Leçons afghanes : les effets néfastes des accords non conventionnels

Louvain-La-Neuve

L’importance d’inscrire à nouveau l’action externe de l’UE dans les traités et le respect des droits fondamentaux.

Cet article vise à mettre en exergue les effets sur l’action extérieure de l’Union européenne du recours aux accords formellement dépourvus de valeur juridique, tel que le joint way forward signé avec l’Afghanistan en 2016. L’analyse part d’une mise en contexte du cadre légal de la coopération UE-Afghanistan en matière de réadmission pour ensuite aborder l'ensemble des problèmes d’ordre juridique soulevés par le recours aux accords non conventionnels dans l'action extérieure de l'Union européenne. Au lendemain de la retraite des forces armées américaines et alliées du territoire afghan, une réflexion s’impose sur l’importance d’inscrire la diplomatie de l’Union européenne dans le droit des traités, dans les valeurs qui l’ont inspirée ainsi que dans le socle du respect des droits fondamentaux.

This article aims to highlight the effects on the EU’s external action of the use of formally non-legally binding agreements, such as the joint way forward signed with Afghanistan in 2016. The analysis starts from a contextualisation of the legal framework of the EU-Afghanistan cooperation on readmission and then encompasses all the critical issues raised by the use of « non-treaty agreements » in the EU’s external action. In the aftermath of the withdrawal of US and allied armed forces from Afghan territory, it is necessary to reflect on the importance of ensuring that EU diplomacy is consistent with the law of the treaties, the values on which they are based and the respect for fundamental rights.

Roberto AngrisaniPhd, chercheur associé à la chaire Jean Monnet de l’université Laval

 

Introduction

L’Union européenne (ci-après UE) et ses États membres ont joué un rôle majeur dans le contexte afghan des vingt dernières années. L’étendue des relations avec les autorités – officielles et officieuses – de ce pays va bien au-delà du support militaire pour la stabilisation, touchant la coopération économique, les investissements et surtout la mobilité des personnes. Néanmoins, le chaos qui a rapidement envahi le pays a montré la faiblesse de la stratégie choisie par l’action extérieure de l’UE.

Au lendemain de la retraite des forces armées américaines et alliées du territoire afghan, le sentiment d’émerveillement face à la rapidité avec laquelle les talibans ont repris le contrôle du pays a été le seul dénominateur commun reliant les réactions de la communauté internationale. Pourtant, les accords de Doha, qui prévoyaient le retrait complet de toute force étrangère du pays, avaient été signés en février 2020 entre « l'Émirat islamique d'Afghanistan, qui n'est pas reconnu comme un État par les États-Unis et qui est connu sous le nom de Taliban, et les États-Unis d'Amérique ».

La progression fulgurante qui a permis aux Talibans de reprendre le contrôle du pays a « surpris » tous ceux qui étaient persuadés qu’une armée de 350 000 hommes (surestimés), entrainée et soutenue financièrement par les Américains, aurait aisément pu faire face aux 60 000 effectifs (sous-estimés) sur lesquels pouvaient compter les Talibans. En réalité, la situation sur le terrain était bien plus complexe. En janvier 2021, l’observatoire états-unien sur le terrorisme West Point avait publié une étude selon laquelle « sur les 350 000 présumés soldats afghans, seuls 18 000 étaient placés en juillet 2020 sous l'autorité du ministère afghan de la Défense (armée de terre, armée de l'air, forces spéciales) . De plus, la corruption et les pratiques de détournement des fonds perpétrées par les hauts fonctionnaires et généraux, qui utilisaient l’argent destiné aux salaires des soldats à des fins personnelles, ont anéanti toute motivation des troupes à vouloir – du moins tenter – de riposter à l’inéluctable avancée talibane.

La complexité et la précarité de ces équilibres internes ne pouvaient pas être méconnues par les acteurs internationaux présents en Afghanistan. Pourtant, les scènes accablantes de l’évacuation chaotique du personnel international, pendant laquelle des centaines de collaborateurs afghans (traducteurs, interprètes, cuisiniers, chauffeurs, etc.) ont été abandonnés à leur destin sur le tarmac de l’aéroport de Kaboul, ont montré l’inverse.

Notre analyse se concentre sur l’UE et sur la façon dont elle a mené ses relations internationales avec l’Afghanistan, lesquelles se sont, depuis 2016, fortement renforcées et structurées.

Cet article vise à mettre en exergue l’impact sur l’action extérieure de l’UE du recours aux accords formellement dépourvus de valeur juridique, tel que le Joint Way Forward signé avec l’Afghanistan en 2016. Il s’agit d’une catégorie assez vaste d’instruments juridiques qui ont la caractéristique d’échapper à tout contrôle démocratique – par le Parlement européen – ainsi qu’au contrôle juridictionnel de la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après CJUE). Conformément à une large doctrine nous appellerons ces instruments « accords non-conventionnels » (en anglais « non-binding agreements »)[1]. Pour ce faire, nous partirons de l’analyse de l’accord de réadmission entre l’UE et l’Afghanistan pour montrer à la fois les avantages et les énormes risques liés à cette approche (A). Ensuite, nous élargirons le spectre de l’étude mettant en exergue l’ampleur de cette pratique à l’échelle de l’action externe de l’UE (B).

A. L’insaisissabilité des « accords non conventionnels » de réadmission : l’exemple du Joint Way Forward UE-Afghanistan

« En amont d’une grande conférence de donateurs organisée à Bruxelles pour l’Afghanistan les 4 et 5 octobre 2016 dans le but de trouver de nouvelles solutions de financement pour mettre fin à la violence et promouvoir la paix et la réconciliation en Afghanistan, l’Union européenne a signé, en toute discrétion, une entente – sous la forme de Joint Way Forward (JWF) – avec ce pays afin de faciliter le retour forcé de personnes afghanes déboutées du droit d’asile. »[2]

Le passage cité ci-dessus est un extrait, pris de la section b.2, intitulée « le contexte de coercition économique et politique exercée par l'Union européenne sur l'Afghanistan en faveur de la signature de la Joint way forward », du mémoire en intervention présentée par le groupe GISTI en défense d’un ressortissant afghan visé par une décision de renvoi basée sur l’accord entre l’UE et l’Afghanistan. Cet accord prend la forme, encore une fois, d’un instrument officiellement non juridiquement contraignant et constitue le plus récent témoignage du « virage vers l’informel »[3] de la politique étrangère de l'UE.

L’analyse des modalités et des procédures qui ont mené à la signature de ce document (1) nous permet d’identifier les outils juridiques ou quasi-juridiques mis en place par les institutions européenne (notamment la Commission et le Conseil) afin d’échapper au contrôle judiciaire de la CJUE (2). 

1. Le parcours aboutissant à la conclusion de l’accord de partenariat UE-Afghanistan

Les relations entre l’UE et l’Afghanistan ont été bâties autour du mécanisme du « more for more », qui assujetti l’aide internationale des bailleurs à l’effort concret réalisé par l’État bénéficiaire pour restreindre l’émigration ou le transit de migrants irréguliers sur son territoire. En effet, les négociations de l’Accord de coopération en matière de partenariat et de développement entre l’Union européenne et l’Afghanistan[4], qui a été effectivement signé par l’Union et l’Afghanistan le 18 février 2017, ont été soumises à la condition de l’approbation d’un texte parallèle et « informel » visant la coopération en matière de lutte contre la migration et de réadmission.

En guise de preuve de cela, il existe un document confidentiel de l'UE, portant la mention « EU-restricted », du 3 mars 2016, à destination des ambassadeurs[5]. Dans ce document, il était proposé d'utiliser, comme levier, l'aide financière apportée par l'UE au gouvernement afghan pour pousser les autorités de ce dernier à signer un accord de réadmission concernant ses nationaux déboutés de l'asile. Ce document indiquait également qu’un contrat de travaux publics en Afghanistan prévoyant un montant de 200 millions d’euros était censé prendre en compte la problématique de la migration. Les services de l’UE reconnaissaient, par ailleurs, dans cette note que l’Afghanistan était confronté à « une détérioration de sa situation sécuritaire et [à] une aggravation des menaces auxquelles les gens [étaient] exposés »[6], ainsi qu’à « un nombre record d'attaques terroristes et de civils tués ou blessés »[7], appelé à augmenter. Ce qui ne les empêchait pas d’affirmer qu’il fallait « que 80 000 personnes au moins puissent retourner chez elles dans un futur proche »[8].

L’accord de partenariat, signé en 2017, prévoit une ouverture vers l’informel et envisage la négociation de procédures bilatérales en matière de migration. L’article 28, au paragraphe 1, affirme que « [l]es parties conviennent de coopérer afin d'empêcher les flux migratoires irréguliers de leur territoire vers le territoire de l'autre partie »[9] et, au paragraphe 4, que « [l]es parties conviennent de conclure, à la demande de l'une d'entre elles, un accord régissant des obligations spécifiques en matière de réadmission, y compris des dispositions concernant les citoyens d'autres pays et les apatrides »[10]. Dans les faits, cette option éventuelle a été une condition sine qua non, traduite par la conclusion du Joint Way Forward, bien avant la signature de l’accord de coopération officiel.

Du côté afghan, il est assez simple de comprendre les raisons qui justifient la signature de telles ententes. Selon le dernier rapport du Bureau européen d’appui à l’asile, l’économie afghane est dépendante à environ 70% de l’aide internationale[11]. De plus, l'Afghanistan est en proie à un conflit non international depuis 2014. Actuellement, la situation dans le pays oppose les Talibans – qui ont repris le contrôle du territoire depuis septembre 2021 – au groupe État islamique encore présent dans la région du Panjshir et le long de la frontière avec le Pakistan. Entre 2009 et 2016, la Mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA) a calculé que près de 25 000 civils ont été tués et que plus de 45 000 ont été blessés [12]. Plusieurs rapports d’experts de l’ONU, ainsi que de nombreuses ONG[13], indiquent que le conflit en Afghanistan s’est aggravé au cours des années suivant la signature, impliquant de lourdes conséquences pour les civils.

Du côté européen, la donnée principale à considérer est que les Afghans constituent le deuxième plus grand groupe de demandeurs d’asile dans l’UE après les Syriens. Le conflit a laissé plus de 1,2 millions de personnes sans foyer permanent et a fait 3 millions de réfugiés fuyant vers le Pakistan et l’Iran. Depuis janvier 2015, environ 242 000 Afghans ont fui vers l'UE[14].

« En 2016, le taux de reconnaissance du statut de réfugié pour les ressortissants afghans était très inégal en fonction du pays dans lequel était fait la demande : de 1,7 % en Bulgarie, à 37,4 % en Suède et 97 % pour l'Italie. Le taux moyen de reconnaissance du statut de réfugié pour les Afghans est passé de 67 % en 2015, à 56,7 % en 2016. En décembre 2016, ce taux était de 33 %. Entre 2015 et 2016 le nombre de retours vers l'Afghanistan a quasiment triplé : de 3290 à 9460. En 2016 les chiffres étaient les suivants : Allemagne (3440), Grèce (1480), Suède (1025), Norvège (760). »[15]

En raison de ces considérations, le fait de subordonner – officieusement – la conclusion d’un important accord de coopération économique à la signature d’un engagement tel que le Joint Way Forward démontre une pression politique et économique forte de l’Union dans le but de stopper l'immigration provenant d'Afghanistan et de renvoyer les déboutés de l’asile systématiquement, sinon très largement, vers leur pays d'origine.

2. Les outils juridiques ou quasi-juridiques mis en place par les institutions européennes afin d’échapper au contrôle judiciaire de la CJUE

Le 5 août 2021, les ministres de l’intérieur et de l’immigration de six pays faisant partie de l’espace Schengen (Autriche, Grèce, Allemagne, Belgique, Danemark et Norvège) ont adressé une lettre à la Commissaire européenne aux migrations, et à la vice-Présidente de la Commission demandant le renouvellement du Joint Way Forward malgré la condition de crise grave dans laquelle l’Afghanistan plongeait, la priorité étant de continuer les renvois de demandeurs déboutés vers ce pays[16].

En effet, cet instrument quasi-juridique a permis le renvoi de milliers d’Afghans, grâce à des laissez-passer émis directement par les États européens sans qu’aucune procédure d’identification par les autorités consulaires afghanes ne soit requise. Pour comprendre comment cet instrument a été utilisé et financé, il faut faire un pas en arrière, plus précisément en 2017, lorsque l’ancien Commissaire à l’immigration, Dimítris Avramópoulos, répondant à une question précise posée par sept parlementaires européens[17], clarifiait la portée concrète de cet accord.

« En ce qui concerne la mise en œuvre de l’"Action conjointe pour le futur sur les questions migratoires UE-Afghanistan", la Commission tient à actualiser les informations fournies le 20 novembre 2017 à la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, ainsi qu’à apporter aux honorables parlementaires quelques précisions relatives aux vols de retour.

Depuis la première application de l’action conjointe pour le futur, le 2 octobre 2016, 23 vols charters ont été effectués entre le 12 décembre 2016 et le 21 décembre 2017, coordonnés et financés par l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex). Le coût total de ces vols s’élève à 5 479 694,95 EUR.

Les vols ont été organisés par l’Autriche, le Danemark, la Finlande, l’Allemagne, la Hongrie et la Suède, et sont partis de ces pays, respectivement au départ des aéroports suivants: l’aéroport international de Vienne, l’aéroport de Copenhague, les aéroports d’Helsinki–Vantaa et Lappeenranta, l’aéroport international de Düsseldorf, l’aéroport de Francfort-sur-le-Main, l’aéroport de Leipzig, l’aéroport de Munich–Franz Josef Strauss, l’aéroport international de Budapest et l’aéroport de Stockholm–Arlanda.

Au total, 358 ressortissants de pays tiers ont été renvoyés en Afghanistan lors d’opérations coordonnées par l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. La vaste majorité des personnes soumises à un retour sont des hommes adultes, avec un petit nombre de femmes (11) et de mineurs (6), qui ont été renvoyés avec leur famille. La Commission et l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes ne disposent pas d’informations sur l’âge exact de ces personnes »[18]

En pratique, d’importantes ressources du budget de l’UE ont été utilisées pour financer les opérations de retour – forcées ou volontaires – des Afghans dans leur pays. Et, par le biais de la coopération économique, la construction d’un nouveau terminal de l’aéroport de Kaboul, quasi totalement dédié aux vols d’expulsion en provenance d’Europe, aurait même été financé[19].

Il y a donc plusieurs éléments de cet « accord » qui mettent en exergue la volonté de l’UE d’organiser le renvoi systématique des demandeurs déboutés de l’asile vers l’Afghanistan. Tout d’abord, il est prévue la possibilité, pour les autorités des États membres, d’utiliser le « laissez-passer européen » pour permettre, aussi, la réadmission des personnes dont l’identification et l’obtention d’un document valide de voyage n’a pas été possible. Il s’agit d’une procédure ad hoc qui permet de contourner les autorités consulaires de l’État supposé d’origine, institué par un règlement de 2016[20] qui n’aborde pas la question de la garantie des droits fondamentaux, notamment de la protection du droit au non-refoulement. Ensuite, l’utilisation de vols non répertoriés rejoint l’engagement pour la création de nouvelles infrastructures visant à faciliter les retours. La Joint Way Forward permet ainsi aux États membres de programmer des vols non réguliers vers l'Afghanistan afin d'expulser les demandeurs d'asile déboutés[21]. De telle manière, cette entente octroie aux États européens la possibilité de renvoyer, massivement et collectivement, les ressortissants afghans vers un pays où il existe un risque généralisé de subir des traitements inhumains et dégradants, ce qui viole, par conséquent, les articles 4 et 19 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après CDFUE), l’article 3 et l’article 4 du Protocole n° 4 de la Convention européenne des droits de l'homme (ci-après CEDH) et l’article 33 de la Convention de Genève.

La Cour de justice, dans sa jurisprudence, a d’ailleurs souvent rappelé l’importance, pour l’État requis, de procéder à une analyse attentive du risque réel de traitement inhumain ou dégradant des personnes dans l’État tiers requérant, basée sur des éléments « objectifs, fiables, précis et dûment actualisés »[22]. Or, la conclusion, de la part de l’UE, d’une entente telle que la Joint Way Forward avec l’Afghanistan comporte le risque concret que les autorités des pays membres ne procèdent pas à des vérifications si poussées, se limitant à traiter de façon expéditive et sommaire les demandes de ressortissants afghans, les exposant ainsi au risque réel des traitements inhumains et dégradants.

En matière de mise en danger des droits fondamentaux des personnes migrantes, ce texte, qui – rappelons encore une fois – a échappé au processus démocratique, n’ayant même pas été soumis à l’attention des parlementaires européens, présente plusieurs points de contraste avec la CDFUE.

L'article 42 de la CDFUE établit le droit à l’accès aux documents[23]. Or le Joint Way Forward – tout comme les autres ententes informelles de l’UE – n’a jamais été publié dans le journal officiel, et son annexe n’a jamais été rendue publique. Par conséquent, il est impossible pour les personnes expulsées vers l’Afghanistan d’identifier sur quel fondement juridique se base leur renvoi. La CJUE a affirmé, sur ce point, que « l’absence d’information et de débat est susceptible de faire naître des doutes dans l’esprit des citoyens, non seulement quant à la légalité d’un acte isolé, mais aussi quant à la légitimité du processus décisionnel dans son entièreté »[24]. Le principe de transparence, d’ailleurs, « permet d’exercer un contrôle effectif et efficace sur l’exercice du pouvoir dont les institutions communautaires sont investies »[25]. Ce dernier est un élément essentiel pour l’exercice du droit à un recours effectif, prévu par l’article 47 de la CDFUE, qui constitue aussi un principe général du droit européen[26], pourtant bafoué par ce genre d’entente.

Concernant l’auteur de l’acte, même si le document se limite à indiquer l’UE comme partie, sans aucune signature apparente, le document du Conseil n° 12191/16 du 22 septembre 2016[27] « semble faire état d’une négociation par la Commission suivie d’une validation par le Conseil »[28]. Or, il est opportun de rappeler que le juge de Luxembourg, dans l’arrêt Kadi[29], a aussi fermement affirmé l'impossibilité pour les institutions de l'UE d’accorder une immunité juridictionnelle à des actes pris de facto par celles-ci, afin de préserver le droit des individus à une protection juridictionnelle effective[30].

Le caractère « non conventionnel » et « informel » du Joint Way Forward prive, encore une fois, le juge de l’UE de la possibilité effective d’exercer un contrôle, à la fois par la voie préventive– par des avis –, et la voie préjudicielle, en vertu de l’article 267 TFUE.

Néanmoins, les limites à l’action de la Cour de justice peuvent être partiellement outrepassées, dans la mesure où les autorités judiciaires des pays membres, lors d’un contentieux portant sur l’application du  Joint Way Forward, pourraient « se réserver la possibilité de neutraliser les effets les plus attentatoires aux droits fondamentaux de l’accord, en sanctionnant des mesures d’application nationales de celui-ci pour contrariété à la Charte des Droits fondamentaux de l’Union »[31]. Il s’agit d’une hypothèse quelque peu fictive, mais réalisable, notamment en application de l’activité d’interprétation neutralisante que les juridictions nationales peuvent mettre en œuvre, lorsque les principes dégagés par la jurisprudence de la CJUE sont suffisamment clairs et consolidés. Sur ce point, le Mémoire en intervention volontaire présenté par le Groupe d’information et de soutien des immigrés à la Cour administrative de Bordeaux, en opposition au transfert d’un ressortissant Afghan vers la Suède, est très clair.

« En effet, l'arrêt Akerberg et Fransson[32] de 2013 a précisé que l'art. 51, § 1 de la Charte implique qu'une mesure nationale constitue une « mise en œuvre » du droit de l'Union, dès lors qu'elle se situe "dans le cadre" du droit de l'Union ou entre "dans le champ d'application" de ce droit. Parmi les éléments à prendre en compte pour apprécier ce lien de rattachement, mentionné par un arrêt Ymeraga[33] du 8 mai 2013, figure notamment le fait de savoir si la législation nationale a pour "but de mettre en œuvre une disposition du droit de l'Union" et "si celle-ci ne poursuit pas des objectifs autres que ceux couverts par le droit de l'Union, même si elle est susceptible d'affecter indirectement ce dernier". Plus précisément encore, la Cour a rappelé dans son arrêt Siragusa[34] du 6 mars 2014 qu'une situation juridique doit à ce stade présenter "un lien de rattachement d'un certain degré, dépassant le voisinage des matières visées ou les incidences indirectes de l'une des matières sur l'autre"»[35].

Enfin, les conséquences sur la vie des personnes migrantes sont souvent irréversibles. Le 11 juillet 2018, un jeune de 23 ans, qui résidait en Allemagne depuis l’âge de 15 ans, s’est suicidé dans le refuge temporaire de l’OIM à Kaboul, suite à son renvoi vers l’Afghanistan avec 68 autres compatriotes[36]. Amnesty International a dénoncé, dans un rapport, le taux de suicide des demandeurs déboutés avant et après leurs expulsions depuis les pays de l’UE. Les chiffres sont accablants[37]. Cela prouve, encore davantage, la dangerosité de l’Afghanistan pour ses ressortissants[38].

Tel que rappelé auparavant[39], le Parlement européen peut exercer un contrôle – ex post – sur le budget de l’Union et pourrait, comme pour tous les autres accords de réadmission « informels », interroger la Cour de justice sur la validité et la compatibilité avec les traités des mandats de négociation en vertu desquels la Commission a conclu le Joint Way Forard. Ce point a été d’ailleurs soulevé récemment, lors de la réunion de la commission LIBE du 1er septembre 2021, dans laquelle plusieurs parlementaires ont pointé du doigt la proposition du Conseil européen d’utiliser des fonds destinés à la coopération pour financer des camps de réfugiés dans les pays limitrophes (Iran et Pakistan). Toutefois, à présent, aucune initiative juridictionnelle n’a été prise en la matière. Ceci montre une fois de plus les limites de l’action de la Cour de justice en matière de répression des migrations « à la sortie ».

B. L’évolution des accords de réadmission conclus par l’UE avec les pays tiers : le recours à la ruse pour le bien de l’UE ?

Après avoir analysé en détail l’accord entre l’UE et l’Afghanistan, il est opportun d’élargir le spectre de notre réflexion pour comprendre les dynamiques de fonds de l’action extérieure de l’UE en matière de retour et contrôle migratoire.

La création de l’Espace de sécurité, de liberté et de justice (ci-après ELSJ), par le Traité d’Amsterdam, a été rapidement suivie par le Conseil de Tampere en octobre 1999. Dans les conclusions de cette réunion, les chefs d’État et de gouvernement remarquaient la nécessité d’intensifier la coopération dans le domaine de la justice et des affaires intérieures et, en même temps, ils soulignaient l’opportunité d’octroyer à la Commission les pouvoirs de négocier des accords de réadmission avec les pays d’origine et de transit des personnes migrantes.

En faits, l’action extérieure de l’UE a fait de la conclusion des accords de réadmission avec les pays tiers son véritable cheval de bataille (1). Le temps s’étant écoulé depuis la conclusion de la plupart des accords de réadmission avec des pays tiers, il est maintenant possible de faire le bilan de l’efficacité de cette stratégie (2). Sur ce dernier point, les positions des experts se partagent entre ceux qui prônent l’efficacité de la flexibilité des accords et ceux qui l’identifient comme contre-productive – au point de constituer un « reverse leverage » – si l’on considère les chiffres des retours réellement effectués.

1. La réadmission pierre angulaire de l’action externe de l’UE

Les efforts visant à centraliser au niveau européen la conclusion de ce genre d’accords étaient dictés par une double raison. D’une part, par la nécessité de renforcer le pouvoir de négociation vis-à-vis des États tiers en utilisant une voix commune européenne et, d’autre part, par la volonté d’aboutir à des procédures de réadmission communes, compatibles avec le droit international, les traités de l’UE et les dispositions en matière de droits fondamentaux, notamment celles de la CEDH et de la CDFUE[40].

Dans cette première phase, entre 2000 et 2006, les accords de réadmission avec Hong Kong[41], Macao[42], le Sri Lanka[43], l’Albanie[44] et la Russie[45] ont été conclus. À partir de ce moment, la réadmission est devenue « un élément clé de l’action de négociation de l’UE avec les pays situés à l’Est et au Sud des frontières européennes, dans le cadre de la politique européenne de voisinage »[46]. Entre 2006 et 2010, l’UE a continué de signer de nombreux accords de réadmission[47]. Cependant, les États membres ont commencé à avancer un certain nombre de critiques envers l’action de négociation de la Commission. Ainsi, à la suite du processus de Rabat, certains États membres ont entamé des négociations informelles avec les États africains de la frontière Sud-Ouest de l’ELSJ, qui ont pris la forme de forums et de groupes de travail[48]. Bien que l’UE ait signé son dernier accord de réadmission formel en 2014 avec l’Azerbaïdjan[49], le contexte de crise humanitaire issu du conflit syrien et la déstabilisation de la Libye ont relancé le processus de négociation en matière de réadmission en poussant, cette fois ici, le « navire » de l’action externe de l’Union à emprunter un important « virage vers l’informel »[50].

En 2015, la Commission a lancé l’Agenda commun sur la migration et la mobilité[51], ce qui a ouvert la porte au Cadre de partenariat avec les pays tiers[52], dans lequel ont été ciblés certains pays prioritaires à court terme[53]. Les négociations avec ces pays ont abouti à des ententes multiformes et formellement non juridiquement contraignantes. Avec l’Éthiopie et le Nigeria[54], l’UE a conclu des agendas communs sur la migration et la mobilité (CAMM), il s’agit des instruments « les plus avancés » parmi la panoplie d’accords non conventionnels, car ils représentent, souvent, le pas qui précède la signature d’un véritable accord de réadmission (EURAS). Avec le Ghana[55] et le Niger[56], l’UE a négocié des « Joint Migration Declarations », ayant pour objet la mise en œuvre des principes affirmés par la Déclaration de La Valette et l’obtention d’une étroite collaboration des autorités locales pour la lutte contre la migration irrégulière vers l’UE. Enfin, l’entente avec le Mali a pris la forme de « Standard Operation Procedures », visant notamment l’identification et l’expulsion des personnes migrantes en condition irrégulière dans le cadre des procédures de réadmission[57].

La question qui se pose, après avoir regardé de près la nouvelle stratégie de l’UE en matière de réadmission, est de savoir si ces nouveaux modèles d’ententes informelles sont plus efficaces que des accords de réadmission officiels[58].

2. Les ententes informelles pour la réadmission : formule d’efficacité ou boomerang pour l’UE?

Les statistiques montrent clairement une baisse généralisée du taux de réadmission au niveau européen[59]. Cela est dû au fait que la plupart des décisions d’éloignement ne s’adressent plus aux ressortissants des pays de l’Est – avec qui l’UE a signé de vrais accords de réadmission – traditionnellement très collaboratifs, mais qu’elles sont plutôt destinées aux personnes migrantes issues de pays d’Afrique ou du Moyen-Orient, dont les relations avec l’UE sont régies par des instruments « flexibles ». Or, la flexibilité vigoureusement convoitée par la Commission européenne s’est révélée un véritable cheval de Troie. En effet, tous les instruments que nous avons cités jusqu’ici suivent la logique du « more for more »[60], à savoir que, plus les pays partenaires collaborent et mettent en œuvre des mécanismes efficaces pour le contraste à la migration, plus ils seront récompensés par des investissements européens en matière de développement. Ce n’est pas un hasard, par exemple, que le principal pays du Sahel bénéficiaire de financements européens, au titre du Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique, soit le Niger, car la ville d’Agadez est, depuis des années, la plaque tournante de tous les passeurs et réseaux de trafiquants de la région.

Revenons maintenant à la flexibilité et à sa faiblesse. Le contournement du contrôle des parlements nationaux des pays partenaires produit principalement deux effets. D’une part, l’avantage de la rapidité dans les négociations[61], et d’autre part, l’absence de tout mécanisme juridiquement contraignant en cas de non-respect des engagements politiques pris. Ce dernier élément ouvre de facto la porte à un troc permanent sur le dos des personnes migrantes. Ainsi, ce qui devait être le point de force de l’UE, à savoir le pouvoir économique et la promesse d’investissement dans le développement, a produit un effet de « reverse leverage ».

En effet, loin d’être un système pleinement maîtrisé par l’UE et basé sur un mécanisme de « pénalité » pour les pays qui ne collaborent pas suffisamment, les accords non conventionnels permettent aux États partenaires d’utiliser les flux migratoires comme levier pour obtenir toujours plus de financements, dans une compétition toute interne aux pays bénéficiaires visant à accaparer une tranche de l’aide européenne plus grande que celle du pays voisin. D’ailleurs, ce n’est pas chose facile de convaincre des groupes de trafiquants africains, qui gèrent une partie importante de l’économie locale, à laisser l’un des trafics le plus lucratif au monde – celui des êtres humains – pour adhérer à des projets, souvent insuffisants, visant au soutien agropastoral ou à l’appui d’activités génératrices de revenus[62].

Du point de vue de l’UE, le bilan est, donc, doublement négatif, car, non seulement le taux de réadmission des ressortissants de pays tiers a baissé en proportion, mais tous les nouveaux modèles de partenariat informels présentent aussi un fort déficit démocratique[63] et ils n’accordent pas une place suffisante à la protection des droits fondamentaux des personnes migrantes.

D’ailleurs, le Médiateur européen, dans sa décision de 2017[64], a réfuté les arguments de la Commission, laquelle, se défendant dans le cadre d’une enquête concernant la Déclaration UE-Turquie, prétendait à que ce genre d’entente informelle ait une simple nature politique sans pour autant nécessiter une analyse d’impact particulièrement poussée en matière de protection de droits fondamentaux. En réponse à cela, le Médiateur européen affirme que la nature politique de l’acte ne permet pas à la Commission de se soustraire de sa responsabilité d’assurer que toute action soit conforme aux engagements en matière de droits fondamentaux pris par l’UE[65]. Par conséquent, il affirme que la Commission est tenue de faire une évaluation préventive – donc non seulement ex post – de l’impact de ses « accords » sur les droits fondamentaux des personnes migrantes.

Le Défenseur des droits de l’homme, institution française créée en 2011, critique aussi fortement la logique des ententes informelles, en s’attaquant, à son tour, à la Déclaration UE-Turquie du 18 mars 2016[66].

« [L]e Défenseur des droits a eu l’occasion de rappeler que la politique migratoire européenne, comme celle des 28 États composant l’Union européenne, fait sans cesse primer des logiques de repli sécuritaire sur le respect des droits fondamentaux. À un point tel aujourd’hui que s’interroger sur l’efficacité de ces mécanismes devient très difficile. Il est clair que les mécanismes mis en place tendent davantage à dissuader les exilés d’arriver sur le territoire européen qu’à les prendre en charge en ouvrant les voies légales d’émigration. L’accord passé entre l’Union européenne et la Turquie, en poursuivant une idée ancienne - l’externalisation des frontières - en est une parfaite illustration. »[67]

L’UE, avec la conclusion de ces accords de réadmission informels, opère le choix politique d’aller au-delà des traités, menaçant ainsi le principe de coopération loyale, prévu à l’article 4, paragraphe 3, du TFUE, qui représente une pierre angulaire de la construction européenne. Agissant de telle manière, le principe de répartition de compétence entre l’UE et ses États membres est aussi compromis. Tel que le rappelle Sergio Carrera, le fait que le Traité de Lisbonne ait prévu comme base légale pour cette typologie d’accords externes l’article 79, paragraphe 3, du TFUE nous montre clairement que la volonté du législateur a été de créer un véritable système, dit de « check and balance », interinstitutionnel pour s’assurer que l’action de l’UE en matière de réadmission soit assujettie au contrôle démocratique du PE et, aussi, au contrôle judiciaire de la CJUE[68].

En effet, c’est grâce à l’action de la Cour de justice en ce domaine que l’UE a développé sa propre politique de retour, régie par la Directive 115/2008. Ainsi, toute pratique de réadmission doit être compatible avec les standards fixés par le droit dérivé et avec les principes dégagés par le juge de Luxembourg, qu’elle soit mise en œuvre par les pays membres ou directement par l’Union. L’action de la Commission en matière de réadmission, en contournant l’article 218 du TFUE, arrive alors au paradoxe de justifier son action en la nommant de purement « politique » et, en même temps, d’exclure le Parlement européen, qui est la seule institution représentant les préférences politiques des citoyens européens et qui est issue d’une volonté démocratique directe.

La jurisprudence de la Cour de justice de l’UE montre l’attention croissante du Parlement envers la protection de ses propres compétences en matière d’action externe, notamment en dénonçant la validité des actes de la Commission (ou du Conseil), « contestés non pas en raison de [leur] finalité ou de [leur] contenu, mais pour des motifs d’incompétence de son auteur ou de violation des formes substantielles »[69]. L’action de la Cour de justice pourrait être provoquée, alors, par un recours en annulation (article 263 du TFUE) avancé par le Parlement, visant à dénoncer la validité des ententes négociées par la Commission avec les pays tiers en matière de réadmission. Ce mécanisme a été utilisé par le Conseil dans un recours contre la Commission[70] visant à attaquer une décision concernant une contribution financière de la Confédération suisse à l’élargissement de l’UE vers la Croatie. Dans cette affaire, la CJUE a annulé la décision attaquée. Néanmoins l’application d’une telle approche interprétative au contentieux touchant l’action extérieur de l’UE demeure complexe car la répartition de compétences en matière de contribution économique est bien plus nette que celle en matière migratoire. En effet, il est difficile d’imaginer qu’un État membre exerce le même pouvoir de recours attaquant les accords en matière de réadmission, car il est évident que dans ce domaine la politique de l’UE encourage le bilatéralisme entre États membres et États de départ. Les États membres ont tout intérêt à gagner une place privilégiée afin de s’imposer en tant qu’anneau de conjonction entre l’UE et les pays tiers d’origine ou transit des personnes migrantes. Ceci leur permet de gérer directement les fonds destinés à financer la coopération et pouvant en autre canaliser les négociations dans une direction qui privilégie davantage ses propres intérêts.

La réponse à la question posée dans le titre de ce paragraphe est maintenant accessible. L’action de l’UE, favorisant les voies de négociation informelles, n’apporte aucun bénéfice net à l’Union, ni sur le plan des équilibres – politiques et budgétaires – internes, ni en termes de relations extérieures. Les accords informels que certains – à raison – appellent des « fantômes politiques » (« policy ghosts »)[71], n’ayant pas un impact positif sur le taux de réadmission des ressortissants de pays tiers, provoquent en plus une fragmentation de la politique migratoire de l’UE, qui est obligée de baser son action externe sur des ententes non contraignantes, qui ouvrent de facto aux initiatives bilatérales des pays membres. En effet, les ententes signées par l’UE avec les pays de transit ou d’origine des personnes migrantes sont souvent « intègres » et suivies par des accords beaucoup plus poussés signés entre ses États membres et les États tiers.

Le contrôle juridictionnel sur ces actes est fortement limité. Il s’agit d’une limite majeure à l’action de la Cour de justice. En effet, il est impossible au Parlement européen de demander des avis préventifs sur la compatibilité des dits accords avec le droit primaire de l’UE[72]. De surcroît, la Cour est dans l’impossibilité de garantir le maintien adéquat des équilibres institutionnels au sein de l’UE, car les ententes en question ne rentrent pas parmi les actes typiques de l’Union.

Conclusion

L’UE et ses États membres pouvaient ne pas considérer la fragilité du contexte politique afghan lors de la conclusion du Join Way forward. Le sentiment de surprise exprimé par les dirigeants de l’UE et de ses États membres face au chaos qui a suivi la retraite des militaires des alliés du territoire afghan a été tout sauf une sincère manifestation d’étonnement.

Il s’agissait en revanche, d’un risque probablement non voulu mais surement calculé lors de la signature des différents accords. Une chose est claire, cette approche a grandement mis en danger la crédibilité de l’UE en tant qu’acteur international inspiré par des valeurs démocratiques telles que la protection des droits fondamentaux et l’État de droit.

Le Join Way Forward a été souvent cité à titre d’exemple dans les dernières années lors des discussions sur la façon d’encadrer la coopération avec les pays de départ des migrants et des demandeurs d’asile. À la lumière de l’actualité récente, il est donc temps de tirer des leçons de l’expérience Afghane et renverser une tendance qui est vouée – nous l’avons vu – à l’échec.

L’analyse de l’accord de 2017 entre l’UE et l’Afghanistan nous a permis de montrer les dangers de ces mécanismes, en termes de non protection des droits fondamentaux des personnes migrantes et de l’importance de pouvoir assurer un contrôle de la part de la Cour de justice de l’Union afin de garantir le nécessaire mécanisme institutionnel de « check and balance », essentiel dans des domaines qui comportent l’utilisation de sommes importantes du budget européen

La politique du « more for more » génère un effet de levier renversé, ouvrant la porte à un véritable troc sur le dos des migrants et alimentant la corruption des contreparties locales. La cohérence avec les valeurs qui inspirent les traités de l’UE devrait au contraire viser des accords officiels, stables, soumis au contrôle démocratique et juridictionnel des institutions compétentes et surtout orienté à l’ouverture de voies légales d’accès au territoire de l’UE et pas (quasi) seulement de voies expresses pour les renvois massifs.

C. Pour aller plus loin

Législation

Accords de Doha

Joint Way Forward

Accord USA- Afghanistan 2020 ( « l'Émirat islamique d'Afghanistan », qui n'est pas reconnu comme un État par les États-Unis et qui est connu sous le nom de Taliban, et les États-Unis d'Amérique)

Doctrine

Sergio Carrera, « On Policy Ghosts: EU Readmission Arrangements as Intersecting Policy Universes », dans EU External Migration Policies in an Era of Global Mobilities: Intersecting Policy Universes, 44, Leiden, Brill / Nijhoff, 2018

Jean-Pierre Cassarino, « Jean-Pierre Cassarino (2018), “Informalizing EU Readmission Policy.” In Ariadna Ripoll Servent and Florian Trauner (eds.), The Routledge Handbook of Justice and Home Affairs Research. London: Routledge, pp. 83-98

Sergio Carrera, Leonhard Den Hertog, Jorge Nunez Ferrer, Roberto Musmeci, Marta Pilati et Lina Vosyliute, Oversight and Management of the EU Trust Funds: Democratic Accountability Challenges and Promising Practices, Commission européenne

Tineke Strik, « The Global Approach to Migration and Mobility », Groningen Journal of International Law, Vol.5, n. 2, (2017)

Jurisprudence

CJUE, 6 septembre 2016, Petruhhin, C-182/15.Rec. Num.

CJUE, 26 novembre 2014, Parlement européen et Commission européenne c Conseil de l’Union européenne, affaires jointes C103/12 et C165/12.Rec num.

CJUE, du 17 mars 2016, Parlement européen c. Commission européenne, C286/14, ECLI:EU:C:2016:183.

Pour citer cette note : R. Angrisani, « Leçons afghanes : les effets néfastes des accords non conventionnels, L’importance d’inscrire à nouveau l’action externe de l’UE dans les traités et le respect des droits fondamentaux », Cahiers de l’EDEM, novembre 2021.

 


[1] Sergio Carrera, « On Policy Ghosts: EU Readmission Arrangements as Intersecting Policy Universes », dans EU External Migration Policies in an Era of Global Mobilities: Intersecting Policy Universes, 44, Leiden, Brill / Nijhoff, 2018, p. 21; Jean-Pierre Cassarino, « Jean-Pierre Cassarino (2018), “Informalizing EU Readmission Policy.” In Ariadna Ripoll Servent and Florian Trauner (eds.), The Routledge Handbook of Justice and Home Affairs Research. London: Routledge, pp. 83-98 »; Jean-Pierre Cassarino et Mariagiulia Giuffré, « Finding Its Place In Africa: Why has the EU opted for flexible arrangements on readmission? », (2017) N. 01/2017 FMU Policy Brief.

[3] Voir sur ce point, Sergio Carrera, « On Policy Ghosts: EU Readmission Arrangements as Intersecting Policy Universes », dans EU External Migration Policies in an Era of Global Mobilities: Intersecting Policy Universes, 44, Leiden, Brill / Nijhoff, 2018, p. 21; Jean-Pierre Cassarino, « Jean-Pierre Cassarino (2018), “Informalizing EU Readmission Policy.” In Ariadna Ripoll Servent and Florian Trauner (eds.), The Routledge Handbook of Justice and Home Affairs Research. London: Routledge, pp. 83-98. ».

[4] UE, Accord de coopération en matière de partenariat et de développement entre l’Union européenne et l’Afghanistan, 14 mars 2017, L 67, 14/03/2017, à la p 3. Cet accord représente la première relation contractuelle entre l’Union européenne et l’Afghanistan et établit le cadre juridique de la coopération UE-Afghanistan. Conformément à l’article 218 TFUE, l’entrée en vigueur pleine et entière de cet accord mixte est soumise à l’approbation du Parlement européen ainsi qu’à la ratification par les parlements nationaux et certains parlements régionaux des États membres de l’Union. Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, (2012), JO, C 326, art 218.

[5] Council, Draft Joint Way Forward on migration issues between Afghanistan and the EU - Adoption, (2016), MIGR 159 COEST 219,.

[6] Ibid, p 2.

[7] Ibid.

[8] Ibid, p 1.

[9] UE, Accord de coopération en matière de partenariat et de développement entre l’Union européenne et l’Afghanistan, 14 mars 2017, L 67, 14/03/2017, p. 33, art 28, para 1.

[10] Ibid, para 4.

[11] European Asylum Support Office, Afghanistan Key socio-economic indicators Focus on Kabul City, Mazar-e Sharif and Herat City - Country of Origin Information Report, EASO, 2019 à la p 24: « Despite the decrease, Afghanistan still remains highly dependent on aid: around 66 % of the budget in the financial year of 1396 (March 2017-Feb 2018) was funded through international donor support.150 As Integrity Watch Afghanistan – an independent civil society organisation committed to increase transparency – stated, changing Afghanistan’s aid dependency would require tapping the country’s mineral resources and also introducing a zero tolerance approach on corruption ».

[18] Parlement européen, Réponse donnée par M. Avramopoulos au nom de la Commission (Référence de la question: E-007189/2017, 13 février 2018.

[19] Nikolaj Nielson, « EU mulls “migrant” terminal at Kabul airport » (5 octobre 2016), La création de ce « hub » dédié était prévue au point 3 de la partie II de la Joint Way Forward : « Both sides will explore the possibility to build a dedicated terminal for return in Kabul airport and express their willingness to carry out non-scheduled flights at the best convenient times ». Joint Way Forward on migration issues between Afghanistan and the EU, 2 octobre 2016, e 20 mai 2017), partie II, point 3.

[20] UE, Règlement 2016/1953 du 26 octobre 2016 relatif à l’établissement d’un document de voyage européen destiné au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, et abrogeant la recommandation du Conseil du 30 novembre 1994., [2016] 1316, L 311.

[21] Le plan opérationnel, contenu dans une annexe non publiée, prévoit un maximum de 10 000 retours par an. Le document ne précise pas si le total comprend les retours volontaires ou forcés. Le document indique également qu’il ne peut y avoir plus de deux vols non réguliers par semaine, à savoir un maximum de 100 rapatriés forcés par semaine (soit 400 par mois, ce qui signifierait un maximum de 5000 déportés par an). Ce calcul montre que 5000 personnes expulsées et 5000 rapatriés volontaires sont attendus par an). Voir à cet effet : Jelena Bjelica et Thomas Ruttig, « Voluntary and Forced Returns to Afghanistan in 2016/17: Trends, statistics and experiences » (19 mai 2017), p. 3, en ligne : <https://www.afghanistan-analysts.org/voluntary-and-forced-returns-to-afghanistan-in-201617-trends-statistics-and-experiences/> (consulté le 28 juin 2017).

[22] CJUE, 6 septembre 2016, Petruhhin, C-182/15, Rec. Num point 59 : « Ces éléments peuvent résulter, notamment, de décisions judiciaires internationales, telles que des arrêts de la Cour EDH, de décisions judiciaires de l’État tiers requérant ainsi que de décisions, de rapports et d’autres documents établis par les organes du Conseil de l’Europe ou relevant du système des Nations unies ».

[23] Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, JO 2000/C 364/01, (entrée en vigueur : 12 décembre 2007), art 42. « Tout citoyen ou toute citoyenne de l’Union ou toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre a un droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission ».

[24] CJCE, 13 mars 2007, Unibet, C-432/05.[2005] Rec CE I-2271 point 59.

[25] Trib CE, 7 décembre 1999, Interporc c. Commission, T-92/98,.[1999] Rec CE II-03521 point 39. En plus, le juge de l'Union, à propos de l’article 42 de la Charte, a indiqué que « s’agissant du droit d'accès aux documents des institutions, organes et organismes de l'Union, la Charte prévoit un droit fondamental spécial ». Trib CE, 29 novembre 2012, Gaby Thesing c. Banque centrale européenne, T-590/10,.non publiée points 72-73.

[26] CJCE, 13 mars 2007, Unibet, C-432/05.[2005] Rec CE I-2271 point 37.

[27] Council, Draft Joint Way Forward on migration issues between Afghanistan and the EU - Adoption, (2016), MIGR 159 COEST 219.

[29] CJCE, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation c. Conseil et Commission, affaires jointes C-402/05P et C-414/05P.[2008] I-06351, points 312-327.

[31] Ibid.

[32] CJUE, 6 septembre 2016, Petruhhin, C-182/15.Rec. Num.

[33] CJUE, 8 mai 2013, Ymeraga et Ymeraga-Tafarshiku, C-87/12.non publié point 41.

[34] CJUE, 6 mars 2014, Siragusa, C-206/13.non publié.

[37] Amnesty international, Retour forcé vers l’insécurité l’Europe renvoie des demandeurs d’asile en Afghanistan, 2017, p. 4.

[38] Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un cas isolé, à titre d’exemple, voir : Yara Boff Tonella, « A vicious circle: A young Afghan man’s journey through Europe’s asylum system », Amnesty international; Reuters, « Afghan boy’s hope of new life in Europe ends in suicide »s ; Are You A. Syrious, « Afghan boy committed suicide in Germany », Medium.

[39] Supra, voire Titre I, chapitre 2.

[40] Voir sur ce point, Jean-Pierre Cassarino, « Informalizing EU Readmission Policy », dans Ariadna Ripoll Servent et Florian Trauner (dir.), The Routledge Handbook of Justice and Home Affairs Research, London, Routledge, 2018, p. 83 à la page 86.

[41]Agreement between the European Community and the Government of the Hong Kong Special Administrative Region of the People’s Republic of China on the readmission of persons residing without authorization, 27 novembre 2002, L 17, à la p 25 (entrée en vigueur : 24 janvier 2004).

[42] Agreement between the European Community and the Macao Special Administrative Region of the People’s Republic of China on the readmission of persons residing without authorisation, 13 octobre 2003, L 143,  30/04/2004, p. 99 (entrée en vigueur : 1er juin 2004).

[43] Agreement between the European Community and the Democratic Socialist Republic of Sri Lanka on the readmission of persons residing without authorisation, 4 juin 2004, L124, 17/05/2005, p. 43 (entrée en vigueur : 1er mai 2005).

[44] Agreement between the European Community and the Republic of Albania on the readmission of persons residing without authorisation, 14 avril 2005, L124, 17/05/2005, p. 22 (entrée en vigueur : 1er mai 2006).

[45] Agreement between the European Community and the Russian Federation on readmission, 25 mai 2006, L129, 17/05/2007, p. 40 (entrée en vigueur : 1er juin 2007).

[46] Jean-Pierre Cassarino, « Jean-Pierre Cassarino (2018), “Informalizing EU Readmission Policy.” In Ariadna Ripoll Servent and Florian Trauner (eds.), The Routledge Handbook of Justice and Home Affairs Research. London: Routledge, pp. 83-98. », 87.

[47] Notamment, avec l’ancienne République Yougoslave de Macédoine (en 2007), la République de Serbie (en 2007), la République du Montenegro (2007), la Bosnie Herzégovine (en 2007), la République de Moldavie (en 2007), la République islamique du Pakistan (en 2009) et la Georgie (en 2010). Pour la liste complète des accords de réadmission conclus par l’UE voire l’Annexe II.

[48] Voir supra, Titre I, Chapitre 1, Section 3, §2.

[49] Précédemment, l’UE avait, aussi, signé des accords avec la République de Cap-Vert (en 2013), la République d’Arménie (en 2013) et la République de Turquie (en 2013).

[50] Carrera, supra note 407 à la p 22. « Since 2015 new EU readmission arrangements and emergency or crisis- driven tools have been enacted with the purpose of facilitating third country cooperation with the EU on readmission. They have included policy instruments such as so- called ‘Common Agendas on Migration and Mobility’ (camm), High Level Migration Dialogues or Joint Declarations».

[51] Commission européenne, Communication au Parlement européen eu Conseil européen et au Conseil, au Comité économique et social européen, au Comité des régions, Un agenda européen en matiére de migration, Bruxelles, le 15.5.2015.

[52] Commission européenne, Communication au Parlement européen eu Conseil européen, au Conseil et à la Banque européenne d’Investissement, relative à la mise en place d’un nouveau cadre de partenariat avec les pays tiers dans le cadre de l’Agenda européen en matière de migration, Strasbourg, le 7.6.2016.

[53] Le Niger, le Nigeria, le Sénégal et le Mali en Afrique de l’Ouest et dans le Sahel,; la Libye et l’Éthiopie dans la Corne de l’Afrique. À cette liste se rajoutent le Liban, la Jordanie et la Tunisie, pays avec lesquelles les négociations étaient très avancées déjà en 2016.

[54] L’UE a aussi conclu une Common agenda on Migration and Mobility (CAMM), avec l’Inde. Sur ce point, voir : Marco Stefan, « Migration versus Mobility in EU External Action towards China and India », dans EU External Migration Policies in an Era of Global Mobilities: Intersecting Policy Universes, 44, Leiden, Brill / Nijhoff, 2018, p. 177.

[57] Le Sénégal représente un cas particulier, car tout étant un pays ciblé comme prioritaire, il collabore activement avec l’UE – grâce à la délégation de la Commission siégeant à Dakar – et avec ses agences, notamment Frontex, mais il n’a, à l’heure actuelle, signé aucun accord de réadmission ou de partenariat officiel avec l’Union. Pour plus d’information sur le contenu de chaque accord, voir : Sergio Carrera, « On Policy Ghosts: EU Readmission Arrangements as Intersecting Policy Universes », EU External Migration Policies in an Era of Global Mobilities: Intersecting Policy Universes 2018.2159.

[58] Conformes aux procédures de l’article 218 TFUE. Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, (2012), JO, C 326, art 218.

[59] Voir Annexe V.

[60] Tineke Strik, « The Global Approach to Migration and Mobility »,Groningen Journal of International Law, Vol.5, n. 2, (2017); Jean-Pierre Cassarino, « Jean-Pierre Cassarino (2018), “Informalizing EU Readmission Policy.” In Ariadna Ripoll Servent and Florian Trauner (eds.), The Routledge Handbook of Justice and Home Affairs Research. London: Routledge, pp. 83-98. »; Sergio Carrera, « On Policy Ghosts: EU Readmission Arrangements as Intersecting Policy Universes » [2018] EU External Migration Policies in an Era of Global Mobilities: Intersecting Policy Universes 2159; Joshua Massarenti, « EU-Africa: Valletta, the summit of dissent », Afronline – The Voice Of Africa.

[61] Cela est aussi dû au manque total de transparence vis-à-vis de l’opinion publique.

[62] Fonds fiduciaire d’urgence de l’Union européenne pour l’Afrique: un instrument souple, mais pas assez ciblé, 32, Cour des Comptes européenne, 2018 à la p 13. Parmi les observations formulées par la Cour dans son rapport l'on retrouve : “Le fonds fiduciaire pour l'Afrique est un instrument souple, mais, compte tenu des difficultés sans précédent auxquelles il est confronté, il aurait dû être conçu de façon plus ciblée”, et encore “Le fonds fiduciaire est un instrument souple, mais ses objectifs sont trop généraux pour permettre d'orienter les actions ou de mesurer l'impact de manière efficiente”. Il est aussi opportun de remarquer que le Fond Fiduciaire pour l'Afrique vise à s'attaquer aux causes profondes de la migration dans 26 pay Africains avec un budget global d'environ 4 milliards d'euros, alors que le fond de facilitation octroyé à la Turquie pour la mise en ouvre de la Déclaration de 2016 est de 6 milliards d'euros.

[63] Sergio Carrera, Leonhard Den Hertog, Jorge Nunez Ferrer, Roberto Musmeci, Marta Pilati et Lina Vosyliute, Oversight and Management of the EU Trust Funds: Democratic Accountability Challenges and Promising Practices, Commission européenne, p. 93.

[64] Européen Ombudsman, Decision of the European Ombudsman in the joint inquiry into complaints 506-509-674-784-927-1381/2016/MHZ against the European Commission concerning a human rights impact assessment in the context of the EU-Turkey Agreement, 18 janvier 2017.

[65] Ibid à la p 2. « The Ombudsman takes the view that the political aspect of the Agreement does not absolve the Commission of its responsibility to ensure that its actions are in compliance with the EU’s fundamental rights commitments. The Ombudsman believes that the Commission should do more to demonstrate that its implementation of the agreement seeks to respect the EU’s fundamental rights commitments. The Ombudsman closes the case with a suggestion to the Commission that it deal more explicitly with the human rights implications in its future reports on the agreement ».

[66] Le Défenseur des Droits (France), Avis du Défenseur des droits n° 16-18, Paris, le 8 juillet 2016.

[67] Ibid.

[68] Sergio Carrera, « On Policy Ghosts: EU Readmission Arrangements as Intersecting Policy Universes », EU External Migration Policies in an Era of Global Mobilities: Intersecting Policy Universes 2018.2159, 44.

[69] CJUE, 26 novembre 2014, Parlement européen et Commission européenne c Conseil de l’Union européenne, affaires jointes C103/12 et C165/12.Rec num, point 90; voir aussi CJUE, du 17 mars 2016, Parlement européen c. Commission européenne, C286/14, ECLI:EU:C:2016:183.

[70] CJUE, 28 juillet 2016, Conseil/Commission, affaire C-660/13.Rec num.

[71] Sergio Carrera, « On Policy Ghosts: EU Readmission Arrangements as Intersecting Policy Universes » dans EU External Migration Policies in an Era of Global Mobilities: Intersecting Policy Universes, 44, Leiden, Brill / Nijhoff, 2018, 21 à la p 3 : « It is argued that they constitute policy ghosts in search of EU normative identity and constituting venues – intersecting policy universes – where various actors seek the right interlocutors to pursue their interests and build alliances. They raise profound legal uncertainty issues as to whether they may qualify or not as ‘international agreements’, or as ‘law’, and if not, what their relationship is with the EU rule of law, democratic accountability and fundamental rights en-shrined in the EU Treaties ».

[72] Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, (2012), JO, C 326, art 218, para 11.

Publié le 30 novembre 2021