Trib. Bruxelles (fr.) (civ.), ch. réf. extr., ordonnance du 23 mai 2023, R.G. n° 22/283/C

Louvain-La-Neuve

Demander un visa sans comparution personnelle : de la Cour de justice au juge national

Tribunal de première instance de Bruxelles – Ordonnance – Question préjudicielle – Cour de Justice de l’Union européenne – Arrêt C-1/23 – Directive 2003/86/CE – Demande de visa de regroupement familial – Obligation de comparution personnelle au moment de l’introduction de la demande – Dérogations – Situations particulières – Adaptation des pratiques de l’Office des étrangers.

L’État belge est tenu de prévoir des dérogations à l’obligation pour un demandeur de comparaitre personnellement au moment de l’introduction de sa demande de visa de regroupement familial.

Isabelle Fontignie

A. Ordonnance

Monsieur X, d’origine syrienne, a fui la Syrie et a été reconnu réfugié le 25 août 2022 par les instances d’asile belges.

Son épouse, madame X, et leurs enfants, tous de nationalité syrienne, sont quant à eux restés à Afrin[1], une ville située au nord-ouest de la Syrie où règne une insécurité croissante[2]. Ils s’y trouvent bloqués, sans réelle possibilité de sortir de ce territoire dans un avenir proche.

Comme le prévoit l’article 10, § 1, 4°, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers[3] (ci-après, la loi du 15 décembre 1980), l’épouse et les enfants mineurs d’une personne bénéficiaire du statut de réfugié ont le droit de rejoindre en Belgique et de venir vivre avec leur époux et père respectif, le regroupant.

L’article 10, § 2, al. 5, de la loi du 15 décembre 1980 prévoit que si la demande de regroupement familial a « été introduite dans l’année suivant la décision reconnaissant la qualité de réfugié », les conditions de revenus stables, réguliers et suffisants, de logement suffisant et de couverture mutuelle ne s’appliquent pas[4].

Les 28 et 29 septembre 2022, le conseil des demandeurs, les regroupés, a adressé un courriel et un courrier recommandé à l’Office des étrangers (bureau visa regroupement familial) pour exposer les circonstances exceptionnelles dans lesquelles se trouvent ses clients, l’impossibilité qui en découle pour eux de se rendre au poste diplomatique belge compétent (et n’importe quel poste diplomatique belge d’ailleurs) pour y introduire la demande de regroupement familial en personne, et pour demander que la demande puisse dès lors être introduite par écrit.

Le bureau compétent de l’Office des étrangers (ci-après, l’O.E.) a refusé l’introduction, par écrit, d’une telle demande.

Par conséquent, le conseil des requérants a assigné l’État belge devant le tribunal de première instance francophone de Bruxelles par une citation en référé, le 9 novembre 2022.

Il a initialement demandé que l’État belge soit, à titre principal, condamné à enregistrer la demande de visa des intéressés sur pied de l’article 10, § 1, 4°, de la loi du 15 décembre 1980. À titre subsidiaire et avant dire droit, il a proposé de poser la question préjudicielle suivante à la Cour de Justice de l’Union européenne (ci-après, la C.J.U.E.) :

« La législation d’un État membre ne permettant aux membres de la famille d’un réfugié reconnu que l’introduction d’une demande d’entrée et de séjour auprès d’un poste diplomatique de l’État membre, alors que celui-ci n’est matériellement pas accessible pour ces membres de la famille, est-elle compatible avec l’article 5.1 de la Directive 2003/86 lu conjointement avec les articles 23 et 24 de la Directive 2011/95, les articles 7 et 24 de la Charte [des droits fondamentaux] et l’obligation de garantir l’effet utile de ces deux directives ? »

Par une ordonnance du 2 janvier 2023, le tribunal a posé la question préjudicielle (quelque peu reformulée) à la C.J.U.E. et a réservé à statuer sur le surplus, dans l’attente de la réponse de la Cour.

Avant que celle-ci ne se prononce, le 3 février 2023, l’O.E. a indiqué par écrit à l’avocat des regroupés qu’à titre exceptionnel, il autorisait l’introduction des demandes de visa sans qu’ils ne doivent, à ce stade, se présenter auprès d’un poste diplomatique ou consulaire belge. L’O.E. a indiqué que les intéressés devaient tout de même choisir eux-mêmes le poste belge où introduire leurs demandes. L’État belge a aussi mentionné que cette situation ne les dispensait pas de devoir remplir les formulaires de visa, payer les droits de visa éventuellement dus, déposer un dossier complet ou expliquer les raisons pour lesquelles le dossier ne peut pas être complété. Cela ne les dispensait pas non plus de l’obligation de comparaitre en personne auprès d’un poste belge par la suite, éventuellement en cours de procédure si l’examen des demandes le requiert, et en tous cas pour se voir remettre les visas s’ils leur sont accordés.

Dans un arrêt daté du 18 avril 2023 (X, Y, A et B c. État belge, C-1/23), la C.J.U.E. a répondu à la question préjudicielle de la juridiction de renvoi. Elle juge que :

« À cet égard, premièrement, il convient de rappeler que l’article 12 bis, paragraphe 1, alinéa premier, de la loi du 15 décembre 1980, qui transpose dans le droit belge l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2003/86, prévoit qu’il appartient aux membres de la famille du regroupant et non pas au regroupant lui-même d’introduire une demande d’entrée et de séjour au titre d’un regroupement familial et que ces membres de la famille doivent introduire une telle demande en se présentant auprès du représentant diplomatique ou consulaire belge compétent pour le lieu de leur résidence ou de leur séjour à l’étranger.

Ainsi que le souligne la juridiction de renvoi, le droit belge ne prévoit pas de dérogations à cette exigence de comparution personnelle lors de l’introduction de la demande de regroupement familial pour des situations où une telle comparution est impossible ou excessivement difficile, en particulier celles où les membres de la famille du regroupant vivent dans une zone de conflit et risquent, en se déplaçant, de s’exposer à des traitements inhumains ou dégradants, voire de mettre leur vie en danger.

Or, il convient de relever que, afin d’atteindre l’objectif de la directive 2003/86 de favoriser le regroupement familial, tel que celui-ci est rappelé au point 42 du présent arrêt, il est indispensable que les États membres fassent preuve, dans de telles situations, de la flexibilité nécessaire pour permettre aux intéressés d’introduire effectivement leur demande de regroupement familial en temps utile, en facilitant l’introduction de cette demande et en admettant, en particulier, le recours aux moyens de communications à distance.

En effet, en l’absence d’une telle flexibilité, l’exigence, sans exception, de comparution personnelle au moment de l’introduction de la demande, telle que celle prévue par la réglementation nationale en cause au principal, ne permet pas de prendre en compte les éventuels obstacles qui pourraient empêcher l’introduction effective d’une telle demande et, partant, rendre impossible l’exercice du droit au regroupement familial, perpétuant ainsi la séparation du regroupant des membres de sa famille et la situation souvent précaire de ces derniers. En particulier, lorsque ceux-ci se trouvent dans un pays marqué par un conflit armé, les possibilités de se déplacer vers des postes diplomatiques ou consulaires compétents peuvent être considérablement limitées, de sorte que, afin de se conformer à l’exigence de comparution personnelle, ces personnes, qui peuvent, de surcroît, être des mineurs, se verraient contraintes d’attendre que la situation sécuritaire leur permette de se déplacer, sauf à s’exposer à des traitements inhumains ou dégradants, voire à mettre leur vie en danger.

Il convient d’ajouter, en ce qui concerne la situation particulière des réfugiés, tels que M. Y dans l’affaire au principal, que l’absence de toute flexibilité de la part de l’État membre concerné, empêchant les membres de leur famille d’introduire leur demande de regroupement familial quelles que soient les circonstances, peut avoir pour conséquence que les intéressés n’arriveront pas à respecter le délai prévu à l’article 12, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2003/86, ou par la disposition du droit national transposant celui-ci, et que leur regroupement familial pourrait donc être soumis à des conditions supplémentaires plus difficiles à remplir, visées à l’article 7, paragraphe 1, de cette directive, en méconnaissance de l’objectif, rappelé au point 43 du présent arrêt, de prêter une attention particulière à la situation des réfugiés.

Eu égard à ces considérations, il convient de constater que l’exigence de comparution personnelle au moment de l’introduction d’une demande de regroupement, sans que soient admises des dérogations à cette exigence pour tenir compte de la situation concrète dans laquelle se trouvent les membres de la famille du regroupant et notamment du fait qu’il leur est impossible ou excessivement difficile de se conformer à ladite exigence, aboutit à rendre en pratique impossible l’exercice du droit au regroupement familial, si bien qu’une telle réglementation, appliquée sans la flexibilité nécessaire, porte atteinte à l’objectif poursuivi par la directive 2003/86 et prive celle-ci de son effet utile.

Deuxièmement, ainsi que cela a été rappelé au point 44 du présent arrêt, la directive 2003/86 reconnaît les droits fondamentaux et observe les principes consacrés par la Charte.

À cet égard, il convient de relever qu’une disposition nationale qui requiert, sans exception, la comparution personnelle des membres de la famille du regroupant pour l’introduction d’une demande de regroupement familial, même lorsque cette comparution est impossible ou excessivement difficile, enfreint le droit au respect de l’unité de la famille énoncé à l’article 7 de la Charte, lu, le cas échéant, en combinaison avec l’article 24, paragraphes 2 et 3, de celle-ci.

En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général, au point 65 de ses conclusions, une telle obligation constitue une ingérence disproportionnée dans le droit au respect de l’unité familiale par rapport au but, certes légitime, invoqué par le gouvernement belge, de lutter contre les fraudes liées au regroupement familial, en méconnaissance de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

Les considérations exprimées aux points 56 et 57 du présent arrêt sont confortées par la circonstance que la procédure de demande de regroupement familial se déroule par étapes, ainsi que cela ressort de la structure de l’article 5 de la directive 2003/86. Ainsi, les États membres peuvent demander la comparution personnelle des membres de la famille du regroupant à un stade ultérieur de cette procédure, afin, notamment, de vérifier les liens familiaux et l’identité des intéressés, sans qu’il soit nécessaire d’imposer, aux fins du traitement de la demande de regroupement familial, une telle comparution dès l’introduction de la demande.

Toutefois, afin qu’il ne soit pas porté atteinte à l’objectif poursuivi par la directive 2003/86 de favoriser le regroupement familial et aux droits fondamentaux que celle-ci vise à protéger, lorsque l’État membre exige la comparution personnelle des membres de la famille du regroupant à un stade ultérieur de la procédure, cet État membre doit faciliter une telle comparution, notamment par l’émission de documents consulaires ou des laissez-passer, et réduire au strict nécessaire le nombre des comparutions. Ainsi, il lui incombe de prévoir la possibilité d’effectuer les vérifications des liens familiaux et de l’identité nécessitant la présence de ces membres de la famille à la fin de la procédure et, si possible, au même moment où, le cas échéant, leur sont délivrés les documents autorisant l’entrée sur le territoire de l’État membre concerné. » (§§ 49-59.)

Pour conclure et répondre à la question préjudicielle :

« L’article 5, paragraphe 1, de la Directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial, lu en combinaison avec l’article 7 ainsi que l’article 24, paragraphes 2 et 3, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens que : il s’oppose à une réglementation nationale qui requiert, aux fins de l’introduction d’une demande d’entrée et de séjour au titre du regroupement familial, que les membres de la famille du regroupant, en particulier d’un réfugié reconnu, se rendent personnellement au poste diplomatique ou consulaire d’un État membre compétent pour le lieu de leur résidence ou de leur séjour à l’étranger, y compris dans une situation dans laquelle il leur est impossible ou excessivement difficile de se rendre à ce poste, sans préjudice de la possibilité pour l’État membre d’exiger la comparution personnelle de ces membres à un stade ultérieur de la procédure de demande de regroupement familial. »

Le tribunal de première instance francophone de Bruxelles, fort de cette réponse et plus généralement des enseignements de la Cour, a alors statué (au provisoire) dans l’ordonnance qui fait l’objet de la présente analyse.

Dans ce cadre, le conseil des requérants a modifié sa demande au tribunal (vu le changement de position de l’État belge depuis l’ordonnance du 2 janvier dernier), afin qu’il dise pour droit que les demandeurs ont (déjà) introduit une demande d’entrée et séjour au titre de regroupement familial sur pied de l’article 10, § 1, 4°, de la loi du 15 décembre 1980 en date du 28 septembre 2022, et qu’il condamne l’État belge à prendre une décision quant à cette demande endéans les huit jours de la signification de l’ordonnance à venir.

Quant à l’État belge, ce dernier a demandé à titre principal que le tribunal se déclare sans juridiction pour connaitre des demandes et, à titre subsidiaire, qu’il déclare l’action en référé non fondée à défaut d’urgence ou d’apparence de droit.

En termes d’ordonnance, le tribunal s’est d’abord déclaré compétent pour connaitre des (nouvelles) demandes de madame X et des enfants, jugeant que l’action porte directement sur leur droit (subjectif) au respect de la vie familiale (garanti par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’article 22 de la Constitution belge et par le droit de l’Union européenne, en particulier la directive européenne 2003/86/C).

Ensuite, le juge a reconnu l’urgence au sens de l’article 584, al. 1, du Code judiciaire[5], au motif que les regroupés redoutent la perte de temps qui s’est écoulée depuis les 28 et 29 septembre 2022 au regard du délai visé par l’article 12bis, § 2, de la loi du 15 décembre 1980[6]. Le tribunal a souligné, en citant la C.J.U.E., que Monsieur X et Madame X et les enfants ont déjà été séparés depuis plus de trois ans, et que « la prolongation de cette situation, qui découlerait de l’absence d’enregistrement de la demande du mois de septembre 2022 […] pourrait nuire sérieusement à la relation future de ces enfants avec leur père »[7] et à la relation des parents entre eux.

Au niveau de l’examen des apparences de droit, après avoir exposé les enseignements de la C.J.U.E. (§§ 49-59 de l’arrêt C-1/23), le tribunal a décidé que l’interprétation de l’article 12bis, § 1, al. 1, de la loi du 15 décembre 1980 doit se faire de manière conforme à la directive 2003/86/CE lue à la lumière du droit au respect de la vie familiale, en permettant au candidat au regroupement familial dont la comparution personnelle et impossible ou excessivement difficile d’introduire sa demande de visa auprès du poste diplomatique compétent par courrier, par un moyen électronique ou par un mandataire.

Il a constaté que l’O.E. a adapté sa pratique, en publiant sur son site internet, suite à l’arrêt C-1/23 de la C.J.U.E., les informations suivantes sur la « dérogation au principe de comparution personnelle dès l’introduction de la demande de visa » :

« [CJUE – Arrêt du 18 avril 2023 dans l’affaire C-1/23 PPU]

Le demandeur qui se trouve dans une situation dans laquelle il lui est impossible ou excessivement difficile d’introduire sa demande de visa en personne peut adresser cette demande au Visa Application Center du prestataire de services extérieur avec lequel le poste diplomatique ou consulaire compétent collabore (VFS Global, TLS Contact, Gerry’s, Capago), par un moyen de communication à distance (courrier postal, courrier électronique, courrier express).

=> Une demande de regroupement familial ne peut pas être introduite directement à l’Office des étrangers par un moyen de communication à distance. »

Cependant, dans le cas d’espèce, l’État belge a refusé de considérer que le courrier/courriel de l’avocat des demandeurs des 28 et 29 septembre 2022 constituait une demande valable, pour des motifs juridiques et factuels que le tribunal a rejetés. Ce dernier a conclu qu’il n’existait apparemment aucun motif sérieux empêchant l’État belge de considérer le courrier/courriel en question comme une demande de regroupement familial de madame X et des enfants qu’elle a eus avec monsieur X, et de transmettre cette demande au poste diplomatique compétent pour traitement.

À cet égard, le tribunal a encore jugé qu’en vertu de « l’obligation de l’État belge de faire preuve “de la flexibilité nécessaire pour permettre aux intéressés de pouvoir effectivement introduire leur demande de regroupement familial en temps utile, en facilitant l’introduction de cette demande” »[8], ce n’était pas aux demandeurs de choisir le poste diplomatique auprès duquel introduire leur demande, mais que cette tâche revenait à l’État belge. Il a indiqué que celui-ci est « a priori mieux placé qu’eux pour savoir lequel de ses postes diplomatiques (i) sera en mesure de traiter leur demande de regroupement familial de la manière la plus diligente […] et/ou (ii) sera le plus facilement accessible pour Mme […] et ses enfants, compte tenu de la situation sécuritaire dans la région qu’ils devront traverser pour effectuer leur comparution personnelle »[9]. Et cela, « sans préjudice de la possibilité pour Mme […] et ses enfants de se rendre finalement à un autre poste pour y effectuer leur comparution personnelle, s’ils estiment y avoir accès plus facilement qu’à celui désigné par l’État belge »[10].

En outre, partant du constat que le courrier/courriel de l’avocat des demandeurs des 28 et 29 septembre 2022 est bel et bien une demande de regroupement familial au sens des articles 10 et 12bis de la loi du 15 décembre 1980, le tribunal a indiqué que c’est la date de ce courrier/courriel (soit le 28 septembre 2022) qui doit valoir comme point de départ du délai de traitement de la demande par l’O.E.

L’article 12bis, § 2, de la loi du 15 décembre prévoit que « la décision relative à l’admission au séjour est prise et notifiée dans les plus brefs délais et au plus tard dans les neuf mois suivant la date de dépôt de la demande ». La même disposition prévoit que ce délai de neuf mois peut toutefois être prorogé « à deux reprises », « par période de trois mois », dans « des cas exceptionnels » et par « une décision motivée ». Il a conclu qu’en principe donc, le délai de traitement doit s’achever le 28 juin 2023[11] in casu, sauf prolongation dûment motivée.

Ici, le tribunal a refusé de faire droit à la prétention des demandeurs de condamner l’État belge à prendre une décision dans les huit jours de la signification de l’ordonnance. D’une part, il a constaté que le terme du 28 juin 2023 était proche, compte tenu de la date du prononcé de sa décision. D’autre part, selon lui, imposer un délai de huit jours est irréaliste au vu du fait que l’État belge doit de toute façon effectuer une analyse de la demande des intéressés (analyse qu’il n’a pas encore entamée puisqu’il considérait – à tort – ne pas être saisi d’une demande valable), impliquant qu’il dispose d’un délai suffisant pour ce faire.

Le tribunal en est venu à conclure que la future décision entreprise par l’État belge sera, selon que les regroupés remplissent ou non les conditions de séjour prévues par la loi, soit une décision autorisant leur entrée sur le sol belge, soit une décision refusant celle-ci, soit une décision exigeant leur comparution personnelle auprès d’un poste diplomatique ou consulaire. Dans le premier cas, le tribunal a souligné que conformément aux recommandations de la C.J.U.E., l’État belge devra délivrer des documents autorisant leur entrée en Belgique aussi vite que possible après leur comparution personnelle, « idéalement “au même moment” ou à la même date que cette dernière »[12]. Dans le dernier cas, le tribunal a rappelé que, toujours selon les recommandations de la C.J.U.E., l’État belge devra faciliter leur comparution personnelle par l’émission de documents consulaires ou de laissez-passer qui permettront aux intéressés d’accéder au poste diplomatique ou consulaire compétent ou, si nécessaire, à d’autres postes que celui désigné par l’État belge.

En conclusion, le tribunal a déclaré l’action des demandeurs recevable et fondée dans la mesure où il est ordonné à l’État belge de prendre une décision sur la demande de regroupement familial introduite par madame X et ses enfants par le courrier/courriel du 28 septembre 2022 de leur conseil, et de notifier sa décision à ce dernier au plus tard le 28 juin 2023. En cas de prolongation du délai de traitement sur la base de l’article 12bis, § 2, al. 5, de la loi du 15 décembre 1980, l’échéance du 28 juin 2023 est reportée à la date déterminée comme prévu par la disposition précitée. La décision entreprise doit prendre la forme de l’une des trois alternatives énumérées par le tribunal, et doit, en fonction du cas, respecter les recommandations énoncées par la C.J.U.E.

B. Éclairage

L’ordonnance au cœur de ce commentaire est intéressante à bien des égards, mais le présent éclairage se concentre particulièrement sur la question de l’obligation de comparution personnelle des regroupés qui introduisent une demande de visa de regroupement familial à partir de l’étranger[13].

En Belgique, en application de l’article 5, § 1, de la directive 2003/86/CE, il revient aux regroupés, les membres de la famille qui souhaitent rejoindre le regroupant, d’introduire leur demande de visa en vue d’un regroupement familial auprès du poste diplomatique ou consulaire belge compétent à l’étranger[14].

Avant l’existence de la présente affaire, les demandeurs (regroupés) devaient, sans exception, comparaitre en personne au moment de l’introduction de leur demande de visa.

S’il a déjà été accepté qu’un demandeur se présente auprès d’un autre poste diplomatique que le poste théoriquement compétent pour accueillir sa demande en raison de circonstances humanitaires, il reste que le demandeur devait toujours se présenter en personne auprès dudit poste pour pouvoir introduire sa demande de long séjour[15].

Comme le révèle le cas d’espèce, ce principe indérogeable en droit belge empêchait, en pratique, dans certains cas, l’introduction de demandes de visa de regroupement familial.

En l’occurrence, ces personnes syriennes coincées à Afrin se trouvent dans l’impossibilité de quitter cette région du territoire syrien et ne peuvent dès lors se rendre en personne dans un poste diplomatique ou consulaire belge en vue d’introduire une telle demande, sans prendre de risque pour leur vie ou leur intégrité physique.

Une telle situation est contraire à l’effet utile et à l’objectif de la directive 2003/86/CE de favoriser le regroupement familial et d’accorder une protection aux ressortissants de pays tiers, comme l’a rappelé la C.J.U.E. dans son arrêt C-1/23 (§ 42) ainsi qu’à répétition dans sa jurisprudence[16].

Elle est d’autant plus contraire à l’objectif de la directive européenne que celle-ci prévoit aussi, pour le cas des personnes réfugiées, une attention et une souplesse particulières pour favoriser « l’exercice de leur droit au regroupement familial » (considérant 8)[17].

L’affaire dont il est question a le mérite d’avoir mis cette réalité en lumière, et d’avoir porté le problème devant la plus haute juridiction du droit de l’Union, pour interpréter le droit belge de manière conforme au droit de l’Union et son objectif et par là tenter de dégager des solutions concrètes pour les demandeurs[18].

Ces premières avancées concrètes (bien qu’elles fassent émerger un tas de questions, infra) constituent de vraies perspectives pour les familles étrangères séparées, parfois coincées à l’étranger, qui étaient jusqu’à présent sans moyen pour se réunir[19].

Comme l’a justement souligné le tribunal de première instance francophone de Bruxelles, même si cela ne signifie pas forcément que les regroupés seront rapidement réunis avec leur regroupant, « il ne peut être exclu que l’introduction d’une demande de regroupement familial voire – en cas de décision favorable de l’Office des étrangers – la délivrance d’un titre de séjour [aux demandeurs], leur permette de quitter [leur pays d’origine] »[20].

Grâce à la présente affaire (qui a donné lieu à l’arrêt C-1/23 de la C.J.U.E.), la comparution personnelle du demandeur n’est donc plus requise dès l’introduction de la demande de visa de regroupement familial ; elle n’est donc plus, comme telle, une condition pour pouvoir introduire une demande, mais elle peut être différée dans le temps, dans certaines situations.

Ces situations sont exposées par l’O.E. sur son site internet, comme suit :

« Sont notamment visées les situations suivantes :

  • Le demandeur et/ou le VAC[[21]] se trouve dans une zone de guerre ou de conflit ;
  • Le demandeur doit traverser une zone de guerre ou de conflit pour se rendre au VAC ;
  • Le demandeur est le conjoint ou l’enfant mineur d’un étranger dont la Belgique a reconnu le statut de réfugié ou auquel elle a accordé une protection subsidiaire ;
  • Le demandeur est un enfant mineur non accompagné. »

Il est également indiqué que la personne qui introduit une demande de visa par un moyen de communication à distance doit impérativement y joindre des documents (ceux-ci sont listés sur le site de l’O.E.). Les documents en format original ne sont pas exigés à l’introduction de la demande, mais à tout le moins leur copie recto verso, en couleur et de bonne qualité.

Même si le site ne le dit pas explicitement, il faut bien sûr aussi prévoir de déposer les éléments et/ou informations qui prouvent la situation particulière dans laquelle se trouve le demandeur qui souhaite faire valoir une dérogation à sa comparution personnelle au moment de l’introduction de sa demande à partir de l’étranger.

Enfin, le site internet de l’O.E. indique que la comparution personnelle du demandeur et la présentation de ses documents originaux (et leur légalisation) et d’un document de voyage valide[22], restent obligatoires à un stade ultérieur de la procédure et au plus tard lors de la délivrance du visa dans le cas où la décision est favorable. Autrement dit, aucun visa ne sera délivré au demandeur qui n’a pas comparu personnellement au moins une fois au cours de la procédure et/ou qui n’a pas présenté les documents nécessaires originaux.

Il faut noter que l’O.E. n’exclut pas que d’autres situations que celles qu’il a énumérées émergent en pratique. Si une telle position est a priori rassurante, il reste à voir comment et avec quelle marge d’appréciation les autorités belges analyseront les diverses situations qui se présentent à elles. Par exemple, la situation dans laquelle un demandeur invoque l’impossibilité d’obtenir un rendez-vous dans un délai raisonnable ou dans un délai légal imparti[23] auprès du poste diplomatique belge compétent (ou son extension) à l’étranger, vaudra-t-elle pour introduire la demande à distance ?

L’introduction de la demande à distance soulève encore de nombreuses autres questions comme, pour n’en citer que quelques-unes, le fait de savoir :

  • si les postes diplomatiques et consulaires (au sens large) sont capables de recevoir et de traiter diligemment les demandes de ce type qui leur parviennent ;
  • si ce sont bien les postes eux-mêmes qui analyseront la situation invoquée, ou si la demande sera envoyée à l’O.E., bureau visa regroupement familial ;
  • si ces postes accusent réception des demandes qu’ils reçoivent et, dans pareil cas, si l’accusé de réception fait courir les délais de l’article 12bis de la loi du 15 décembre 1980 ;
  • quels moyens utiles existent si une demande a été introduite à distance mais n’est pas traitée pendant de nombreux mois ;
  • si une décision de « recevabilité » doit dans un premier temps être attendue, et ce, dans un délai particulier ;
  • si une absence de réponse dans ce délai particulier vaut « recevabilité » (du point de vue de la situation particulière invoquée par rapport à la dérogation à la comparution personnelle) ;
  • si une décision « négative » de « recevabilité » (soit une décision qui estime que le demandeur ne se trouve pas dans une situation telle qu’il peut obtenir une dérogation au principe de comparution personnelle) peut être attaquée auprès du Conseil du contentieux des étrangers ;
  • si la légalisation des documents que doit présenter le demandeur peut s’obtenir aussi au moment de sa (parfois unique) comparution personnelle.

Beaucoup de questions se posent aussi une fois que la situation particulière et la dérogation à laquelle elle donne lieu ont été admises, comme c’est le cas dans le cadre de la présente affaire.

Certes, il faut saluer que le tribunal bruxellois a envisagé les différents scénarios de la suite de la procédure des ressortissants syriens et a tenté, en reprenant les diverses recommandations de la C.J.U.E., d’offrir des solutions concrètes à madame X et ses enfants. Cependant, comment en pratique faciliter la comparution personnelle de tels demandeurs (que ce soit pour qu’ils se voient délivrer un visa ou pour qu’ils prennent part à des devoirs d’instruction complémentaires comme la réalisation d’un test ADN par exemple) ?

La C.J.U.E. évoque l’émission de documents consulaires ou de laissez-passer qui permettent aux intéressés d’accéder au poste diplomatique où ils sont attendus pour comparaitre, mais comment, en pratique, réaliser une telle démarche et mettre les demandeurs en possession de tels documents ?

C. Pour aller plus loin

Lire l’ordonnance : Trib. Bruxelles (fr.) (civ.), ch. réf. extr., ordonnance du 23 mai 2023, R.G. no 2/283/C.

Jurisprudence :

  • C.J.U.E., 18 avril 2023, X, Y, A et B c. État belge, C-1/23.
  • C.J.U.E., 13 mars 2019, E, C‑635/17.
  • C.J.U.E., 12 avril 2018, A et S, C‑550/16.

Doctrine :

  • Carlier, J.-Y. et Sarolea, S., Droit des étrangers, Bruxelles, Larcier, 2016.
  • Myria, communiqué de presse, « La CJUE contraint les instances à prévoir des modes alternatifs d’introduction des demandes de regroupement familial », 18 avril 2023.

Site internet :

 

Pour cite cette note : I. Fontignie, « L’État belge tenu de prévoir des dérogations à l’obligation pour un demandeur de comparaitre personnellement au moment de l’introduction de sa demande de visa de regroupement familial », Cahiers de l’EDEM, juin 2023.

 

[1] Les intéressés se trouvent toujours à Afrin au moment de la rédaction de la présente.

[2] Le 6 février 2023, un violent tremblement de terre est survenu dans les zones situées à la frontière entre la Turquie et la Syrie, touchant notamment la ville d’Afrin, et y augmentant la précarité et l’insécurité.

[3] Cet article dispose : « Sous réserve des dispositions des articles 9 et 12, sont de plein droit admis à séjourner plus de trois mois dans le Royaume : […] 4° les membres de la famille suivants d’un étranger admis ou autorisé, depuis au moins douze mois, à séjourner dans le Royaume pour une durée illimitée, ou autorisé, depuis au moins douze mois, à s’y établir. Ce délai de douze mois est supprimé si le lien conjugal ou le partenariat enregistré préexistait à l’arrivée de l’étranger rejoint dans le Royaume ou s’ils ont un enfant mineur commun. Ces conditions relatives au type de séjour et à la durée du séjour ne s’appliquent pas s’il s’agit de membres de la famille d’un étranger admis à séjourner dans le Royaume en tant que bénéficiaire du statut de protection internationale conformément à l’article 49, § 1er, alinéas 2 ou 3, ou à l’article 49/2, §§ 2 ou 3 : - son conjoint étranger ou l’étranger avec lequel il est lié par un partenariat enregistré considéré comme équivalent à un mariage en Belgique, qui vient vivre avec lui, à la condition que les deux personnes concernées soient âgées de plus de vingt et un ans. Cet âge minimum est toutefois ramené à dix-huit ans lorsque le lien conjugal ou ce partenariat enregistré, selon le cas, est préexistant à l'arrivée de l'étranger rejoint dans le Royaume; - leurs enfants, qui viennent vivre avec eux avant d'avoir atteint l'âge de dix-huit ans et sont célibataires; - les enfants de l'étranger rejoint, de son conjoint ou du partenaire enregistré visé au premier tiret, qui viennent vivre avec eux avant d'avoir atteint l'âge de dix-huit ans et sont célibataires, pour autant que l'étranger rejoint, son conjoint ou ce partenaire enregistré en ait le droit de garde et la charge et, en cas de garde partagée, à la condition que l'autre titulaire du droit de garde ait donné son accord; (…) ».

[4] L’article 10, § 2, de la loi du 15 décembre 1980 dispose : « Les étrangers visés au § 1er, alinéa 1er, 2° et 3°, doivent apporter la preuve qu’ils disposent de moyens de subsistance stables, suffisants et réguliers pour subvenir à leurs propres besoins et ne pas devenir une charge pour les pouvoirs publics. Les étrangers visés au § 1er, alinéa 1er, 4° à 6°, doivent apporter la preuve que l’étranger rejoint dispose d’un logement suffisant pour pouvoir recevoir le ou les membres de sa famille qui demandent à le rejoindre et qui répond aux conditions posées à un immeuble qui est donné en location à titre de résidence principale, comme prévu à l’article 2 du Livre III, Titre VIII, Chapitre II, Section 2, du Code civil, ainsi que d’une assurance maladie couvrant les risques en Belgique pour lui-même et les membres de sa famille. Le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, la manière dont l’étranger prouve que l’immeuble répond aux conditions posées. L’étranger visé au § 1er, alinéa 1er, 4° et 5°, doit en outre apporter la preuve que l’étranger rejoint dispose de moyens de subsistance stables, réguliers et suffisants tels que prévus au § 5 pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille et pour éviter qu’ils ne deviennent une charge pour les pouvoirs publics. Cette condition n’est pas applicable si l’étranger ne se fait rejoindre que par les membres de sa famille visés au § 1er, alinéa 1er, 4°, tirets 2 et 3. L’étranger visé au § 1er, alinéa 1er, 6°, doit apporter la preuve que l’étranger rejoint dispose de moyens de subsistance stables, réguliers et suffisants tels que prévus au § 5 pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille et pour éviter qu’ils ne deviennent une charge pour les pouvoirs publics. Les alinéas 2, 3 et 4 ne sont pas applicables aux membres de la famille d’un étranger reconnu réfugié et d’un étranger bénéficiant de la protection subsidiaire visés au § 1er, alinéa 1er, 4° à 6°, lorsque les liens de parenté ou d’alliance ou le partenariat enregistré sont antérieurs à l’entrée de cet étranger dans le Royaume et pour autant que la demande de séjour sur la base de cet article ait été introduite dans l’année suivant la décision reconnaissant la qualité de réfugié ou octroyant la protection subsidiaire à l’étranger rejoint. Le ministre ou son délégué peut cependant exiger, par une décision motivée, la production des documents visés aux alinéas 2, 3 et 4 lorsque le regroupement familial est possible dans un autre pays avec lequel l’étranger rejoint ou le membre de sa famille a un lien particulier, en tenant compte des circonstances de fait, des conditions fixées dans cet autre pays en ce qui concerne le regroupement familial et de la mesure dans laquelle les étrangers concernés peuvent réunir celles-ci. Tous les étrangers visés au § 1er doivent en outre apporter la preuve qu’ils ne sont pas atteints d’une des maladies pouvant mettre en danger la santé publique, énumérées dans l’annexe à la présente loi. »

[5] Cette disposition prévoit en son alinéa 1er que : « Le président du tribunal de première instance statue au provisoire dans les cas dont il reconnaît l’urgence, en toutes matières, sauf celles que la loi soustrait au pouvoir judiciaire. »

[6] L’article 12bis, §§ 1-2, de la loi du 15 décembre 1980, prévoit : « L’étranger qui déclare se trouver dans un des cas visés à l’article 10 doit introduire sa demande auprès du représentant diplomatique ou consulaire belge compétent pour le lieu de sa résidence ou de son séjour à l’étranger. Il peut toutefois introduire sa demande auprès de l’administration communale de la localité où il séjourne dans les cas suivants : 1° s’il est déjà admis ou autorisé à séjourner plus de trois mois dans le Royaume à un autre titre et présente toutes les preuves visées au § 2 avant la fin de cette admission ou autorisation ; 2° s’il est autorisé au séjour pour trois mois au maximum et, si la loi le requiert, qu’il dispose d’un visa valable en vue de conclure un mariage ou un partenariat en Belgique, si ce mariage ou partenariat a effectivement été conclu avant la fin de cette autorisation et s’il présente toutes les preuves visées au § 2 avant la fin de cette autorisation ; 3° s’il se trouve dans des circonstances exceptionnelles qui l’empêchent de retourner dans son pays pour demander le visa requis en vertu de l’article 2 auprès du représentant diplomatique ou consulaire belge compétent, et présente toutes les preuves visées au § 2 ainsi qu’une preuve de son identité ; 4° s’il est autorisé au séjour pour trois mois au maximum et est un enfant mineur visé à l’article 10, § 1er, alinéa 1er, 4°, tirets 2 et 3, ou s’il est l’auteur d’un mineur reconnu réfugié ou d’un mineur bénéficiant de la protection subsidiaire visé à l’article 10, § 1er, alinéa 1er, 7°. Lorsque l’étranger visé au § 1er introduit sa demande auprès du représentant diplomatique ou consulaire belge compétent pour le lieu de sa résidence ou de son séjour à l’étranger, celle-ci doit être accompagnée des documents qui prouvent qu’il remplit les conditions visées à l’article 10, §§ 1er à 3, dont notamment un certificat médical d’où il résulte qu’il n’est pas atteint d’une des maladies énumérées à l’annexe à la présente loi ainsi qu’un extrait de casier judiciaire ou un document équivalent, s’il est âgé de plus de dix-huit ans. La date du dépôt de la demande est celle à laquelle tous ces documents, conformes à l’article 30 de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé ou aux conventions internationales portant sur la même matière, sont produits. La décision relative à l’admission au séjour est prise et notifiée dans les plus brefs délais et au plus tard dans les neuf mois suivant la date du dépôt de la demande définie à l’alinéa 2. La décision est prise en tenant compte de l’ensemble des éléments du dossier. S’il n’est pas satisfait à la condition relative au caractère suffisant des ressources visée à l’article 10, § 5, le ministre ou son délégué doit déterminer, en fonction des besoins propres de l’étranger rejoint et des membres de sa famille, les moyens d’existence nécessaires pour subvenir à leurs besoins sans devenir une charge pour les pouvoirs publics. Le ministre ou son délégué peut, à cette fin, se faire communiquer par l’étranger tous les documents et renseignements utiles pour déterminer ce montant. Dans des cas exceptionnels liés à la complexité de l’examen de la demande ainsi que dans le cadre d’une enquête concernant un mariage visé à l’article 146bis du Code civil ou les conditions du partenariat visé à l’article 10, § 1er, alinéa 1er, 5°, le ministre ou son délégué peut, à deux reprises, prolonger ce délai par période de trois mois, par une décision motivée, portée à la connaissance du demandeur. A l’expiration du délai de neuf mois suivant la date du dépôt de la demande, éventuellement prolongé conformément à l’alinéa 5, si aucune décision n’a été prise, l’admission au séjour doit être reconnue. »

[7] Ordonnance commentée, p. 11.

[8] Ordonnance commentée, p. 19.

[9] Ibid.

[10] Ibid.

[11] Date à laquelle une décision doit avoir été prise et notifiée.

[12] Ordonnance commentée, p. 25.

[13] On ne vise que le cas où la demande de visa est introduite à partir de l’étranger, puisque c’est dans un tel cas que des problèmes liés à la comparution personnelle peuvent se poser.

[14] L’article 12bis, § 1, al. 1, de la loi du 15 décembre 1980 a transposé cette disposition européenne en droit belge.

[15] J.-Y. Carlier et S. Sarolea, Droit des étrangers, Bruxelles, Larcier, 2016, p. 396.

[16] Voy., par exemple, les arrêts du 12 avril 2018, A et S, C‑550/16, § 44, ainsi que l’arrêt du 13 mars 2019, E., C‑635/17, § 45.

[17] Affaire C-1/23, § 43.

[18] Dans cette affaire, il est question de membres de famille d’un regroupant reconnu réfugié, mais force est de constater que l’arrêt qu’a rendu la C.J.U.E. (C-1/23) intéresse et s’applique également aux membres de familles de personnes regroupantes qui ne sont pas bénéficiaires d’une protection internationale. L’O.E. a d’ailleurs publié sa nouvelle pratique dans la rubrique générale du visa de regroupement familial, et non celle réservée aux membres de famille d’une personne à la protection internationale.

[19] Myria, communiqué de presse, « La CJUE contraint les instances à prévoir des modes alternatifs d’introduction des demandes de regroupement familial », 18 avril 2023.

[20] Ordonnance commentée, p. 12.

[21] Visa Application Center.

[22] Le même site de l’O.E., sous la rubrique « Document de voyage » indique que « les membres de la famille d’un étranger dont la Belgique a reconnu le statut de réfugié, ou auquel elle a accordé une protection subsidiaire, qui n’ont pas de document de voyage valable et qui ne peuvent pas obtenir un tel document […] peuvent introduire une demande sans présenter un document de voyage ».

[23] On pense par exemple aux demandes de regroupement familial qui doivent être introduites dans l’année de la reconnaissance de la qualité de réfugié du regroupant afin de bénéficier de conditions légales très souples.

Publié le 30 juin 2023