En politique, les égocentriques ne changent pas d’avis… Même si les faits leur donnent tort !
uclouvain |
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Dans une étude récemment publiée, le Professeur Stéphane Moyson a analysé l’impact de l’estime de soi et de l’égocentrisme sur les décisions publiques.
Peut-on faire changer d’avis un·e décideur·se politique à l’ego et l’estime de soi très affirmés ? C’est à cette question que s’intéresse notamment le professeur Stéphane Moyson, chercheur en sciences politiques et administratives. Dans ses travaux, il se penche sur les mécanismes psychologiques qui favorisent ou freinent le Policy Learning, que l’on pourrait traduire en français par apprentissage politique. Soit le mécanisme par lequel les acteur·rices politiques revoient et ajustent leurs préférences politiques.
Sa dernière étude, I know better: Self-esteem, egocentrism, and policy learning in the liberalization of Belgian network industries publiée dans l’International Review of Public Policy, met en exergue deux éléments déterminants dans l’apprentissage politique : l’égocentrisme et l’estime de soi. Ces traits de personnalité ont un impact majeur sur la capacité des décideur·ses à intégrer de nouvelles informations et à ajuster leurs préférences politiques en fonction.
Pour mener sa recherche, le professeur s’est basé sur une enquête en ligne à laquelle ont répondu 255 acteur·rices politiques belges impliqué·es dans les négociations sur la libéralisation des secteurs ferroviaire et électriques. « Il s’agit de ministres, de député·es, mais aussi de cabinettatd·es, de lobbyistes, d’expert·es… impliqué·es à des degrés divers », explique Stéphane Moyson. Les données comprennent des informations sur l'évolution de leurs préférences politiques entre 2000 et 2012, leurs convictions concernant les résultats des politiques, leur niveau d'estime de soi et leur degré d'égocentrisme.
Que ressort-il de cette étude ? Que les acteur·rices politiques aux plus hauts degrés d’égocentrisme et d’estime de soi ont le sentiment « qu’ils·elles savent mieux ». Ils·elles prennent bien moins en compte de nouvelles informations pour ajuster leurs pensées que les acteurs politiques qui obtiennent un score moins élevé sur l’échelle de l’égocentrisme et de l’estime de soi.
Les résultats montrent que, plus que l’estime de soi, c’est l'égocentrisme qui entrave l'assimilation de l'information. Les acteur·rices politiques égocentriques ont tendance à se fier davantage à leur point de vue initial qu'à de nouvelles informations. Les égocentriques sont moins susceptibles de changer d’avis, quand bien même ces nouvelles informations montrent que leurs idées préexistantes s’avèreraient fausses.
Prospecter, susciter la participation et mieux évaluer
Les résultats suggèrent qu'il est important de tenir compte de la psychologie des acteur·rices impliqués dans l'élaboration des politiques. En particulier, il est essentiel de prendre en compte la façon dont l'estime de soi et l'égocentrisme peuvent influencer le traitement de l'information et la capacité à s'adapter aux nouvelles données.
Comment ? En encourageant la prise en compte de points de vue alternatifs dans les processus décisionnels et en tenant compte des convictions et des positions préexistantes des acteur·rices dans la présentation de l'information. Cela passe par divers dispositifs de production de connaissances au sujet de l’action publique, tels que la prospective, l’évaluation des politiques publiques ou encore la démocratie participative, au sujet desquels l’UCLouvain propose des certificats de formation continue.