Jeunes au chômage : pour une approche différenciée
uclouvain |
Les programmes de remise au travail des 18-30 ans mis en place à Bruxelles sont-ils efficaces ? Une étude menée par deux sociologues de l’UCLouvain pointe le manque de prise en compte de la diversité des situations des jeunes.
Le taux de chômage des jeunes reste très préoccupant à Bruxelles, où ce chiffre s’élevait selon Actiris à 25,1 % en novembre dernier. Pourtant, les autorités publiques ont mis en place, dans le sillage des recommandations de l’Union européenne, des programmes spécifiques destinés aux jeunes de 18 à 30 ans identifiés comme « NEET » – acronyme anglais désignant le fait de n’être ni scolarisé, ni en formation, ni à l’emploi.
Dans un article publié dans le dernier numéro de Brussels Studies, les sociologues Géraldine André (UCLouvain) et Andrew Crosby (UCLouvain et Vrije Universiteit Brussel), ces programmes risquent toutefois de manquer leur cible en raison de leur caractère trop standardisé. À travers un travail de terrain de longue haleine mené avec l’aide d’une équipe de recherche auprès de 93 jeunes hommes et femmes de 17 à 25 ans, les scientifiques révèlent que la catégorie « NEET » rassemble des situations sociales et des capacités d’action très différentes.
Le matériel empirique récolté montre combien les situations de décrochage multiple résultent en réalité de trajectoires façonnées par des dynamiques structurelles, mais aussi par des rapports et des processus d’inégalités relatifs à la classe, à l’origine migratoire ou à leurs intersections, qui affectent autant la sphère scolaire que le marché de l’emploi bruxellois.
Vécus différents
Parmi les jeunes interrogés, le trait le plus partagé au sein de celles et ceux qui ressortissent de la catégorie NEET réside dans des sentiments de discrimination et de non-appartenance à la société, couplés à de la méfiance par rapport aux institutions et à leurs dispositifs d’aide. Ce que montre l’étude, toutefois, c’est qu’en fonction du parcours scolaire, de la situation professionnelle des parents et des relations entretenues avec eux, les jeunes vivent de façon bien différente les périodes en situation NEET.
Quand, par exemple, pour l’une, issue d’un milieu social plus privilégié, la situation NEET temporaire est racontée comme une sorte d’année sabbatique et de rébellion pour « se chercher », pour un autre, la situation NEET est vécue comme une situation plus longue, une « galère » faite de débrouille en dehors du système, face aux nécessités économiques. Derrière un chiffre et une même catégorie, se cachent donc des réalités variées.
Pour des indicateurs qualitatifs
Partant de ces constats et afin de mieux identifier les publics prioritaires, les deux sociologues plaident dès lors en faveur de la mise en place d’indicateurs qualitatifs dans l’action publique développée envers les jeunes en situation de décrochage scolaire ou de chômage. Des critères tels que l’indice socio-économique des quartiers de résidence, les revenus et la composition du ménage, les qualifications des parents et la « provenance scolaire » (écoles, filières fréquentées) devraient y figurer, afin de construire des indicateurs de risques.
C’est à cette condition que des moyens d’action plus appropriés pourront être déployés auprès de celles et ceux qui en ont le plus besoin. Il y a urgence si l’on ne veut pas voir grossir encore la part des jeunes en rupture de ban par rapport à la société qui les entoure.