Rentrée : 6000 élèves du secondaire sondés sur leur vécu du (dé)confinement
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Comment le bien-être et la motivation des élèves du secondaire ont-ils été impactés par le (dé)confinement ? Plus de 6000 jeunes ont répondu à l'enquête en ligne lancée par des chercheurs et chercheuses de l’UCLouvain et de l’ULiège*, à l’initiative de l’Administration générale de l’enseignement et de la Ministre de l’enseignement Caroline Désir. Les résultats offrent un aperçu de l’état d’esprit des jeunes en perspective de la rentrée scolaire et permettent aux expert·es de donner des balises pour l’enseignement à distance.
> Vers l’enquête complète, sa méthodologie et les résultats
Une chose est sûre, en cette rentrée scolaire particulière, les enseignant·es vont retrouver des élèves qui ont vécu la situation de manière très variable : une parenthèse propice à l’épanouissement pour certains (« Je vis ma meilleure vie ! Le confinement m’a permis de profiter de choses que je faisais moins »), une terrible période de solitude ou de drames pour d’autres (« Je ne me sens pas bien, je ne me suis jamais senti aussi mal de ma vie. Mentalement, il n’y a rien qui va »). Il est important pour les enseignant·es d’avoir cela à l’esprit au moment de renouer les liens avec chacun et chacune en ce début d’année.
Un peu de contexte> Dès le 16 mars : tous les cours en Fédération Wallonie Bruxelles ont été suspendus. Les enseignant·es du secondaire ont eu la possibilité de continuer leur enseignement en donnant à leurs élèves des travaux à réaliser à domicile pour autant que ceux-ci portent sur une matière vue en classe et que tous les élèves puissent accéder à ce qui leur était proposé. Chaque équipe éducative a eu la charge de décider des modalités de mise en œuvre de ces travaux ainsi que du maintien du lien social via les moyens technologiques, fortement encouragé par les autorités. > À partir du 18 mai : une reprise progressive et partielle de l’école a eu lieu pour certains groupes d’élèves, notamment les années certifiantes. Au moment de répondre au sondage, au mois de juin 2020, 21,5% des élèves allaient à l’école au moins une fois par semaine. Les autres (78,5%) ne sont pas retournés à l’école, soit par choix (18%) soit parce que les cours n’étaient pas organisés pour leurs années d’études (60,4%). Les données récoltées confirment l’importance de réinstaurer l’obligation scolaire sous peine d’augmenter les inégalités entre élèves. En effet, les élèves défavorisés ou en difficulté scolaire sont proportionnellement moins retournés à l’école lorsqu’ils en avaient la possibilité. |
Les résultats de l'enquête
Face aux résultats, il ne faut pas perdre de vue les grandes disparités de situations tant au niveau du bien-être et de la motivation des élèves que de la fréquence de transmission du travail à domicile et des contacts avec les enseignant·es. Certains élèves se sentent très mal, mais d’autres se sentent très bien. Certains élèves déclarent avoir été en contact régulièrement avec leurs enseignant·es, mais d’autres jamais ou presque jamais.
Du côté du bien-être des jeunes, les données de l’enquête ne montrent globalement pas d’indice d’une augmentation massive du mal-être parmi les adolescent·es. Les jeunes déclarent même plus fréquemment éprouver des émotions positives (joie, intérêt, optimisme) que des émotions négatives (anxiété, tristesse). On note par contre un sentiment d’ennui et une difficulté à se concentrer assez fréquents. Les commentaires libres laissés par certains élèves confirment cette difficulté à se concentrer, certains l’attribuant à une difficulté à s’organiser et à instaurer pour soi-même un rythme et un cadre de travail adéquat : « Plus on est confinés longtemps, plus mes capacités de concentration diminuent et ma motivation également. Le fait de travailler seule et sans encadrement d'adultes/de professeurs ne me rassure pas dans mon apprentissage ».
- L’ensemble des élèves n’ont donc pas vécu une situation proche d’un traumatisme lors du confinement, contrairement à ce que craignaient certain·es. Pour les acteurs de la santé en contexte scolaire, une approche universelle concernant d’éventuels problèmes de santé mentale auprès de tous les élèves ne semble donc pas spécialement adaptée.
- Par contre, certains élèves auront besoin d’un suivi particulier. Il importe que les différents acteurs de l’école soient attentifs et à l’écoute pour repérer et orienter ces élèves en fragilité vers les services adéquats. C’est sans doute chez les jeunes déjà en difficulté ou vulnérables avant le confinement que les conséquences en termes de bien-être risquent d’être les plus palpables. Tout comme durant le confinement, le soutien pédagogique et social des enseignant·es va s’avérer primordial.
En ce qui concerne la motivation, les données récoltées tendent à montrer que les élèves se sont sentis moins capables de réaliser ce que l’on attendait d’eux lors du confinement. Reconstruire cette confiance en leurs capacités semble essentiel, notamment en fournissant à tous les élèves des tâches permettant d’expérimenter des situations de réussite, alors même que l’on pourrait être tenté·e d’avancer rapidement dans la matière pour rattraper le temps perdu. Ce soutien pédagogique sera probablement d’autant plus important pour les élèves ayant déjà rencontré des difficultés par le passé.
Un facteur important de motivation et de bien-être : le maintien du contact avec les enseignant·es
Les analyses soulignent l’importance d’avoir fréquemment des contacts avec les enseignant·es pour tous les aspects de la motivation et principalement pour l’engagement dans le travail scolaire.
- Une courte majorité des élèves rapportent avoir eu régulièrement des contacts avec leurs enseignant·es.
- Un peu moins de 70% des élèves ont reçu régulièrement du travail de leurs enseignant·es.
- À peine plus de la moitié (54%) déclarent avoir été régulièrement en contact avec leurs enseignant·es via des cours, des échanges de messages, de vidéos ou autres.
Une majorité d’élèves se sont sentis soutenus par leurs enseignant·es. Toutefois, près d’un tiers des élèves déclarent que leurs enseignant·es ne s’intéressent que très rarement à ce que les élèves vivent ou ne prennent que très rarement le temps d’échanger à propos de la situation particulière qu’ils vivent. Le soutien social ou émotionnel a été moins présent que le soutien strictement scolaire.
>>Le bien-être des élèves semble davantage lié au soutien social (relationnel) des enseignant·es (par exemple, les enseignant·es s’intéressent vraiment à ce que les élèves vivent ou prennent le temps d’échanger par rapport à la situation particulière que nous vivons).
>>La motivation des élèves dépendrait quant à elle plus du soutien scolaire (pédagogique).
Les 7 balises des expert·es pour organiser l’enseignement à distance
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*Une enquête de Noémie Baudoin, Sébastien Dellisse, Liesje Coertjens, & Benoît Galand de l’UCLouvain, et de Françoise Crépin, Ariane Baye, & Dominique Lafontaine de l’ULiège.