C.C.E., 26 novembre 2019, n° 229 265

Louvain-La-Neuve

Violences sexuelles au Kosovo : l’octroi de besoins procéduraux spéciaux par le CGRA et de la protection par le CCE.

Asile – nouvelle demande – Kosovo – conflit 1998-1999 – violences sexuelles – difficultés psychologiques – reconnaissance

Le Conseil du contentieux des étrangers reconnait le statut de réfugié à une ressortissante kosovare alléguant avoir subi de graves violences sexuelles commises par la police serbe pendant le conflit de 1998-1999. Elle invoque en outre les difficultés psychologiques en résultant. Le juge prend en compte le traumatisme et le sentiment de peur constant de la requérante depuis les événements, ainsi que sa crainte d’être ostracisée par son mari et sa famille, si ceux-ci venaient à être informés en cas de retour au pays.

Hélène Gribomont

A. Arrêt

1. Rétroactes

La requérante est de nationalité kosovare et d’origine ethnique albanaise. Elle a introduit une première demande d’asile en compagnie de son mari. En son chef, elle a invoqué des problèmes psychologiques suite aux exactions par les Serbes dont elle a été témoin lors du conflit de 1998-1999.

Le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides a pris une décision de refus. Il ne remet pas en question les faits tragiques que la requérante déclare avoir vécus pendant la guerre ni ses problèmes psychologiques. Toutefois, il a avancé trois motifs justifiant une décision négative. La situation sécuritaire au Kosovo a fondamentalement changé et il n’existe aucune raison de penser que la requérante pourrait être confrontée à des évènements tels que ceux passés. Rien n’indique qu’en cas de retour, elle ne pourrait bénéficier d’un suivi médical adapté à ses difficultés. Elle a résidé jusqu’en 2007, soit plus de sept années après les faits, dans la zone des événements traumatiques tout en connaissant des périodes d’amélioration de son état. La requérante n’a pas introduit de recours contre la décision du Commissariat général.

La requérante a introduit une demande de « régularisation médicale » (article 9 ter, loi du 15 décembre 1980). L’office des étrangers a pris une décision de refus.

La requérante a introduit seule une seconde demande d’asile. Elle a invoqué ses problèmes psychologiques suite aux exactions dont elle a été témoin, comme pour la première demande. Elle a ajouté avoir été enlevée par la police serbe et avoir été victime de violences sexuelles pendant la séquestration. Selon elle, son état psychologique est surtout dû à ces faits particuliers. Elle n’a osé les divulguer que récemment à un nombre restreint de professionnels (son avocate, sa psychologue et son assistante sociale). Outre ces problèmes psychologiques, elle invoque craindre qu’en cas de retour, son entourage – mari et belle-famille – prenne connaissance qu’elle a été victime de violences sexuelles et partant, la stigmatise, la rejette et lui prenne ses enfants.

Le Commissariat général a pris une décision d’irrecevabilité de la demande sur la base de l’article 57/6/2, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980.

Il a retenu certains besoins procéduraux spéciaux et a pris les mesures de soutien adéquates. Le mari de la requérante n’étant pas au courant des nouveaux éléments invoqués, les dossiers administratifs, initialement joints, ont été séparés et la requérante a été invitée à élire domicile à l’adresse de son avocate afin d’éviter que la décision soit expédiée à l’adresse du couple et que le mari en prenne connaissance. De surcroit, vu la nature des faits invoqués et de l’état psychologique fragile de la requérante, le Commissariat général a désigné comme officier de protection une femme spécialisée dans les entretiens des personnes vulnérables.

Il a estimé que les nouveaux éléments ne permettaient pas de justifier l’octroi d’une protection internationale. Concernant les problèmes psychologiques de la requérante, il a déclaré que les motifs exposés dans la première décision restaient d’application. Concernant la crainte de stigmatisation, de rejet et de retrait de ses enfants, il considère que ce sont des hypothèses qui ne sont pas soutenues par des indices concrets. De plus, rien n’indique qu’elle ne pourra bénéficier d’un suivi psycho-médical approprié en cas de retour.

La requérante a introduit un recours contre la décision du Commissariat général.

2. Décision

Le Conseil du contentieux des étrangers déclare ne pas pouvoir se rallier à la motivation de la décision.

(1) Il constate que la requérante a exposé de manière convaincante les raisons pour lesquelles elle n’a exprimé que tardivement le fait qu’elle a été victime de graves violences sexuelles pendant la guerre. Elle a soutenu ses déclarations par des éléments médicaux attestant du cheminement qui a été le sien (para. 2.6.1).

(2) Il rappelle ensuite qu’en général

« sous réserve de l’application éventuelle d’une clause d’expulsion, la question à trancher au stade de l’examen de l’éligibilité au statut de réfugié se résume en définitive à savoir si le demandeur a ou non des raisons de craindre d’être persécuté du fait de l’un des motifs visés par la Convention de Genève. Si l’examen de crédibilité auquel il est habituellement procédé constitue, en règle, une étape nécessaire pour répondre à cette question, il fait éviter que cette étape n’occulte la question en elle-même. Dans les cas où un doute existe sur la réalité de certains faits ou la sincérité du demandeur, l’énoncé de ce doute ne dispense pas de s’interroger in fine sur l’existence d’une crainte d’être persécuté qui pourrait être établie à suffisance, nonobstant ce doute, par les éléments de la cause qui sont, par ailleurs, tenus pour établies » (para. 2.6.3).

(3) En l’espèce, après une nouvelle analyse approfondie du dossier combinant les déclarations de la requérante lors des auditions, les documents apportés (notamment psychologiques et psychiatriques) et la teneur des débats tenus à l’audience, le Conseil retient les éléments suivants. Il n’est pas contesté que la requérante a été victime de graves violences sexuelles. Celles-ci ont occasionné des conséquences gaves sur la santé physique et mentale de la requérante, ce qui est attesté par des éléments médicaux. La requérante « rend compte de son vécu personnel de manière précise, constante et circonstanciée » ; elle « explique de manière plausible et cohérente le traumatisme persistant, le sentiment de peur qui ne l’a jamais quittée depuis les événements qu’elle dénonce, la crainte d’être ostracisée par sa famille et la société ainsi que celle d’être séparée de ses enfants si les violences dont elle a été victime étaient révélées – craintes renforcées au regard du cadre de vie familial traditionnel qu’elle décrit et illustre de manière tout aussi consistante ». S’agissant des conditions de vie de la requérante depuis la commission des faits de violences, elle déclare « de manière parfaitement cohérente et plausible, de peur d’être rejetée par sa famille ou de détruire celle-ci, taire ces événements et du fait de ce refoulement, vivre dans une crainte constante qui se trouve vraisemblablement à l’origine de son état de détresse actuel ». Par ailleurs, elle expose « de manière convaincante son vécu et son ressenti face à l’attitude de sa famille lorsque des cas similaires au sien sont abordés, élément qui a manifestement participé à la détérioration de son état de santé physique mais surtout psychique » (para. 2.6.3).

Concernant plus particulièrement les documents, le Conseil prend acte du rapport médical psychiatrique qui « expose de manière circonstanciée les raisons pour lesquelles, dans le présent cas d’espèce, un retour de la requérante dans son pays d’origine s’avère tout à fait contre-indiqué ». Il retient aussi les informations pertinentes apportés par la requérante « dont il ressort notamment que si une évolution semble être intervenue au Kosovo, la stigmatisation des femmes victimes de ce type de violence est toujours bien présente, constats qui, d’une part, corroborent le bien-fondé des craintes invoquées par la requérante, d’autre part, doit inciter à une grande prudence dans l’évaluation de la présente demande de protection internationale, et enfin, rendent hypothétique une protection effective de la requérante contre les persécutions qu’elle redoute » (para. 2.6.3).

Eu égard à ce qui précède, le Conseil estime qu’il est établi à suffisance que « la vie est devenue intolérable pour la requérante dans son pays d’origine », se référant au paragraphe 42 du Guide des procédures et critères du HCR. Il lui reconnaît donc le statut de réfugié (para. 2.7).

B. Éclairage

L’arrêt commenté nous inspire deux observations, non exhaustives. Celles-ci portent sur les mesures prises par le Commissariat général concernant les besoins procéduraux spéciaux (1) et sur le raisonnement du Conseil du contentieux des étrangers (2).

1. Besoins procéduraux spéciaux

En l’espèce, le Commissariat général a pris trois mesures pour répondre aux besoins procéduraux spéciaux de la requérante : la séparation des dossiers administratifs de celle-ci et de son mari, l’invitation à élire son domicile à l’adresse de son avocate et la désignation comme officier de protection d’une femme spécialisée dans les entretiens des personnes vulnérables.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 21 novembre 2017 modifiant la loi du 15 décembre 1980 et la loi du 12 janvier 2007, en mars 2018, une procédure est prévue afin d’identifier les besoins procéduraux spéciaux des demandeurs d’asile et d’en tenir compte par la suite. Le législateur a ainsi transposé l’article 24 de la directive procédures consacré aux « demandeurs nécessitant des garanties procédurales spéciales ». Auparavant, seules les vulnérabilités visibles ou clairement identifiées étaient enregistrées dans une base de données (Evibel) à laquelle Fedasil avait également accès. L’impact de ce processus sur la procédure et l’évaluation de la demande d’asile semblait plutôt limité car l’information était principalement utilisée pour déterminer les besoins spéciaux en termes d’accueil.

L’article 48/9, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980 dispose que le demandeur d’asile a désormais la possibilité, au début de la procédure, de « faire valoir de manière précise et circonstanciée dans un questionnaire […] les éléments dont ressortent ses besoins procéduraux spéciaux, et ce afin de pouvoir bénéficier des droits, et se conformer aux obligations prévus » par la loi. Transposant la directive européenne, cette disposition vise à fournir un « soutien adéquat » au demandeur qui en éprouve le besoin, pour autant que ses besoins spéciaux en matière de procédure soient suffisamment démontrés.

Le questionnaire « besoins procéduraux spéciaux » est donné au requérant par l’Office des étrangers. La détermination des besoins s’effectue sur la base de celui-ci et des éléments suivants, listés sur le site du Commissariat général : la déclaration du demandeur à l’Office et le questionnaire préparatoire du Commissariat ; les éventuelles pièces transmises (certificats médicaux ; etc.) ; les éventuelles recommandations quant aux besoins procéduraux sur la base d’un examen médical[1] ; et les éventuelles recommandation émanant de la structure d’accueil.

Sur son site, le Commissariat général liste les mesures de soutien possible. Il s’agit de la préparation ou l’organisation d’un entretien personnel (une lettre de convocation adaptée, une date spécifique, un traitement prioritaire ou différée de la demande, l’envoi d’une demande écrite de renseignements, un entretien personnel en déplacement, un examen médical complémentaire ou une demande de recommandations médicales, etc.), les modalités de l’entretien personnel (assistance par un tuteur dans le cas de mineurs non accompagnés, officier de protection ayant une expertise particulière, questions adaptées, entretien personnel bref ou plusieurs entretiens, assistance par un interprète de la langue des signes, sexe de l’officier de protection et/ou de l’interprète, etc.) et le suivi après l’entretien personnel (accorder un délai supplémentaires pour l’envoi de pièces justificatifs d’ordre médical, etc.).

En pratique, la lecture d’arrêts du Conseil du contentieux des étrangers indique que le Commissariat général a déjà par exemple prises les mesures de soutien suivantes. Concernant une demandeuse togolaise dans une situation de stress important, l’officier de protection a pris soin de lui expliquer l’état de la procédure au début des deux entretiens, il a procédé à une pause au milieu de ceux-ci, il a répété les questions posées lorsque c’était nécessaire et l’a informée de l’importance de répondre de manière complète aux questions posées. Pour les mineurs, l’entretien est mené par un officier de protection spécialisé et ayant suivi une formation spécifique quant à l’entretien avec des mineurs de manière professionnelle et adéquate, l’entretien se déroule en présence du tuteur et de l’avocat qui ont la possibilité de formuler des observations et de déposer des pièces, il est tenu compte du jeune âge et de la maturité dans l’évaluation des déclarations ainsi que de la situation dans le pays d’origine. Un demandeur guinéen souffrant d’un syndrome psychotraumatique s’est vu signaler qu’il pouvait demander des pauses si nécessaires lors de l’entretien. L’officier de protection s’est assuré qu’il était en état de réaliser l’entretien et a pris en considération son état psychologique dans l’analyse du dossier. Pour un demandeur congolais sensible aux bruits, sujet à des migraines, ayant des difficultés à gérer ses émotions et des problèmes de mémoire, suite à une hémorragie cérébrale, le Commissariat général a prévu l’entretien sur une journée entière pour lui donner le temps de s’exprimer. Des questions lui ont été posées au début sur son état de santé, les traitements reçus au Congo et le suivi en Belgique. L’officier de protection a demandé qu’il réponde par « je ne sais plus » ou « je ne me souviens plus » s’il ne se rappelait pas de quelque chose. De plus, il y a eu une pause de 25 minutes lorsque le demandeur s’est plaint de maux de tête. Encore, une ressortissante ivoirienne a demandé à être interrogée par un agent féminin, dans un délai d’au moins deux mois après l’introduction de sa demande afin de lui permettre de consulter un psychologue, ce qui a été respecté par le Commissariat général. Elle a également demandé à être assistée par un interprète baoulé. Le Commissariat n’ayant pas pu lui fournir un tel interprète, les entretiens ont eu lieu en français mais il a été veillé à ce qu’il n’y ait aucune difficulté d’énonciation ou de compréhension.

Toutefois, dans la majorité des cas, la possibilité consacrée par l’article 48/9, § 1er, n’aboutit pas. Le Commissariat général utilise alors une formule devenue type :

« Après une analyse approfondie de l’ensemble des éléments de votre dossier administratif, relevons tout d’abord que vous n’avez fait connaître aucun élément dont il pourrait ressortir des besoins procéduraux spéciaux et que le Commissariat général n’a de son côté constaté aucun besoin procédural spécial dans votre chef. Par conséquent, aucune mesure de soutien spécifique n’a été prise à votre égard, étant donné qu’il peut être raisonnablement considéré que vos droits sont respectés dans le cadre de votre procédure d’asile et que, dans les circonstances présentes, vous pouvez remplir les obligations qui vous incombent ». 

Cela peut s’expliquer par plusieurs éléments. Nous en mentionnons deux. Premièrement, comme l’avait souligné le HCR dans son avis sur le projet de loi, l’identification des besoins spéciaux a lieu trop tard et devrait être faite à un stade précoce de la procédure. Il proposait que l’identification ait lieu avant l’introduction formelle de la demande afin de s’assurer que les garanties procédurales spéciales soient accordées en temps opportun aux demandeurs qui ont le droit d’en bénéficier. Deuxièmement, la charge de démontrer les besoins spéciaux incombe de manière trop importante au demandeur. L’exposé des motifs de la loi indique en effet que la possibilité de faire valoir les éléments dont ressortent ses besoins procéduraux spéciaux participe à l’obligation de collaboration du demandeur dans la collecte des informations concernant sa demande. Pourtant, à ce stade, le contexte dans lequel se trouve le demandeur ne lui permet pas de rassembler les éléments nécessaires pour prouver son besoin de garanties procédurales adaptées. Il aurait besoin de temps, voire d’aide de la part des autorités, pour comprendre les enjeux, non négligeables, d’une telle démonstration d’une part, et pour identifier – et faire identifier – les éléments nécessaires d’autre part. On se retrouve ici face à une difficulté de timing. Traiter le paramètre des besoins spéciaux plus tôt dans la procédure et laisser le temps indispensable au demandeur. Il faut donc jouer avec ces deux temporalités. Et si un équilibre subtil est à trouver au cas par cas, la disposition nécessite une proactivité de l’Office des étrangers et du Commissariat général vu la méconnaissance du demandeur, à ce stade, de la procédure d’asile. 

2. Raisonnement du juge

Le raisonnement du juge est assez inédit. Il tient compte de plusieurs éléments, non considérés comme primordiaux par le Commissariat général. Il tire ces éléments des trois phases clefs de la procédure : les déclarations, les documents et les débats à l’audience. Premièrement, le juge prend largement en considération les graves troubles psychologiques et physiques dont souffre la requérante et partant, les documents qui les attestent. Le Commissariat général n’avait pas contesté ces troubles et n’avait pas formellement écarté les rapports médicaux et psychologiques. Mais le juge va plus loin en considérant que ces documents « attestent la grande vulnérabilité de la requérante » (para. 2.6.3). La vulnérabilité est ici un élément de fond et non pas de forme, comme c’est plus souvent le cas (garanties procédurales spéciales). Deuxièmement, le juge prend en compte un risque de persécution autre que physique. Il s’attache aux conditions de vie dans lesquelles la requérante vit depuis ses agressions sexuelles et continuerait à vivre en cas de retour. Sa crainte est que sa famille et la société apprennent ce qu’elle a subi et la rejette. Elle a donc un sentiment de peur constant, lié à cette crainte d’une part et lié aux violences subies d’autre part. Troisièmement, le juge est attentif à la situation des femmes victimes de violences sexuelles dans la société kosovare. Il n’est pas rare dans les décisions que la situation des femmes dans les pays d’origine ne soit pas correctement prise en compte et que le risque ne soit pas évalué par rapport aux circonstances réelles au niveau social, économique, familial, de l’éducation et/ou de l’emploi. En l’espèce, le juge opère selon nous une évaluation complète de la crainte avec raison de persécution. Il analyse pleinement tous les éléments à disposition et fait une juste balance de ceux-ci. Il conclut son analyse en estimant « qu’il est établi à suffisance que la vie est devenue intolérable pour la requérante dans son pays d’origine », utilisant l’expression consacrée par le paragraphe 42 du Guide des procédures et critères du HCR. Cette expression est assez peu utilisée par le Conseil de manière affirmative, comme en l’espèce, pour conclure à l’octroi du statut de réfugié. Elle prend ici tout son sens et illustre véritablement l’essence de la protection internationale, sans pour autant diminuer le standard exigeant du niveau de persécution.

Par ailleurs, le raisonnement en l’espèce aurait pu se situer sur le plan de la crainte exacerbée. Dans certaines décisions, le Conseil du contentieux des étrangers admet en effet que l’intensité de la persécution passée suffise en soi à fonder la crainte de persécution future. Ces décisions font référence aux persécutions passées qui sont invoquées pour soutenir l’existence d’une crainte exacerbée lorsqu’une personne a déjà subi des persécutions graves. Ainsi des persécutions extrêmement graves constituent un fondement suffisant pour justifier que le requérant ne veuille se réclamer de la protection des autorités de son pays. Dans cette hypothèse, les juges raisonnent par analogie avec la réserve de la clause de cessation prévue par l’article 1er, section C, 5), de la Convention de Genève, reprise à l’article 11, § 3, de la directive qualification et à l’article 55/2 de la loi du 15 décembre 1980, qui prévoit le cas particulier d’une personne qui a fait l’objet de violentes persécutions dans le passé et qui, de ce fait, ne cesse pas d’être un réfugié même si un changement fondamental de circonstances intervient dans son pays d’origine. Il s’agit de raisonner par analogie et d’appliquer, anticipativement, au moment de la décision sur le statut, la clause d’exception à la cessation[2]. Le Conseil a ainsi appliquer le principe de la crainte exacerbée dans des cas similaires au cas d’espèce, concernant les violences et les traitements ayant pris court lors de guerre du Kosovo et menés soit par les forces serbes à l’égard de ressortissants serbes d’origine albanaise (15 octobre 2012, n° 89 676, para 6.10) ou de ressortissants kosovares d’origine albanaise (12 février 2015, n° 138 404, pt 4.1.9[3]), soit par des ressortissants serbes à l’égard de ressortissants kosovares issus de la minorité rom (30 janvier 2018, n° 198 977, para 6.11).

C. Pour aller plus loin

Lire l’arrêt : CCE, 26 novembre 2019, n° 229 265

Doctrine : J.-Y. Carlier et S. Sarolea, Droit des étrangers, Bruxelles, Larcier, 2016, pp. 428-429 (sur la crainte exacerbée).

Pour citer cette note : H. Gribomont, « Violences sexuelles au Kosovo : l’octroi de besoins procéduraux spéciaux par le CGRA et de la protection par le CCE », Cahiers de l’EDEM, janvier 2020.

 


[1] L’article 48/9, § 2, établit qu’un fonctionnaire médecin ou un autre praticien professionnel des soins de santé compétent, désigné par l’Office des étrangers, peut, par le biais d’un examen médical, faire des recommandations au sujet des besoins procéduraux spéciaux que le demandeur peut éprouver.

[2] J.-Y. CARLIER et S. SAROLEA, Droit des étrangers, Bruxelles, Larcier, 2016, p. 429.

Publié le 29 janvier 2020