Un jardin comme métaphore
Quelques années après notre emménagement au centre de Tournai, la cour restait livrée à elle-même. Son rôle d’articuler les bâtiments hétéroclites, tant du point de vue patrimonial que fonctionnel, était résumé à sa traversée. Après quelques tentatives avortées pour définir un lieu, nous avons fait appel à Frédéric Delessalle, paysagiste que nous connaissions déjà pour son Jardin du Lansau.
L’idée était de nous engager dans la réalisation d’un projet simple et peu coûteux qui transformerait le génie du lieu.
... Ce jardin est une hypothèse pour produire du vivant et a été imaginé pour y sensibiliser les étudiants et étudiantes en architecture sous la forme d’un workshop réalisé durant l’hiver 2021- 2022.
Le jardin c’est la plus petite parcelle du monde et puis c’est la totalité du monde » disait Michel Foucault. Ici, il a été conçu comme une métaphore de la planète, sa trame est simple mais il devrait produire plus qu’il n’a coûté à la planète.
Partant de ce terrain ingrat, une trame de saules blancs taillés en têtards va accueillir dès l’entrée les visiteurs, apporter fraîcheur et ombrage, tramer le ciel de branches, créer des porosités dans cette cour fermée, filtrer l’horizon pour y échapper, faire venir les ombres animer les sols des bâtiments et les feuilles faseiller sur les rideaux. Le matériau formé par la taille des branches et la fauche accueillera la macro-faune qui ne devrait pas manquer à arriver si nous avons créé le bon milieu.
Un nivellement léger crée du paysage et ces collines formées de matériaux de récupération divers forment des biotopes, plus ou moins secs ou plus ou moins basiques, ensemencés de graines de plantes qui y pousseront et se sélectionneront elles-mêmes selon la stabilité et la nature du milieu.
Nous avons créé le milieu, il ne nous reste plus qu’à attendre et surtout observer les transformations.
Si nous avons créé de bons milieux, stables, avec une gestion attentive, le vivant arrivera en cortège. D’abord les floraisons qui attireront les insectes, qui amèneront les oiseaux, qui pourront nicher dans les saules, tout ce monde enrichissant le site de leur passage en y semant des graines étrangères au jardin ce qui devrait attirer de nouvelles espèces d’insectes etc.
Et enfin, comme une métaphore de notre planète, si nous prenons garde à ce qui a été semé et apprenons à regarder où marcher, si l’entretien est respectueux du vivant et que nous profitons de ce jardin sans nous en rassasier par une exploration envahissante qui le détruirait, que nous essayons d’apporter des réponses aux questions qu’il nous posera immanquablement, alors nous aurons le jardin que nous méritons, comme la métaphore de la planète que nous méritons.
Frédéric Delesalle mai 2022
Merci à Alice, Brandon, Corentin, Joaquin, Lilou, Louis, Simon, Tybo, Victor et les autres. Merci aussi à celles et ceux qui poursuivent l’objectif commun : éduquer et emmener les gens qui pratiquent ce monde (le jardin) dans une forme d’échange.
Catherine Vanhamme
Vice-doyenne LOCI Tournai de 2017 à 2023
Film retraçant le workshop