Une clé pour détecter Alzheimer avec certitude

Alors qu’aujourd’hui, seule l’autopsie permet de déterminer avec certitude si un·e patient·e souffre de la maladie d’Alzheimer ou d’un autre pathologie neuro-dégénérative, des scientifiques de l’UCLouvain ont découvert une piste qui permettrait de diagnostiquer Alzheimer de façon fiable du vivant de la personne.

Depuis des années, les scientifiques se heurtent à une difficulté : comment diagnostiquer la maladie d’Alzheimer avant le décès de façon tout à fait fiable puisque seule l’autopsie permet aujourd’hui de décrire les agrégats de protéine tau dans le cerveau et donc de savoir avec certitude de quel type de maladie neuro-dégénérative souffrait la personne.

Le clinicien peut, sur base des symptômes - qui dépendent des régions cérébrales touchées - déterminer de quelle pathologie il s’agit. Toutefois, la maladie se développe parfois dans des régions cérébrales inhabituelles, ce qui fausse le diagnostic. Or celui-ci est primordial puisque le traitement dépend de la pathologie.

Une équipe de scientifiques de l’Institut de neuroscience de l’UCLouvain (IoNS) conduite par le Pr Bernard Hanseeuw, vient de mettre au jour une piste qui ouvre des perspectives pour un diagnostic plus fiable ante mortem mais aussi de possibles nouveaux traitements. Cette étude est publiée dans Nature Communications.

Les chercheurs savent de longue date que la protéine tau existe dans différents types d’isoformes* qui sont parfois un peu plus longs, parfois un peu plus courts. Dans la maladie d’Alzheimer, tous les isoformes sont malades et s’agrègent. Dans d’autres tauopathies, ce sont soit des isoformes dits 4R soit des isoformes 3R qui s’accumulent.

« Cela fait des années, explique le Pr Bernard Hanseeuw, qu’on essaie de mesurer ces isoformes dans le liquide céphalo-rachidien prélevé par ponction lombaire sur les patients mais on n’y arrive pas. Pourquoi ? Parce que dans ce liquide, on n’observe pas de différences d’isoformes entre les tauopathies. » Alors que dans la protéine agrégée, prélevée lors de l’autopsie, on distingue bien les isoformes 3R et 4R. C’est d’ailleurs ce que la littérature scientifique décrit depuis 30 ans.

Une autre piste

Les chercheurs de l’Institut de neuroscience (IoNS) ont eu l’idée d’explorer une autre piste avec l’appui d’un outil puissant disponible à l’Institut de Duve, la spectrométrie de masse, capable de caractériser les protéines. En travaillant sur du matériel autopsique cérébral, ils se sont intéressés à ce qu’on appelle les modifications ‘post-traductionnelles’, c’est-à-dire les modifications qui touchent toute protéine produite. En vérifiant toutes les modifications, d’une part sur la protéine soluble, d’autre part sur la protéine agrégée, ils ont découvert que des modifications sur la protéine soluble déterminent le type d’isoformes qui s’agrègent et donc président au type de maladie sur le plan biochimique.

Pour les chercheurs, c’est un fameux encouragement à poursuivre ces recherches, cette fois sur le liquide céphalo-rachidien qui peut être directement prélevé sur le patient afin de déterminer du vivant du patient le type d’agrégats qui se forment dans le cerveau et pouvoir tenter de traiter la pathologie correctement identifiée.

Le problème ? La modification des protéines

Bernard Hanseeuw souligne que l’originalité du travail est d’avoir comparé la protéine soluble et les agrégats, alors que l’essentiel des biochimistes travaillent sur les agrégats, visibles au microscope. « Sur un plan plus fondamental, explique le chercheur, cette comparaison permet de mieux comprendre le processus d’agrégation. Notre hypothèse est que les modifications qu’on retrouve uniquement sur la protéine agrégée… provoquent sans doute l’agrégation. Et celles qu’on retrouve uniquement sur la protéine soluble empêchent probablement l’agrégation. Cela ouvre des pistes pour développer un biomarqueur, donc un diagnostic, mais aussi pour préciser quelles sont les modifications qui font que cette protéine s’agrège ou pas, soit une belle piste thérapeutique. »

« Ce résultat confirme, souligne le chercheur, que le problème des maladies neurodégénératives, ce n’est pas la production de ces protéines car elles sont produites normalement. Le problème, c’est l’élimination ou la modification de ces protéines une fois qu’elles ont été produites. »

Cette recherche est soutenue par le WEL Research Institute (Welbio department, 1300 Wavre, Belgium), le FNRS, la Fondation Médicale Reine Elisabeth et une Action de recherche concertée (FWB).

Légende photo: de gauche à droite, Gaëtan Herinckx, Mark Rider, Nathalie Kyalu Ngoie Zola, 1re auteure de l’étude, Didier Vertommen, Bernard Hanseeuw.

Publié le 31 juillet 2023