Quand planter des arbres menace la forêt

 

Les campagnes de plantation d’un nombre important d’arbres peuvent avoir des effets contreproductifs, selon une nouvelle étude interuniversitaire1 à laquelle a participé l’UCLouvain. C’est la première fois qu’une recherche scientifique analyse de manière rigoureuse les conséquences potentielles des subsides dans ce genre de projets.

Cette étude, publiée dans Nature Sustainability, révèle comment des projets tels que la campagne mondiale « 3 000 milliards d’arbres » mènent à davantage de pertes de biodiversité et peu, voire aucune, séquestration de carbone supplémentaire. Les chercheurs soulignent toutefois que ces projets pourraient être bénéfiques s’ils s’accompagnaient de fortes limitations des subsides telles que l’interdiction de remplacer des forêts endémiques par des plantations d’arbres.

« Si les politiques encourageant les plantations d’arbres sont mal conçues ou mal mises en œuvre, le risque est grand de non seulement gaspiller les deniers publics mais aussi d’entraîner des pertes tant en carbone terrestre qu’en biodiversité » indique Eric Lambin, chercheur à l’UCLouvain et à l’université de Stanford. « C’est exactement le contraire que ces politiques visent. »

L’expérience du Chili

Les chercheurs se sont concentrés sur le rôle des subsides destinés à encourager la plantation d’arbres car ces fonds sont largement proposés comme étant une solution prometteuse aux défis environnementaux. Les scientifiques se sont spécifiquement penchés sur l’une des politiques mondiales de subsides la plus influente pour le reboisement, le décret-loi 701 du Chili. Cette loi, en vigueur de 1974 à 2012, a servi de modèle pour des politiques similaires d’autres pays d’Amérique du Sud et des projets internationaux de développement.

Les chercheurs ont quantifié l’impact des subsides consacrés au reboisement et calculé leurs effets sur les changements nets en carbone et en biodiversité dans l’ensemble du pays. Ils ont comparé la superficie forestière chilienne selon trois scénarios : les régimes réels de subsides tels qu’observés, aucun subside et les subsides associés à la stricte application de limitations portant sur la conversion de forêts naturelles en plantations.

Ils ont établi que, par rapport au scénario sans subside, les paiements pour reboisement résultaient en un élargissement des zones boisées mais entraînaient une diminution des zones de forêt naturelle. Les forêts naturelles du Chili étant plus denses en carbone et plus riches en biodiversité que les plantations, les subsides n’ont pas réussi à accroître la capacité de stockage du carbone et ont accéléré les pertes de biodiversité.

Une stricte application des restrictions relatives à la conversion des forêts naturelles aurait pourtant amélioré les résultats de la politique en matière de carbone et de biodiversité. « A l’avenir, les subsides devraient aider à promouvoir la restauration des nombreux écosystèmes naturels riches en carbone et en biodiversité qui ont été perdus » conclut Eric Lambin.

1.Université de Santa Barbara en Californie, Université de Stanford, Université catholique de Louvain, Université de Concepción au Chili.

Publié le 22 juin 2020