C.J.U.E., 12 janvier 2023, Migracijos departamentas (Motifs de persécution fondés sur des opinions politiques), C-280/21, EU:C:2023:13

Louvain-La-Neuve

La Cour de justice élargit la définition des « opinions politiques » comme motif de persécution. Ester en justice pour des intérêts patrimoniaux contre des acteurs non étatiques qui instrumentalisent l’appareil répressif peut être un motif d’octroi de la protection internationale

Conditions pour pouvoir bénéficier du statut de réfugié – Directive 2011/95/UE – Article 10, § 1, e), et § 2 – Motifs de la persécution – Définition des notions d’« opinions politiques » et d’« opinions politiques attribuées » – Tentatives d’un demandeur d’asile de se défendre, dans son pays d’origine, par des moyens légaux contre des acteurs non étatiques agissant illégalement et à même d’instrumentaliser l’appareil répressif de l’État concerné.

La notion d’« opinions politiques » contenue dans la directive 2011/95 (qualification) en son article 10, § 1, e), et § 2 reprend les tentatives de défendre des intérêts patrimoniaux par des moyens légaux contre des acteurs non étatiques agissant illégalement et ayant des liens avec l’appareil étatique qui sont à même de leur permettre d’instrumentaliser ses moyens répressifs au détriment du candidat réfugié. La Cour de justice précise et élargit donc par cette décision la notion « d’opinions politiques » faisant partie des cinq motifs de persécution dans la Convention de Genève, à la lumière de directive qualification.

Halim Ben Abdelaziz
Diplômé du master de spécialisation en droit international, UCLouvain.

A. Décision

La décision analysée est un arrêt de la C.J.U.E. répondant à une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE introduite par la Cour administrative suprême de Lituanie. Le demandeur de protection internationale, P.I., a poursuivi devant les tribunaux civils de son pays d’origine (un État tiers à l’Union) une personne liée aux sphères du pouvoir de cet État parce que cette dernière n’avait pas exécuté un contrat. Avant même qu’il ne dépose sa requête devant les tribunaux civils, une procédure pénale a été entamée contre lui, puis suspendue. Une fois que le demandeur a lancé sa procédure au civil, les poursuites pénales ont été réactivées et ont entraîné des ordonnances de détention préventive et d’inculpation à son encontre. Cette procédure a été considérée par les autorités lituaniennes devant statuer sur la demande de protection, comme plausiblement utilisée à des fins d’intimidation, puis de représailles envers le demandeur. Toutefois, il a été jugé que cela ne pouvait pas être rattaché à l’un des cinq motifs de persécution de la Convention de Genève, repris dans la directive qualification. Le demandeur a poursuivi des recours jusqu’à la Cour administrative suprême de Lituanie. Celle-ci, reconnaissant, à l’instar de la juridiction de première instance et des autorités administratives lituaniennes, la plausibilité du caractère artificiel des poursuites intentées contre le demandeur par les autorités de son pays d’origine et constatant la cohérence de ses affirmations, a décidé de surseoir à statuer et de poser une question préjudicielle à la C.J.U.E.

La question posée par la Cour suprême lituanienne (reproduite au § 18 de l’arrêt C.J.U.E.) était la suivante :

« La résistance opposée à un groupe influent en raison de liens de corruption et agissant illégalement, qui opprime un demandeur d’asile au moyen de l’appareil d’État et contre lequel il est impossible de se défendre légalement en raison de la corruption qui est répandue dans le pays concerné, équivaut-elle à des opinions politiques attribuées au demandeur (en [langue anglaise] “attributed political opinion”), au sens de l’article 10 de la [directive 2011/95] ? »

La Cour de justice reformule cette dernière question en se demandant si la notion « d’opinions politiques » contenue dans la directive 2011/95 reprend les tentatives de défendre des intérêts patrimoniaux par des moyens légaux contre des acteurs non étatiques agissant illégalement et ayant des liens avec l’appareil étatique étant à même de leur permettre d’instrumentaliser ses moyens répressifs au détriment du candidat réfugié (§ 19).

La Cour répond clairement ici par l’affirmative (§ 40). Avant d’arriver à cette conclusion, la Cour va décrire en détail son raisonnement par étapes.

La Cour va d’abord faire le catalogue des dispositions de droit international et européen applicables, non seulement en faisant référence à la pierre angulaire du droit des réfugiés qu’est la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés ou à la directive qualification 2011/95 mais aussi à d’autres sources de droit. La Cour prend, et c’est précieux, le temps de faire la liste et de reproduire l’ensemble des dispositions qu’elle va utiliser. Elle reproduit aussi les parties du droit lituanien transposant la directive 2011/95 (§§ 3-12).

Ensuite, la Cour va logiquement rappeler le contexte de l’affaire (§§ 13-18) pour ensuite souligner, en rappelant sa jurisprudence sur ce sujet, que la directive doit être interprétée d’après sa finalité, dans le respect non seulement de la Convention de Genève mais également des droits reconnus par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (§ 21).

La Cour se concentre sur la question qui lui est posée, c’est-à-dire l’étendue de la notion « d’opinions politiques ». Elle rappelle à cette occasion, et c’est primordial pour comprendre la décision, qu’il n’est pas important que ces opinions politiques soient celles du candidat réfugié mais bien qu’elles soient attribuées à celui-ci par l’acteur des persécutions (§ 25). La notion, indique la Cour, doit être interprétée de manière large (§ 26) en concordance avec les autres textes internationaux pertinents. Ce faisant, la Cour cite non seulement des textes qui la lient directement, tel que la Convention de Genève sur les réfugiés ou la directive 2011/95, mais également sa jurisprudence concernant l’interprétation de la Charte des droits fondamentaux. Charte à la lumière de laquelle les articles de la directive 2011/95 doivent être, d’après la Cour de justice, interprétés (§§ 27-32). D’autre part, la Cour rappelle que l’interprétation large de la notion « d’opinions politiques » peut inclure des actes et opinions qui ne sont en eux-mêmes pas directement politiques mais qui peuvent être interprétés et labelisés par les auteurs des persécutions, selon le contexte du pays d’origine du demandeur, comme l’expression d’opinions à caractère politique (§§ 33-35). La Cour cite sa propre jurisprudence qui a déjà par le passé fait une application très large de la notion d’opinions politiques (§ 36), y compris le simple fait de lancer une procédure devant une cour internationale[1].

Sur la base de cela, et c’est là le cœur de cette décision, la Cour élargit la notion d’opinions politiques au fait de défendre ses intérêts devant la justice contre des acteurs non étatiques qui ont des liens avec l’appareil répressif et qui peuvent par la corruption mobiliser ce dernier au détriment du demandeur, même pour des matières économiques ou patrimoniales (§ 37).

La Cour renforce cette décision par quelques rappels utiles. D’une part, chaque situation doit être évaluée individuellement, la directive 2011/95 précitée indiquant dans son article 4, § 3, que l’examen du statut de réfugié doit se faire de manière individualisée (§ 38). La Cour rappelle d’autre part le fait qu’il peut être particulièrement difficile de prouver directement le lien entre le traitement subi ou craint et les actes ou omissions du demandeur. La Cour rappelle également que l’autorité de l’État membre recevant la demande d’asile se doit d’évaluer le caractère plausible des opinions politiques attribuées au demandeur par les acteurs des persécutions. Cela reprend la problématique, classique et prise en compte par la directive 2011/95[2], de la preuve que doit apporter un candidat réfugié quant au risque de survenance des persécutions dont il se perçoit la cible (§ 39).

La Cour conclut en son dispositif (§ 40) que :

« l’article 10, paragraphe 1, sous e), et paragraphe 2, de la directive 2011/95 doit être interprété en ce sens que la notion d’ʺopinions politiquesʺ recouvre les tentatives d’un demandeur de protection internationale, au sens de l’article 2, sous h) et i), de cette directive, de défendre ses intérêts patrimoniaux et économiques personnels par des moyens légaux contre des acteurs non étatiques agissant illégalement, lorsque ceux-ci, en raison des liens qu’ils entretiennent avec l’État concerné par la corruption, sont à même d’instrumentaliser l’appareil répressif de celui-ci au détriment de ce demandeur, dans la mesure où ces tentatives sont perçues par les acteurs des persécutions comme une opposition ou une résistance dans un domaine lié à ces acteurs ou à leurs politiques et/ou à leurs méthodes. »

B.  Éclairage

L’article 2 de la directive 2011/95 précise sous le point d) que la notion de réfugié recouvre « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social […] ». Les cinq motifs de persécution repris dans la directive sont, du reste, également présents dans la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés en son article 1er, alinéa 2. Il est donc primordial de définir ce que recoupent ces motifs de persécution et notamment ici la notion d’opinions politiques. La question préjudicielle posée est par conséquent une question d’importance dont la réponse entraînera des répercussions sur l’ensemble du droit d’asile dans l’UE.

Cela étant acté, il convient de rappeler qu’il a été dit à propos de la directive « qualification » qu’elle promouvait « le plus petit dénominateur commun »[3]. La C.J.U.E. eut à en préciser par le passé les contours. La Cour a effectué cette opération avec une certaine autonomie par rapport à ce qui, d’après l’article 78 TFUE, devrait être la pierre angulaire de la politique d’asile, c’est-à-dire la Convention de Genève de 1951. Si la directive 2011/95 s’en écarte partiellement et peut expliquer en partie cette autonomie, il est possible de se demander, au regard de la jurisprudence de la Cour, si la position de cette dernière n’est pas quelque peu motivée, au moins dans une partie de ses décisions, par le souci de créer et préserver un ordre juridique particulier plutôt que d’assurer l’esprit de la directive, à savoir le souci de protection[4]. Qu’en est-il ici ?

1. Le raisonnement de la Cour : le large spectre de la notion d’opinions politiques

Dans le cadre restreint de la question préjudicielle posée en l’espèce, le poids institutionnel pesant sur le droit des étrangers de l’UE n’a, semble-t-il, pas joué de rôle significatif. Cela se comprend à la lumière de la jurisprudence passée de la Cour. En effet, dans ce processus de construction et de précision du contenu de la directive 2011/95, la Cour, à l’instar d’autres institutions judiciaires[5], a donné une interprétation large de la notion d’« opinions politiques ». À cet égard, il est intéressant de constater que dans cet arrêt, comme dans d’autres[6], la C.J.U.E. s’inspire de ce qui se fait ailleurs. Ce phénomène d’inspiration mutuelle, parfois qualifié de fertilisation croisée, entre ordres juridiques dans le domaine des droits humains n’est pas nouveau. S’il est très visible dans la jurisprudence au niveau mondial[7], son impact dépasse cette dernière, influençant ou inspirant différentes législations. Pour rappel, le paragraphe 2 de l’article 10 de la directive 2011/95 codifie ce qui fut décidé dans la jurisprudence Ward de la Cour suprême du Canada en 1993[8].

Néanmoins, intégrer dans la notion de persécution un différend d’ordre économique entre des particuliers dont certains instrumentalisent l’État serait-il à même de distordre une telle notion d’opinions politiques au point qu’elle ne soit plus reconnaissable ? Ceci d’autant plus que l’État, dans ce cas de figure, persécute le demandeur parce qu’il est commandité pour le faire, et que le commanditaire non étatique est motivé par des intérêts économiques plutôt que politiques. Certains commentateurs de la décision n’ont pas hésité à qualifier ce jugement d’un ajout dans la « saga des opinions politiques attribuées »[9].

Ce serait oublier que ce ne sont pas tant les opinions politiques du demandeur ou d’un commanditaire qui doivent être prises en compte mais bien la caractéristique attribuée au persécuté par le persécuteur réel (ici l’État tiers) qui compte. C’est ici le pivot central qui permet de comprendre la décision de la Cour. La Cour ne s’intéresse pas à la cause qui a fait que l’acteur des persécutions, celui qui les réalise concrètement, a labellisé le demandeur comme dissident, porteur d’opinions politiques qui justifieraient en son chef une action de persécution mais bien au fait que l’acteur des persécutions a identifié le demandeur comme ayant la caractéristique justifiant une persécution. La Cour ne fait ici que respecter le texte de la directive 2011/95. Ce qu’elle rappelle dans la décision : « En outre, conformément au paragraphe 2 de cet article 10, il est indifférent que le demandeur possède effectivement la caractéristique liée aux opinions politiques à l’origine de la persécution, pour autant que l’acteur des persécutions lui attribue une telle caractéristique » (§ 25). Peu importe donc la raison pour laquelle ce dernier attribue cette caractéristique.

D’autre part, le lien entre la persécution à l’un des cinq motifs permettant de demander la protection internationale doit exister mais en tant que facteur de rattachement à la persécution. Il ne faut donc pas nécessairement qu’il soit le facteur unique ou même le facteur déterminant dans la persécution mais bien un facteur contributif à la persécution. La Cour ne fait ici que respecter ce qui se trouve, laconiquement il est vrai, dans la directive 2011/95 en son article 9, § 3[10].

Les éléments rappelés par la Cour dans les points 38 et 39 de sa décision, c’est-à-dire la prise en compte individualisée de la situation du demandeur et les spécificités de la problématique de la preuve que ce dernier doit apporter sont quant à eux prévus et délimités dans le texte de cette directive 2011/95. Ce rappel n’est donc pas surprenant et est probablement ici repris dans un souci de rendre la décision complète, cohérente avec le reste de la jurisprudence et ne pas permettre, par une omission, une interprétation divergente de la portée de l’arrêt.

2. En filigrane, la question de la lutte contre la corruption

En sus, pour aller au-delà du raisonnement de la Cour, l’État tiers est certes dans le cas d’espèce prima facie un « exécutant » d’un entrepreneur qui, parce qu’il a des liens avec le pouvoir et les services de renseignement, lui demande de persécuter le demandeur parce que celui-ci lance à son encontre une procédure au civil. Cependant, il est possible légitimement, dans un cadre plus large de question préjudicielle, qui va avoir des conséquences concrètes sur l’ensemble de l’application du droit d’asile dans l’UE, de se demander si dans de tels régimes, qui fonctionnent par relations interpersonnelles et sont souvent régis par la nécessité de devoir prouver sa loyauté au « leader » par des actes réguliers, on ne va pas chercher à favoriser ceux qui lui prouvent leur fidélité en réprimant les sujets qui ne le font pas. En bref, « si tu ne fais pas comme mes amis, tu es automatiquement un ennemi ou au moins un suspect ». Dans un tel cas de figure, le demandeur n’aurait même pas à être en conflit avec l’un des favoris du pouvoir mais, simplement, ne pas donner suffisamment de gages de sa loyauté. Ce raisonnement n’est pas le raisonnement exprimé par la Cour dans le présent arrêt mais aurait pu l’être. Il ressemble fort à ce que l’on pouvait trouver, déjà en 1979, dans un arrêt de la Cour d’appel fédérale du Canada : Astudillo c. Canada (M.E.I)[11]. Il est intéressant de constater que dans ses conclusions, l’avocat général, recommandant de répondre par l’affirmative à la question préjudicielle, développe un raisonnement se rapprochant de cette idée étendant le champ des « opinions politiques » aux gages insuffisants de loyauté. D’après l’avocat général, le simple fait de ne pas participer à un système de corruption généralisé sur lequel s’appuie le pouvoir en place dans l’État du demandeur pourrait être suffisant pour être labélisé comme « dissident ». Ce serait au juge d’apprécier, selon le cas d’espèce, le caractère plausible des opinions politiques attribuées[12].

Si la Cour n’a pas repris à son compte les réflexions de l’avocat général, elle n’évacue pas la question de la lutte contre la corruption pouvant entrer dans la notion « d’opinions politiques ». La Cour, rappelant une décision de la Cour européenne des droits de l’homme[13] qu’elle estime pertinente pour l’interprétation de la Charte et donc par extension de la directive 2011/95, fait ce constat : « la corruption dans le cadre de la gestion des affaires publiques constitue un sujet d’intérêt général et […] sa discussion contribue au débat politique », cela « corrobore l’interprétation large qu’il convient de retenir de la notion d’ʺopinions politiquesʺ » (§§ 31 et 32 de l’arrêt étudié). Par conséquent, pour la Cour, la lutte contre la corruption fait partie du spectre de la notion « d’opinions politiques » comme motif permettant de demander la protection internationale sous la directive. Pour autant, la Cour n’en définit pas les contours précis.

3. Conclusion

Par cette décision, l’autonomie du droit européen dans la continuité des pratiques internationales est réaffirmée, en concordance avec l’objectif de protection. Cela s’inscrit dans le mouvement d’interprétation évolutive des motifs de persécution, inscrits en 1951 dans la Convention de Genève, en adaptant la protection internationale aux réalités actuelles[14].

Cela révèle aussi les difficultés d’application de la directive qualification, avec le risque, comme pour d’autres pans de la politique migratoire européenne, d’« incohérences persistantes, qui compliquent l’émergence d’une approche juridique fiable et prédictible dans l’interprétation du droit dérivé concernant la migration »[15] qui « échoue souvent […] à fournir aux juridictions nationales des critères transparents pour l’application du droit européen de la migration »[16].

D’autre part, à côté de ce problème de cohérence, il y a aussi, même si ce n’est pas le cas en l’espèce, un certain poids institutionnel qui, dans d’autres affaires, conduit le juge européen à protéger son ordre juridique[17].

Enfin, l’ensemble du corpus européen du droit d’asile et des migrations devient d’une technicisation poussée accentué, au niveau politique, dans son application ou sa réforme[18].

Suite aux divers déboires de la crise migratoire de 2015, la Commission européenne a soumis, par une communication, une proposition de nouveau pacte sur la migration et l’asile visant à fournir un cadre légal européen durable, correctement ordonné, qui devrait, en principe, apporter « sécurité juridique », « conditions décentes » aux arrivants, « gestion efficace et humaine »[19]. « En principe », pour autant que l’accès à la protection internationale demeure possible. On peut espérer que dans les discussions qui sont toujours en cours et qui sont probablement difficiles, l’UE ne sacrifie pas ses valeurs originelles, apprises au prix de deux effroyables et sanglants conflits dont une des conséquences fut la Convention de Genève en 1951 et la création de la protection internationale. Il s’agit de valeurs que l’UE professe en mots mais qu’elle a bien du mal à appliquer concrètement dans certaines situations. Ces valeurs feront-elles le poids face au doux et tentateur appel de politiques « fermes mais humaines » cachant, à l’instar de celui des sirènes rencontrées par Ulysse dans son Odyssée, des intérêts moins avouables ?

C. Pour aller plus loin

Lire l’arrêt : C.J.U.E., 12 janvier 2023, P.I. c. Migracijos departamentas prie Lietuvos Respublikos vidaus reikalų ministerijos, C-280/21, EU:C:2023:13.

Jurisprudence :

Doctrine :

  • Barbou des Places, S., « Au-delà de la casuistique ? La part de la Cour de justice dans la construction du droit des migrations de l’Union européenne », Titre VII [en ligne], avril 2021, no 6 ;
  • Carlier, J.-Y. et Leboeuf, L., « Droit européen des migrations », J.D.E., 2019, pp. 114-130 ;
  • Carlier, J.-Y. et Sarolea, S., Droit des étrangers, Bruxelles, Larcier, 2016 ;
  • De Schutter, O., « The Formation of a Common Law of Human Rights », Human Rights Tectonics. Global Dynamics of Integration and Fragmentation, Cambridge, Intersentia, 2018, pp. 3-36 ;
  • Donald, J. et Vanheule, D., « Canada », in J.-Y. Carlier, D. Vanheule, K. Hullmann et C. Peña Galiano (dir.), Who is a Refugee ? A Comparative Case Law Study, La Haye, Kluwer Law International, 1997, pp. 165-224 ;
  • European Asylum Support Office, Conditions de la protection internationale (directive 2011/95/UE), Luxembourg, Bureau européen d’appui en matière d’asile, 2018 ;
  • Gribomont, H., « Reconnaissance automatique du statut de réfugié aux membres de la famille d’un réfugié reconnu » Cahiers de l’EDEM, janvier 2019 ;
  • Hathaway, J. et Foster, M., The Law of Refugee Status, 2e éd., Cambridge, Cambridge University Press, 2014 ;
  • Hathaway, J. et Foster, M., The Law of Refugee Status, 1re éd., Toronto, Butterworths, 1991 ;
  • Lopez-Esquitino, C., « Another addition to the ‘’attributed political opinion saga’’ : the role of corruption in the country of origin of an applicant for refugee status (P.I. C-280/21) », EU Law Live, 25 janvier 2023 ;
  • D. Thym, « A bird’s Eye View on ECJ Judgment on Immigration, Asylum and Border Control Cases », European Journal of Migration and Law, 2019, vol. 21, pp. 166-193 ;
  • Tissier-Raffin, M., « L’interprétation renouvelée des motifs de persécution : bilan critique », AFRI, 2021, vol. XXII, pp.155-173 ;
  • Wood, T., « The international and regional refugee definitions compared », in C. Costello, M. Foster et J. McAdam (dir.), The Oxford Handbook of international refugee law, New York, Oxford University Press, 2021, pp. 625-642.

Autres :

 

Pour citer cette note : H. Ben Abdelaziz, « La Cour de Justice élargit la définition des “opinions politiques” comme motif de persécution. Ester en justice pour des intérêts patrimoniaux contre des acteurs non étatiques qui instrumentalisent l’appareil répressif peut être un motif d’octroi de la protection internationale », Cahiers de l’EDEM, octobre 2023.

 

[1] La C.J.U.E. a en effet considéré qu’une participation à une procédure devant la Cour européenne des droits de l’homme pour faire reconnaître un manquement pouvait être un motif de persécution au titre d’opinions politiques perçues dans le chef d’un régime étranger comme un acte de dissidence. Voy. C.J.U.E., 4 octobre 2018, Ahmedbekova c. Zamestnik-predsedatel na Darzhavna agentsia za bezhantsite, C-652/16, EU:C:2018:801, §§ 84-90. Pour l’éclairage sur cette décision des Cahiers de l’EDEM, voy. H. Gribomont, « Reconnaissance automatique du statut de réfugié aux membres de la famille d’un réfugié reconnu », Cahiers de l’EDEM, janvier 2019.

[2] La directive 2011/95 aborde spécifiquement ce sujet dans son article 3, § 5. Le H.C.R., quand il s’agit d’interpréter la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés, ne dit pas autre chose. Voy. H.C.R., Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié et principes directeurs sur la protection internationale, Genève, UNHCR, février 2019, nos 80-86.

[5] La C.J.U.E. n’est pas seule à interpréter la notion d’opinions politiques de manière large et ce n’est pas une idée nouvelle. Voy. par exemple, cette décision du tribunal d’asile et d’immigration du Royaume-Uni, U.K.I.A.T., 24 novembre 2000, Gomez (Non-state actors : Acero-Garces disapproved) (Colombia), [2000] UKIAT 00007, § 30.

[6] C.J.U.E. (G.C.), 26 avril 2022, République de Pologne c. Parlement européen et Conseil de l’Union européenne, C-401/19, EU:C:2022:297, §§ 44-46 ; C.J.U.E., 23 mai 2019, Mohammed Bilali c. Bundesamt für Fremdenwesen und Asyl, C-720/17, EU:C:2019:448, § 57 ; C.J.U.E., 30 mai 2013, Zuheyr Frayeh Halaf c. Darzhavna agentsia za bezhantsite pri Ministerskia savet, C-528/11, EU:C:2013:342, § 44.

[8] Voy. Cour suprême du Canada, 30 juin 1993, Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 RCS 689.

[10] Voy. European Asylum Support Office, Conditions de la protection internationale (directive 2011/95/UE), Luxembourg, Bureau européen d’appui en matière d’asile, 2018, p. 47.

[12] Av. gén. J.R. De La Tour concl. préc. C.J.U.E., 12 janvier 2023, P.I. c. Migracijos departamentas prie Lietuvos Respublikos vidaus reikalų ministerijos, C-280/21, EU:C:2022:506, §§ 53-61 pour le développement du raisonnement et notes 21, 23, 24 pour la doctrine et la jurisprudence sur lequel s’appuie ce dernier. En sus, voy. J. Hathaway et M. Foster, The Law of Refugee Status, 2e éd., Cambridge, Cambridge University Press, 2014, pp. 415-419 pour des développements à propos du sujet de la résistance à corruption comme opinions politiques attribuées. On peut encore trouver la reconnaissance du refus de participer à un système de corruption généralisée comme pouvant être perçue au titre des opinions politiques à même de déclencher une persécution, dans la jurisprudence australienne : Federal Court of Australia, 23 août 2000, Zheng v. Minister for Immigration & Multicultural Affair, [2000] FCA 670, § 32 : « Thus, exposure of corruption in circumstances where it so permeates government as to become part of its very fabric can quite easily lead to a fear that the exposure, of itself, may be imputed to be an act of opposition to the machinery, authority or governance of the state. Likewise, refusal to participate in a corrupt state system can also be seen as an expression or manifestation of political opinion as the refusal to participate may be imputed by the authorities to be a challenge to the machinery, authority or governance of the state. »

[14] Voy. pour une analyse doctrinale du phénomène, M. Tissier-Raffin, « L’interprétation renouvelée des motifs de persécution : bilan critique », AFRI, 2021, vol. XXII, pp. 155-173.

[15] Voy. D. Thym, « A bird’s Eye View on ECJ Judgment on Immigration, Asylum and Border Control Cases », European Journal of Migration and Law, 2019, vol. 21, p. 166. Traduction de l’auteur.

[16] Ibidem., p. 193.

[17] Voy. S. Barbou Des Places, op. cit., p. 4 à 6 pour une analyse de cette orthodoxie institutionnelle qui influence le juge européen dans les litiges concernant le droit des étrangers.

[18] Pour la technicisation voy. J.Y. Carlier, L. Leboeuf, « Droit européen des migrations », J.D.E., 2019, p.114.

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Publié le 10 novembre 2023