France : Cour nationale du droit d’asile, 15 juin 2021, n° 20029676

Louvain-La-Neuve

L’alternative de protection interne en question.

Protection internationale – Situation de violence aveugle – Asile dans son pays d’origine – Conditions d’existence normales et pérennes – Coopération

En France (tout comme en Belgique), aux termes de l’article L. 513-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la demande de protection internationale d’une personne qui aurait accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine peut être rejetée. Cette possibilité est soumise à une triple condition : un accès sécurisé et légal à une partie substantielle du territoire du pays d’origine, une possibilité de s’y installer sans raison fondée de craindre d’y être persécuté ou d’y être exposé à une atteinte grave, et une possibilité d’y mener une existence normale, y compris au regard de sa situation personnelle. Dans l’arrêt commenté, l’interprétation de ces conditions par la Cour est plutôt généreuse. Cependant, les critères de détermination de l’ « existence normale » sont moins affermis, faisant craindre des décisions qui aillent en sens inverse à l’avenir. Une évaluation globale, holistique et sur une certaine durée de ces critères, couplée à une coopération migratoire respectueuse de l’autonomie des personnes, avec les autorités du pays d’origine, permettrait de renforcer, lorsqu’il y a lieu, la réinstallation durable du demandeur par la prise en compte de ses besoins spécifiques de protection.

Alfred Ombeni Musimwa

 

A. Arrêt

La Cour nationale française du droit d’asile (ci-après, la Cour) a rendu un arrêt dans l’affaire opposant un ressortissant malien, demandeur d’asile en France, contre l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (ci-après, OFPRA). Avant de s’intéresser sur les enseignements de cet arrêt (B), le présent commentaire résume les faits de la cause (1), la requête du demandeur (2), le mémoire en défense de l’OFPRA (3) et la décision de la Cour (4).

1. Résumé des faits

Cette affaire concerne Monsieur M. S. (ci-après, le requérant), ressortissant malien, né le 31 décembre 1979. Le requérant est un éleveur, de l’ethnie peule et originaire du village de Saberlotte, en région de Mopti, au centre du Mali. Cette région connait un conflit armé et interethnique entre les membres de l’ethnie dogon, traditionnellement des agriculteurs, et ceux de l’ethnie peule, traditionnellement des pasteurs transhumants.

En 2017, deux frères du requérant sont assassinés par les membres de l’ethnie dogon et ces derniers s’en prennent à leur troupeau. Son père qui tente d’obtenir l’intervention du chef de village est lui aussi assassiné. Sa sœur qui porta plainte est également assassinée. Absent au moment des faits, le requérant est recueilli par des voisins qui l’empêchent de se rendre sur les lieux du meurtre en raison des risques de représailles à son encontre (par. 4 et 6).

En novembre 2017, à la suite d’une crainte pour sa sécurité, le requérant quitte son village avec sa mère, sa femme et ses enfants. Il traverse le Sénégal, le Burkina Faso, le Niger, la Libye et l’Italie, pour arriver en France le 15 octobre 2018 où il introduit une demande d’asile.

Le 30 mars 2020, l’OFPRA, par le biais de son directeur général, rejette la demande d’asile du requérant. Ce dernier saisit la Cour par un recours du 17 septembre 2020 et un mémoire enregistré le 15 mars 2021.

2. Teneur du recours

Le requérant demande à la Cour d’annuler la décision de rejet de sa demande d’asile rendue par l’OFPRA et de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire, au cas où la Cour ne lui reconnaîtrait pas la qualité de réfugié. À cet effet, il soutient qu’en cas de retour dans son pays, il craint d’être persécuté ou d’être victime d’atteinte grave, du fait de membres de l’ethnie rivale et du conflit armé qui sévit dans sa région d’origine, sans pouvoir bénéficier de la protection effective des autorités de son pays.

En outre, il relève que la jurisprudence du Conseil constitutionnel français enseigne qu’on ne peut opposer à un demandeur de protection internationale, une protection alternative, c’est-à-dire, sur une partie du territoire de son pays d’origine, qu’à condition qu’il s’agisse d’une partie substantielle à laquelle il peut accéder en toute sécurité, s’y établir et y mener une vie normale. Il conclut en estimant que la Cour ne saurait lui opposer une réinstallation à Bamako (capitale du Mali) au regard de la dégradation de la situation sécuritaire, de la suspension des institutions à la suite du coup d’État militaire du 19 août 2020, et qu’il serait de plus dans l’impossibilité d’y exercer ses activités de berger.

3. Teneur de la défense de l’OFPRA

Par son mémoire en défense du 18 mars 2021, l’OFPRA demande à la Cour de rejeter le recours introduit par le requérant. Il soutient que les moyens par lui soulevés manquent de fondement. En substance, l’OFPRA relève les imprécisions dans le récit du requérant quant aux circonstances des meurtres des membres de sa famille. Il réfute en outre la présence du requérant dans la région de Mopti en 2017 en raison de ses déclarations sommaires et approximatives sur la situation de cette région. Enfin, l’OFPRA demande à la Cour que, dans l’hypothèse où elle ferait droit à la demande du requérant fondée sur sa crainte de persécution ou d’atteinte grave en cas de retour au Mali, une protection dans une ou plusieurs zones à l’intérieur de son pays d’origine (notamment dans le district de Bamako ou dans la région de Kayes) soit examinée. 

4. Décision de la Cour

Dans cette affaire, la Cour était appelée à se prononcer sur la demande d’asile du requérant et la possibilité d’une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine.

  • Sur la demande d’asile du requérant

Dans sa délibération, la Cour suit l’OFPRA en estimant que les déclarations du requérant sont très peu personnalisées, sommaires, voire confuses sur les circonstances qui seraient à la base de son départ du Mali. Elle en déduit que pareilles déclarations et les pièces versées au dossier ne permettent ni d’établir les faits allégués ni de tenir pour fondées les craintes formulées, tant au regard de l’article 1.A.2 de la Convention de Genève de 1951, que des prescrits des 1° et 2° de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui consacrent les conditions d’octroi de la protection internationale, respectivement, la qualité de réfugié et la protection subsidiaire pour risque de peine de mort, de torture, des traitements inhumains ou dégradants. La Cour estime par contre que la situation dans sa région d’origine est une situation permettant le bénéfice de la protection subsidiaire sur pied du 3° de l’article L. 512-1 précité. Cette disposition reconnait ce bénéfice à une personne civile dont la vie est gravement menacée en raison d’une violence aveugle résultant d’une situation de conflit armé interne ou international.

Avant de tirer les conclusions de cette considération qui devrait entrainer l’octroi d’une protection subsidiaire au requérant, la Cour procède à l’examen d’office de la possibilité d’un asile interne au Mali, en dehors de la région d’origine du requérant.

  • Sur la possibilité d’une protection sur une partie du territoire du pays d’origine du requérant

La Cour analyse la possibilité de protection interne au regard des dispositions de l’article L. 513-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui la consacre. Au terme de cette analyse, la Cour considère que le requérant ne pourra pas poursuivre une vie normale à Bamako, et ne peut se rendre en toute sécurité dans la région de Kayes. En conséquence, elle annule la décision de l’OFPRA et accorde au requérant le bénéfice de la protection subsidiaire.

B. Eclairage

Même si la protection interne ne figure pas dans la Convention de Genève de 1951, il y trouve son fondement juridique[1] et n’est pas contraire à celle-ci[2]. Par ailleurs, les Principes directeurs sur la protection internationale (ci-après, Principes directeurs) du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (ci-après, HCR) posent les normes internationales minimales relatives à la protection interne des personnes. Aux origines imprécises, la notion de « protection interne » se retrouve en 1979 dans le Guide des procédures et critères du HCR relatifs au statut des réfugiés (§ 91). Dès le milieu des années 1980, elle est développée dans la jurisprudence des États dits du Nord, dans l’optique d’explorer les possibilités légales de restreindre la portée et l’application de la Convention de Genève de 1951[3]. Ensuite, elle est reprise dans le droit d’asile européen et incorporée dans les droits nationaux, notamment français.

En France, la reconnaissance de la qualité de réfugié ou la protection subsidiaire est de la compétence de l’OFPRA. Les décisions relatives aux demandes d’asile rendues par l’OFPRA sont susceptibles de recours en premier et dernier ressort devant la Cour nationale du droit d’asile, statuant en qualité de juge de plein contentieux (articles L. 513-1 et L. 532-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile).

Dans l’arrêt commenté, la Cour examine les conditions relatives à l’alternative de protection interne (ci-après, API, ou asile interne selon l’arrêt commenté) qui constitue un des motifs de refus de la protection internationale (1). La question soulève une difficulté sérieuse amenant la Cour à se réunir en Grande formation. L’idée est que cette décision est une référence à suivre pour toute autre affaire soulevant la même question. L’arrêt commenté révèle que l’appréciation des conditions de l’API n’est pas aisée, en particulier en ce qui concerne les conditions d’existence normales (2). Bien que la Cour adopte dans cette affaire une interprétation plutôt généreuse, il y a lieu d’envisager une amélioration du mécanisme (3).

1. L’alternative de protection interne : un motif encadré de refus de la protection internationale

En droit français (tout comme en droit belge, article 48/5, §3 de la Loi relative aux étrangers), les autorités d’asile ont la possibilité de rejeter une demande de protection internationale, et de renvoyer le demandeur à trouver refuge ailleurs dans son pays d’origine. Cette possibilité est soumise à un certain nombre des conditions. Le siège de cette matière se trouve à l’article L. 513-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Aux termes de cet article qui transpose l’article 8 de la Directive qualification : « Peut être rejetée la demande d’asile d’une personne qui aurait accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine si cette personne n’a aucune raison de craindre d’y être persécutée ou d’y être exposée à une atteinte grave, si elle peut, légalement et en toute sécurité, se rendre vers cette partie du territoire et si l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elle s’y établisse. Il est tenu compte des conditions générales prévalant dans la partie du territoire concernée, de la situation personnelle du demandeur ainsi que de l’identité ou de la qualité de l’auteur de la persécution au moment où il est statué sur la demande d’asile. »

Ces dispositions visent les craintes de persécution ou d’exposition à des atteintes graves résultant de conflits qui ne couvrent pas l’ensemble du territoire du pays d’origine. La personne est encouragée –  sans y être obligée –  à rechercher asile sur une partie du territoire de son pays où ses droits fondamentaux seront protégés. En d’autres termes, la protection internationale est une protection de substitution qui n’intervient ou ne devrait intervenir qu’en l’absence de la protection nationale des droits humains[4].

La protection interne n’est envisagée par les autorités d’asile que lorsqu’il a déjà été établi que le demandeur de la protection internationale mérite une certaine forme de protection. « En effet, si le besoin de fuir n’existe pas, il n’y a pas besoin d’une alternative de protection. »[5]

Pour priver un demandeur d’une protection statutaire de Genève ou d’une protection internationale complémentaire (protection subsidiaire, protection subsidiaire-subsidiaire ou protection temporaire)[6] au motif qu’il existe une possibilité de protection dans son pays d’origine, les autorités d’asile doivent s’assurer que le demandeur peut accéder en toute sécurité sur une partie substantielle du territoire de son pays d’origine. Elles doivent désigner cette partie du territoire et démontrer que le demandeur peut s’y établir et y mener une vie normale (par. 15 de l’arrêt commenté). L’appréciation de ces éléments par les autorités d’asile peut s’avérer complexe et peu objective.

Dans le cas d’espèce, la Cour examine l’application des dispositions de l’article L. 513-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sous trois conditions : l’accessibilité de la partie du territoire envisagée, la possibilité de s’y installer et celle d’y mener une existence normale, y compris au regard de la situation personnelle du requérant.

Dans son appréciation, la Cour se fonde sur les informations actuelles et publiquement accessibles sur les deux zones de protection interne d’office envisagées : la région de Kayes et le district de Bamako. Pour la région de Kayes, l’inaccessibilité aérienne et ferroviaire et l’insécurité sur l’axe routier Bamako-Kayes conduisent la Cour à constater que le requérant ne peut s’y rendre en toute sécurité. En conséquence, la Cour juge que la région de Kayes ne constitue pas une zone d’asile interne au sens de l’article L. 513-5 du code précité. En revanche, la Cour constate que le district de Bamako demeure accessible en toute sécurité et que le requérant n’a pas de raison de craindre d’y subir à nouveau des persécutions ou des atteintes graves. Néanmoins, la Cour considère que le requérant ne pourra pas y mener une vie normale. L’appréciation par la Cour de ce dernier critère d’ « existence normale » nous intéresse particulièrement.

2. Les contours imprécis de l’appréciation des conditions d’existence normales

L’appréciation des conditions économiques et sociales est un critère essentiel dans la détermination du lieu de l’API[7]. Pour déterminer si le requérant pourra raisonnablement poursuivre une vie normale à Bamako, la Cour prend en compte un certain nombre d’éléments, allant de l’effectivité du respect des droits et libertés les plus fondamentaux, les conditions économiques et sociales, à la situation personnelle du requérant. Elle tient compte du fait que le requérant n’a pas de liens familiaux à Bamako et qu’il n’y exercera pas ses activités de berger. Elle en déduit une probabilité que le requérant serait amené à devoir s’installer dans un camp de personnes déplacées où les conditions de vie sont très dégradées. La Cour conclut que le requérant ne bénéficierait pas à Bamako des conditions d’existence normales et pérennes.

Même si l’interprétation de la Cour est plutôt généreuse, on peut s’interroger pour chacun de ces éléments sur le niveau requis pour atteindre les conditions d’existence normales et pérennes. Quel est le niveau requis d’effectivité du respect des droits humains ? Quels sont ces droits humains les plus fondamentaux ? Quels sont les critères d’appréciation des conditions économiques et sociales ? La Cour elle-même semble consciente de cette complexité sans y apporter une réponse claire. Elle note par exemple que « la simple diminution du niveau de vie ou la dégradation d’un statut économique ne peuvent suffire à écarter tout[e] possibilité d’asile interne » (par. 18). Cela n’éclaire pas (suffisamment) la lanterne de l’OFPRA et n’ancre pas l’interprétation large et concrète du contexte général d’autant que les fils rouges d’appréciation objective (et non abstraite ou formelle) des conditions d’existence normales ne sont pas dégagés.

Les Principes directeurs sont un peu plus détaillés sur la question, même s’ils ne vident pas toutes les interrogations. En effet, ils (§8 et §29-30) recommandent une approche globale, holistique et de très long terme des conditions (économiques et sociales) dans l’évaluation d’une API. Ils notent que les autorités d’asile, sur qui pèse la charge de la preuve, sont tenues à une évaluation de la situation qui s’inscrit dans la durée. Cela exige de prendre en compte les circonstances constitutives de la crainte de persécution ou d’atteinte grave à l’origine de la fuite, et de répondre à la question de savoir si la zone de protection interne envisagée constitue une alternative viable pour l’avenir. L’approche holistique du HCR semble inclure tous les droits humains dans l’examen de la zone envisagée, notamment le droit à un niveau de vie suffisant et le droit à la santé, dans leur acception en droit international des droits humains. Le paragraphe 29 de ces Principes directeurs souligne ainsi que « [s]i la situation est telle que le demandeur sera dans l’incapacité de gagner sa vie ou d’avoir accès à un logement, ou que les soins médicaux ne peuvent être dispensés ou sont notoirement insuffisants, la zone ne peut être considérée comme une possibilité raisonnable. » Pour le HCR et ce, contrairement à la Cour, il ne s’agit pas uniquement d’une effectivité du respect des droits et libertés les plus fondamentaux. Cela est en adéquation avec la conviction de la communauté juridique internationale selon laquelle tous les droits humains sont indivisibles et interdépendants (Préambule de la Déclaration des Nations unies sur le droit au développement).

3. La coopération migratoire, peut-elle renforcer l’alternative de protection interne ?

Les migrations internationales sont l’un des domaines majeurs où une coopération internationale ambitieuse et décoincée devrait permettre d’apporter des réponses véritablement communes, aux défis communs[8]. L’exemple de l’Ouganda et du Rwanda qui accueillent sur leur territoire les demandeurs d’asile afghans en est une des illustrations. Les personnes qui fuient les persécutions ou les atteintes graves sont avant tout à la recherche d’une protection appropriée. Le respect de leur autonomie commande qu’elles aient à choisir entre une fuite externe et une fuite interne[9].

En principe, la possibilité de la protection interne suppose que les persécutions ou les atteintes graves que fuit le demandeur d’asile n’émanent pas des autorités étatiques de son pays d’origine, et ne sont ni couvertes ni tolérées par elles. Le contraire conduirait à considérer que le demandeur risque des persécutions ou des atteintes graves sur l’ensemble du territoire de son pays d’origine (à moins que l’État ne contrôle qu’une partie du territoire ou que le risque de persécution ou d’atteinte grave n’émane d’une autorité étatique dont le pouvoir est circonscrit à une partie du territoire (par. 17 de l’arrêt commenté)).

Il est important de rappeler à ce niveau que les autorités d’asile n’évaluent la possibilité d’un asile interne que dans la mesure où le besoin de fuir a déjà été établi. Lorsque les conditions s’y prêtent (accès sécurisé à une partie substantielle du territoire du pays d’origine → possibilité de s’y installer sans raison fondée de craindre d’y être persécuté ou d’être exposé à une atteinte grave → possibilité d’y mener une existence normale), elles refusent d’accorder au demandeur cette protection à l’étranger en faveur d’une possible protection à l’intérieur de son pays d’origine.

La coopération avec l’État d’origine du demandeur est donc possible et peut s’avérer cruciale. En effet, l’idée de l’API suppose un certain retransfert des responsabilités en matière de protection des droits humains du requérant, de l’État étranger d’accueil à son État d’origine. Éviter le déni de protection d’un demandeur d’asile ayant fui son pays avec raison de craindre d’y être persécuté ou d’y être exposé à une atteinte grave, et garantir son autonomie de fuite interne ou externe, commanderaient qu’au-delà d’une appréciation générale du contexte, une assurance que l’État d’origine prendra en compte le besoin particulier de protection interne du demandeur, allant au-delà de la simple réinstallation de migrants retournés.

4. Conclusion

La protection internationale est une protection de substitution. La possibilité du rejet d’une demande d’asile au motif d’une possibilité de protection interne en est une illustration. Si les critères d’évaluation de l’accès sécurisé à une partie substantielle du territoire du pays d’origine, et de la possibilité de s’y installer sont clairement dégagés par la Cour, il en est moins en ce qui concerne les critères de détermination de la possibilité d’y mener une existence normale. Même si l’arrêt commenté est assez généreux dans ce cas, les incertitudes relatives aux droits fondamentaux à prendre en compte, au niveau d’effectivité de leur respect et aux critères d’appréciation des conditions économiques et sociales, y compris au regard de la situation personnelle du demandeur peuvent faire craindre des décisions qui aillent en sens inverse à l’avenir. Une évaluation globale, holistique et sur une certaine durée du respect des droits humains, des conditions économiques et sociales, de la situation personnelle du requérant et de l’existence de persécutions antérieures mérite d’être renforcée. Ce renforcement passerait également par l’établissement d’une coopération migratoire ambitieuse et respectueuse de l’autonomie des personnes avec les autorités du pays d’origine, chargées d’assurer, lorsque tel est le cas, la réinstallation durable du demandeur, en tenant compte de ses besoins spécifiques de protection qui l’ont poussé à chercher une protection internationale.

C. Pour aller plus loin

Lire l’arrêt : France : Cour nationale du droit d’asile, 15 juin 2021, M. S. c. Office français de protection des réfugiés et apatrides, N° 20029676.

Jurisprudence :

Conseil constitutionnel français, 4 décembre 2003, Décision n° 2003-485.

Doctrine :

C. Coenen et V. Klein, « Kaboul comme alternative de protection interne pour les personnes en besoin de protection subsidiaire », Nansen note 2-19, 2019.

J.-Y. Carlier et S. Sarolea, Droit des étrangers, Bruxelles, Larcier, 2016.

J. C. Hathaway et M. Foster, « La possibilité de protection interne/réinstallation interne/fuite interne comme aspect de la procédure de détermination du statut de réfugié », in E. Feller, V. Türk et F. Nicholson, La protection des réfugiés en droit international, Bruxelles, Larcier, 2008.

A. Ombeni Musimwa, « MENA : Vers l’abandon des examens médicaux de détermination de l’âge osseux ? », Cahiers de l’EDEM, Avril 2020.

S. Sarolea, « L’alternative de protection interne en cas d’octroi de la protection subsidiaire : l’alternative doit être raisonnable », Newsletter EDEM, novembre-décembre 2015.

Autres :

HCR, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, HCR/1P/4/FRE/REV.1, 1979 (Réédité à Genève en janvier 1992).

Idem, Principes directeurs sur la protection internationale : « La possibilité de fuite ou de réinstallation interne » dans le cadre de l’application de l’Article 1A(2) de la Convention de 1951 et/ou du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, HCR/GIP/03/04, 23 juillet 2003.

Pour citer cette note : A. Ombeni Musimwa, « L’alternative de protection interne en question », Cahiers de l’EDEM, Août 2021.

 


[1] J. C. Hathaway et M. Foster, « La possibilité de protection interne/réinstallation interne/fuite interne comme aspect de la procédure de détermination du statut de réfugié », in E. Feller, V. Türk et F. Nicholson, La protection des réfugiés en droit international, Bruxelles, Larcier, 2008, p. 469.

[2] J.-Y. Carlier et S. Sarolea, Droit des étrangers, Bruxelles, Larcier, 2016, p. 432, § 484.

[3] J. C. Hathaway et M. Foster, « La possibilité de protection interne/réinstallation interne/fuite interne comme aspect de la procédure de détermination du statut de réfugié », in E. Feller, V. Türk et F. Nicholson, Op. cit., p. 409 et jurisprudences citées.

[4] J.-Y. Carlier et S. Sarolea, op. cit., p. 449, § 500.

[6] J.-Y. Carlier et S. Sarolea, op. cit., pp. 410-456.

[7] S. Sarolea, « L’alternative de protection interne en cas d’octroi de la protection subsidiaire : l’alternative doit être raisonnable », Newsletter EDEM, novembre-décembre 2015, p. 11.

[9] J.-Y. Carlier et S. Sarolea, op. cit., p. 432, § 484.

Publié le 30 août 2021