Filière cacao : rendre les engagements plus efficaces

cacao

Communiqué de presse - Recherche UCLouvain

En bref :

  • Seulement un quart de la production mondiale de cacao est commercialisée sous un engagement de développement durable, selon une étude belgo-néerlandaise
  • Les engagements, essentiellement pris par les multinationales, sont peu efficaces car ne s’attaquent pas aux racines des problèmes
  • Les chercheurs en appellent à un effort coordonné pour « combler le fossé entre la rhétorique de la durabilité et la réalité » 

Article : https://doi.org/10.1016/j.gloenvcha.2023.102696

Contact(s) presse :    
Patrick Meyfroidt, chercheur à l’Earth and Life Institute de l’UCLouvain : gsm sur demande, patrick.meyfroidt@uclouvain.be
Erasmus zu Ermgassen, chercheur à l’Earth and Life Institute de l’UCLouvain : gsm sur demande, erasmus.zuermgassen@uclouvain.be

Ces dernières années, des labels « durables » et « équitables » ont fait leur apparition sur les étiquettes de chocolat. Mais quel est le poids des engagements en faveur du développement durable dans le secteur du cacao ? Pour le déterminer, des chercheur·ses de la Vrije Universiteit Amsterdam et de l’UCLouvain ont analysé la couverture et les lacunes des engagements en matière de durabilité sur les exportations de fèves de cacao dans 8 pays représentant 80% des expéditions dans le monde. Ces engagements comprenaient notamment : transparence, traçabilité, déforestation, travail des enfants, agroforesterie, etc.

Résultats ? A peine un quart (26%) du cacao commercialisé l’est sous un engagement de développement durable, indique l’étude publiée dans Global Environmental Change. Parmi ces engagements, il y en a peu en matière de lutte contre la dégradation forestière et de revenus du travail.

Pourquoi si peu d’engagements ? D’abord, la plupart des engagements ne couvre pas l’approvisionnement indirect par des intermédiaires locaux. Ensuite, les chercheur·ses notent également que les engagements « durables » sont pris surtout par les multinationales et non par les négociants nationaux 1. Les multinationales concentrent leurs engagements sur certains marchés et sur certains enjeux très médiatisés, négligeant les marchés et enjeux moins « visibles ».

En conséquence, les engagements pris par les négociants ont peu d’effets vertueux. Il existe des lacunes importantes dans l’adoption et la mise en œuvre de ces engagements ce qui compromet leur efficacité potentielle. Le faible taux de traçabilité et de transparence dans la filière cacao constitue un obstacle majeur à la mise en œuvre et au suivi à grande échelle de ces engagements. 22% seulement des négociants déclarent être en mesure de retracer ne fut-ce qu’une partie de leur cacao jusqu'aux coopératives agricoles et seulement 8% divulguent ouvertement l'identité de leurs fournisseurs.

Conclusion : les engagements volontaires ne suffisent pas à résoudre de manière systémique les problèmes sociaux et environnementaux, car ils manquent de vérification externe ou ne s’attaquent pas aux racines des problèmes. « Des efforts coordonnés de la part des entreprises et des gouvernements pour rendre les initiatives de la chaîne d'approvisionnement durable transparentes, contrôlables et applicables sont nécessaires pour que le secteur du cacao parvienne à combler le fossé entre la rhétorique de la durabilité et la réalité », concluent les chercheur·es.

Et il y a urgence : le manque de traçabilité de la filière est un facteur aggravant de la déforestation en Afrique de l’Ouest 2. La Côte d’Ivoire et le Ghana, les deux plus grands producteurs mondiaux, ont respectivement perdu plus de 90% et 65% de leur surface forestière depuis 1950.

 
1. Le marché du cacao est un marché très concentré, où 7 entreprises commercialisent 62% des volumes mondiaux.
2. www.nature.com/articles/s43016-023-00751-8  et iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/acad8e

Publié le 08 août 2023