable. C’est le cas au Danemark (5 ans), aux États-Unis (5 ans) en Finlande (5 ans), en France (10 ans) et au Portugal (5 ans). Enfin, la troisième raison pour laquelle la réinstallation pourrait davantage enraciner les solutions durables au sein du droit international des réfugiés, est que, à la faveur du développement du concept « d’utilisation stratégique », ce mécanisme est censé lui-même déclencher d’autres solutions, y compris les deux autres solutions durables traditionnelles.

Toutefois, du fait de quelques carences qui le jalonnent, le mécanisme de la réinstallation pourrait prendre un autre visage. (V. aussi, T.K. ACKA, 2022, pp. 542-550). En effet, il a un cadre juridique fragile qui offre une très grande marge de manoeuvre aux États de réinstallation. Ainsi, s’il se répand en l’état, sans se « purifier » de ces carences, il peut constituer une subtile menace à l’accueil des réfugiés tel que garanti par le droit international des réfugiés.

Section 2 : La réinstallation, une menace subtile à l’accueil des réfugiés

Vu sous un autre angle, force est de constater que le mécanisme de la réinstallation se revêt d’apparat « dangereux » pour l’accueil des réfugiés. Ce mécanisme ne saurait efficacement se répandre sans s’expurger de certaines nuisances. A défaut, il risque de fragiliser et fragmenter le cadre juridique de l’accueil des réfugiés (sous-section 1). Il pourrait aussi induire un système de l’accueil ultra-sélectif et fondé sur les intérêts exclusifs des États (sous-section 2).

Cadre juridique de l’accueil fragilisé et fragmenté

Selon Adèle Garnier, « contrairement à l’asile, la réinstallation ne repose pas sur le droit international ». Si cette assertion est sans doute vraie, elle ne recouvre pas la réalité complète de la réinstallation au sein du droit international. La réinstallation n’est pas étrangère au droit international comme le droit international ne lui est pas étranger, ainsi que cela a pu transparaitre au stade de nos propos introductifs. Plus concrètement, leur rencontre jaillit en deux points principaux. D’une part, au niveau des acteurs, dont les principaux sont sujets de droit international. D’abord l’État. Lequel inclut aussi bien l’État d’asile des réfugiés à réinstaller, l’État de transit (le cas échant) et l’État de réinstallation de ces derniers. Ensuite, viennent les organisations internationales, dont en particulier le HCR et l’OIM (ci-après Organisation internationale pour les migrations). Le premier s’occupe, en particulier, de l’aspect juridique et diplomatique de la réinstallation.  Le second assure, surtout, la dimension opérationnelle de celle-ci. L’ONU aussi, à travers le Conseil de Sécurité et l’Assemblée Générale, n’est pas en reste. Encore moins, au plan régional, l’Union européenne (ci-après UE). Par-delà ces sujets de droit international, la rencontre entre la réinstallation et le droit international nait sur le terrain normatif. Les instruments de droits de l’homme sont applicables au mécanisme de la réinstallation. Les réfugiés réinstallés ou en « voie de réinstallation »[7] étant des êtres humains qui seront, dans tous les cas, sous la juridiction soit de l’État d’asile, de transit ou de réinstallation. La convention de Genève aussi reste utile, puisqu’étant l’un des instruments usités en pratique afin d’apprécier l’éligibilité à la réinstallation et qu’en outre, les réinstallés peuvent être des réfugiés conventionnels dont les droits sont garantis par cette dite convention. Les multiples accords (ou arrangements), multilatéraux, plurilatéraux ou bilatéraux sur ou incluant la réinstallation, de même que les Manuels (ou guides) sur ou en lien avec la réinstallation, demeurent décisifs.

Il y a donc un cadre juridique (normatif et institutionnel) de la réinstallation en droit international, mais celui-ci est - et c’est là le problème - fragile. L’absence de convention internationale sur la réinstallation est un fait.  Les autres modes de régulation traditionnelle en droit international y occupent une place, au mieux, équivoque. Ni la coutume internationale, le principe général de droit ou encore l’acte unilatéral, ne peuvent être solidement perçus comme fondement juridique à ce mécanisme. Ce dernier ne rencontrant soit une ou plusieurs de leurs conditions d’existence. En fait, la réinstallation s’ordonnance autour d’entrelacs d’accords, dont l’accès n’est pas toujours possible ou dont la consistance est très peu loquace. Elle est surtout régentée par des instruments non-contraignants, certes de référence - tel que le Manuel de réinstallation - mais qui n’ont pas vocation, tant par leur formulation que leur formation, à lui inférer un cadre juridique contraignant. Le Manuel de réinstallation est d’abord un outil de travail du personnel du HCR. Instrument du soft law international donc, la réinstallation s’épanouit dans un cadre juridique international peu solide.

En conséquence, si elle s’étend en des proportions importantes, en conservant sa configuration actuelle, tout étant privilégiée au détriment de « l’asile spontané »[8], elle court le risque de fragiliser et fragmenter le cadre juridique de l’accueil des réfugiés. Bien évidemment, la réinstallation peut et doit coexister avec l’accueil spontané des réfugiés, puisqu’elle est son complément nécessaire afin de pallier au défaut d’opérationnalité du droit international des réfugiés tel qu’on l’a vu. Le risque visé ici étant dans l’hypothèse où elle se développe, avec son caractère actuel - c’est-à-dire très peu encadré, en remplaçant peu à peu le droit pour une personne en besoin de protection internationale de demander, de manière spontanée, cette dite protection, aussi bien auprès des États concernés par les mouvements massifs des réfugiés que ceux qui le sont moins. Car en effet, l’organisation de la réinstallation dans l’ordre juridique interne des États repose, en l’état, sur des bases assez flageolantes. Hormis au sein de quelques-uns d’entre eux (par exemple le Canada, l’Australie, les USA), ce mécanisme relève marginalement du parlement mais intensément de l’exécutif. L’étude d’Amanda Cellini sur les programmes de réinstallation de 27 États le démontre fort bien. Elle montre aussi que des États n’ont aucun cadre juridique spécifique sur la réinstallation, à l’exemple de la Belgique. Cette fragilité touche aussi les pays majeurs de la réinstallation. La France par exemple, qui est depuis 2018 l’un des « gros » contributeurs aux places de réinstallation, a un cadre juridique insuffisant en la matière. Certes, cette fragilité juridique confirme le caractère volontaire de la réinstallation. Ce qui est, en soit, incitatif pour les États qui sont libres de réinstaller. Pour autant, elle alimente une fragmentation du régime de la réinstallation.  D’un État à l’autre, ce régime varie. Tant et si bien qu’il est peu susceptible à une éventuelle standardisation. De fait, en prétextant de réinstaller, les États peuvent endurcir subtilement les conditions d’accueil des réfugiés sur leur territoire. Instaurant, ce faisant, un système d’accueil ultra-sélectif et fondé sur leurs intérêts exclusifs.

Accueil ultra-sélectif et axé sur les intérêts exclusifs des États

Disons-le d’emblée. L’accueil des réfugiés au regard du droit international positif est déjà sélectif. Toute personne ne peut en effet être accueillie, en tant que réfugié, dans un État quelconque. Le franchissement, au moins, des « verrous » institués par les articles 1A et 1F de la Convention de Genève s’impose. S’ajoutent ensuite d’autres verrous. Le « pays tiers sûr », l’ « alternative de protection interne », le « système Dublin », pour ne citer que ceux-là. Mais la réinstallation, en principe distincte de ces dernières mesures – puisqu’elle entend favoriser l’accueil des réfugiés - porte néanmoins, en elle, des germes de l’ultra-sélectivité. Ce dernier naissant, quant à lui, de deux phénomènes majeurs.

Le premier phénomène procède du Manuel de réinstallation. Le Manuel prescrit que, ne sont éligibles à la réinstallation, les réfugiés les plus vulnérables : les personnes en besoin de protection juridique et/ou physique, les survivants de torture, les personnes en besoin de soins médicaux, les femmes et filles en situation à risque, les personnes en besoin de regroupement familial, les enfants en situation à risque et enfin les personnes dont la réinstallation est la seule option à court terme. Autrement dit, tous les réfugiés ne peuvent prétendre d’office au bénéfice de la réinstallation. La priorité est faite à ceux qui sont « les plus vulnérables ». Plus encore, la notion de « vulnérabilité » même, soulève des problèmes sémantiques. Par exemple, en mentionnant très explicitement les femmes et enfants comme vulnérables (en soi), l’éligibilité des hommes, surtout célibataires, s’en trouve mise en difficulté. Sans surprise, leur sélection en vue d’une réinstallation est parfois malaisée.  Pis, depuis la Conclusion n° 67 de l’EXCOM, la réinstallation, longtemps solution promue en pratique, est désormais considérée comme solution de dernier recours. Dit autrement, parmi la palette de solutions d’accueil des réfugiés, la réinstallation vient en « ultima ratio ». Outre cela, menés par la brèche d’ultra-sélectivité ouverte par le Manuel, mais aussi et surtout, le cadre juridique fragile de la réinstallation, certains États recourent, à leur tour, à des critères additionnels de sélection, sans liens évidents avec le principe de la « vulnérabilité ».  C’est là le second phénomène qui nourrit l’ultra-sélectivité dans le régime de la réinstallation. C’est aussi le témoignage du double impact que cette dernière peut avoir sur l’accueil des réfugiés. Autant elle est flexible en permettant de surpasser les critères limitatifs de la convention de Genève, autant elle permet aux États de restreindre l’assiette d’éligibilité à la protection internationale. Les critères additionnels auxquels des États de réinstallation ont recours sont, notamment, la taille de la famille, l’âge, l’état de santé, l’origine ethnique, la religion, le « potentiel d’intégration ». (Forum Réfugiés, 2009, p.40). Mais aussi, les quotas et priorités géographiques.

L'accueil des réfugiés s’en trouverait ainsi sélectif et sans surprise alors, axé autour des intérêts exclusifs des États d’accueil. Les critères additionnels sus-évoqués en donnaient déjà le ton. Instrument au contour encore malléable, du fait de son défaut d’ancrage juridique solide, la réinstallation sert et pourrait servir les intérêts exclusifs des États, au point de leur permettre de se défausser subtilement de leurs obligations internationales. C’est-à-dire, leur permettre de faire bonne figure en prétextant accueillir les réfugiés par le biais réinstallation tout en empêchant, autant que possible, l’accueil spontané de ces derniers, pourtant garanti par le principe de non-refoulement.  Or, et comme déjà évoqué, ce mécanisme s’est voulu être un compromis entre les intérêts des États et ceux des réfugiés. Ainsi, ses fonctions officielles ont été fixées comme suit : Apporter une protection internationale et une solution durable aux réfugiés puis partager les responsabilités en matière d’accueil de ces derniers. Ces fonctions - dans lesquelles résident toute la pertinence de cet outil - sont souvent rappelées par le Manuel de la réinstallation, les Conclusions de l’EXCOM et l’UE.  Cependant, dans les faits, elles sont façonnées au gré des intérêts étatiques, non sans graves risques sur l’accueil des réfugiés.

Bien loin de ses fonctions officielles, le mécanisme de la réinstallation sert et peut servir, par exemple, des intérêts économiques assumés. Privilégiant, à ce titre, les « réfugiés » correspondant au besoin en main d’œuvre de l’État de réinstallation. Le « potentiel d’intégration » est, en l’état actuel, le critère qui sert de support à cette fonction. Bien avant lui, les divers programmes de réinstallation au Canada, au Royaume-Uni ou en Afrique, avaient cette mission clairement affichée. Outre les intérêts économiques, la réinstallation sert et peut servir d’instruments de politiques de gestions migratoires plus largement. Engendrant ainsi, des politiques de différenciation entre « réfugiés spontanés » et « réfugiés réinstallés ». Les seconds étant mieux lotis que les premiers. Sous le prétexte de réinstallations réelles ou hypothétiques, divers États ont en effet mis en place des politiques d’externalisation, voire de marchandage de l’asile, en violation flagrante du droit international des réfugiés. L’Australie, depuis 2001, renvoie constamment les personnes ayant besoin de protection pénétrant sur son territoire sans visa valide, dans des centres offshores, afin de traiter de leurs demandes d’asile. Cet État admet sur son territoire, à titre privilégié, les « réfugiés » réinstallés. De même, l’UE à travers la Déclaration UE-Turquie de 2016 notamment, le Danemark en 2020, le Royaume-Uni en 2022, en sont d’autres exemples poignants.

Conclusion

Au total, le mécanisme de la réinstallation peut avoir un impact double sur l’accueil réfugiés. Un impact positif d’abord, tant il aidera, s’il se répand davantage encore, à produire un droit international plus opérationnel, souple et centré sur la recherche de solutions durables au bénéficie des réfugiés. Un impact négatif ensuite - avec l’hypothèse qu’il conserve sa configuration actuelle - tant il risque d’instaurer un cadre juridique de l’accueil des réfugiés fragile et fragmenté mais aussi ultra-sélectif et axé sur les intérêts exclusifs des États. Face à cet antagonisme, l’équilibre ne serait pas moins la meilleure solution. Au fond, la question la plus juste à se poser est de savoir comment permettre son expansion tout en évitant les menaces subtiles d’insécurité qu’il fait peser sur l’accueil des réfugiés. Le chantier est sans doute vaste, mais il conviendra inévitablement de bâtir un cadre juridique plus soutenu. Plus clairement, un cadre qui préserve les acquis essentiels du droit international des réfugiés. Un cadre qui garantisse « l’asile spontané », repense les critères de sélection en vue d’une réinstallation, clarifie le rôle des acteurs tout en insistant sur leur formation. Osons le dire, cela pourrait passer par l’adoption d’une convention internationale sur la réinstallation. Car, même si cela parait improbable en l’état, le basculement est quant à lui nécessaire, afin de garantir la sécurité juridique dans l’accueil des réfugiés.

C. Pour aller plus loin

Bibliographie choisie 

I) Sources doctrinales

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II) Sources du HCR

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Pour citer cette contribution : T.K. Acka, « La réinstallation : entre réponse utile et menace subtile à l’accueil des réfugiés » Cahier de l’EDEM, Edition Spéciale, juillet 2022.

 


[1] Par exemple, le Protocole d’accord entre l’Argentine et le HCR, signé en juin 2005 ; le Protocole d’accord entre le Brésil et le HCR, signé en 1999 ; l’Accord cadre pour le réinstallation des réfugiés en Chili entre le Chili et le HCR, signé en 1999 ; l’Accord-cadre de coopération entre le Gouvernement de la République Française et HCR, signé en février 2008 ; l’accord bilatéral entre la République Tchèque et le HCR, signé en 2010 ; le Protocole d’accord sur la réinstallation des réfugiés entre le Paraguay et le HCR, signé en 2007; l’accord-cadre entre l’Uruguay et le HCR, signé en juin 2007.

[2] Déclaration Universelle des Droit de l’Homme, adoptée le 10 décembre 1948.

[4] Un risque de remettre en cause les acquis de la convention de Genève, compte tenu du contexte international particulièrement crispé sur les questions migratoires

[5] Anciennement article 714-1

[6] Sauf en Belgique et en République Tchèque, où il faut introduire une demande formelle après l’arrivée du réinstallé sur le territoire. En France aussi, la personne réinstallée à partir d’une sélection sur dossier doit remplir cette exigence formelle.

[7] Il s’agit ici des réfugiés dont le dossier est en cours d’examen en vue d’une réinstallation ou qui ont été acceptés par les États de réinstallation mais n’y ont pas encore été transférés.

[8] Nous entendons par « asile spontané », l’asile acquis par les personnes en quête de protection, arrivées par leur propre moyen et de manière spontanée sur le territoire d’asile.

Publié le 28 juillet 2022