Manipuler des objets dans l’espace pour améliorer la revalidation après un AVC
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L’UCLouvain valorise 21 ans de recherche pionnière sur le contrôle du mouvement par le cerveau, dont les conclusions sont publiées dans le Journal of Neuroscience. La spécificité ? Les scientifiques UCLouvain ont comparé la gestion du mouvement sur Terre et dans l’espace, via des expériences auprès de 11 astronautes de l’ISS. L’intérêt ? Comprendre la gestion du mouvement permettra d’améliorer les techniques de rééducation, notamment après un AVC. Mais aussi, d’envoyer des astronautes pour des voyages longues durées dans l’espace (vers Mars par ex.).
C’est l’aboutissement de 21 années de recherches encadrées par Philippe Lefèvre et Jean-Louis Thonnard, chercheurs UCLouvain, respectivement en sciences de l’ingénieur et sciences de la motricité. Leur projet, au top 3 des recherches spatiales prioritaires au niveau international (financé par l’agence spatiale européenne), vise à étudier le contrôle du mouvement par le cerveau.
L’intérêt ? Nous manipulons des objets au quotidien. Pour y parvenir, notre cerveau coordonne nos mouvements, anticipe les situations et s’adapte à son environnement. Un contrôle de la manipulation qui s’apprend entre 0 et 8 ans. Le principal apprentissage ? Contrer la force de charge due à la gravité et à l’inertie en exerçant une pression sur les objets. Cette pression ou force de serrage empêche l’objet manipulé de tomber. Les objectifs des chercheurs ? Comprendre le rôle joué par la gravité sur la préhension des objets, sur terre. Et, ensuite, analyser la façon dont on apprend à manipuler les objets dans un environnement privé de gravité ressentie (les astronautes).
En 2017, l’astronaute Thomas Pesquet installait l’équipement de recherche UCLouvain à bord de la Station Spatiale Internationale (ISS), permettant de faire un bond en avant.
Entre 2018 et 2023, 11 astronautes (dont Thomas Pesquet) ont ainsi testé l’équipement UCLouvain en orbite, puis de retour sur Terre après six mois de mission. L’objectif était d’analyser les capacités du cerveau à la réadaptation motrice en gravité terrestre.
Les résultats UCLouvain ont révélé un phénomène surprenant : lorsqu’ils et elles avaient les yeux fermés, les astronautes en impesanteur (1) déviaient systématiquement de leur trajectoire lorsqu’ils bougeaient la main. Ce phénomène était présent quelle que soit la posture du corps et l'orientation du mouvement dans l'ISS alors que sur Terre, ce biais du mouvement n'était présent que pour une seule posture du corps et une orientation particulière du geste de la main. Les scientifiques UCLouvain ont ainsi proposé l’hypothèse du "pendule inversé", selon laquelle notre cerveau utilise la gravité comme repère pour coordonner les mouvements des yeux et des mains sur Terre. En l’absence de gravité ressentie, cette coordination est perturbée dans l'espace.
Ces découvertes, en plus de préparer les futures missions d’exploration sur Mars, où la manipulation d’objets est une question de survie, ouvrent également la voie à des avancées médicales majeures liées au rôle de la gravité pour notre orientation spatiale. En particulier, pour les patient·es atteint·es de traumatismes cérébrovasculaires. Comme l’explique Philippe Lefèvre, « la rééducation après un AVC implique des mécanismes cérébraux liés à l’apprentissage de la dextérité, et ces recherches UCLouvain pourraient aboutir à des thérapies plus efficaces. De plus, elles contribuent au développement de prothèses orthopédiques avancées, permettant aux patients de retrouver leur autonomie dans les gestes du quotidien, comme se servir une tasse de café. »
Grâce à l’aboutissement de cette recherche pionnière, dont les conclusions sont publiées aujourd’hui dans la revue scientifique Journal of Neuroscience, l’UCLouvain repousse les frontières de la compréhension du mouvement humain, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles technologies pour les astronautes et à des innovations médicales pour améliorer la qualité de vie de nombreux patient·es. Une spin-off de l’UCLouvain, Arsalis, a d’ailleurs vu le jour en ce sens (2005).
(1) Le terme impesanteur (absence de RESSENTI de la force gravitationnelle de la Terre) est identique à l’apesanteur mais est utilisé préférentiellement afin d’éviter la confusion à l’oral avec la pesanteur.