8,9 km2 - Véritables champi(gn)ons !

Le plus grand organisme vivant connu à ce jour est un champignon : Armillaria Ostoyae. Il couvre une surface de 8,9 km² ! Son âge? Entre 2400 et 8000 ans. Son poids : 600 tonnes. Mais où se cache-t-il? On l'a découvert dans un parc national en Oregon.

Les champignons sont des eucaryotes (leurs cellules possèdent un noyau entouré d’une membrane) mais n’appartiennent ni au règne des animaux, ni à celui des végétaux. Au même titre que les procaryotes (bactéries) et les protistes (eucaryotes unicellulaires), ils forment un règne à part entière.
À ce jour, même si plus de 85 % des espèces vivantes sur Terre restent encore inconnues, on estime à près de 8 millions le nombre d’espèces animales. Le règne des champignons, qui comprend notamment les levures et les moisissures, se place en bonne position avec un nombre d’espèces estimé à 1,5 millions (certains auteurs avancent même le chiffre de 5 à 6 millions), bien qu’on n’en ait encore découvert qu’à peu près 200 000 aujourd’hui.

La mycothèque de l’UCL dispose d'un peu plus de 30 000 souches de champignons, ce qui représente environ 4 000 espèces. Des chercheurs de l’UCL œuvrent en permanence pour alimenter cette collection, une des plus vastes au monde. La mycothèque héberge aussi GINCO (Glomeromycota IN vitro COllection), la collection la plus importante au monde de champignons mycorhiziens à arbuscules.

Les champignons jouent un rôle important à divers niveaux de la vie sur Terre. À titre d’exemple, les champignons mycorhiziens à arbuscules forment des symbioses avec environ 70 % des espèces végétales, dont la grande majorité des espèces agricoles et horticoles. Leur association avec ces espèces est cruciale pour la croissance (rendement) et la protection des plantes contre les stress biotiques et abiotiques. En outre, pour nous Belges, les champignons sont un élément indispensable à notre patrimoine gastronomique car, dans un monde sans levure, la bière ou les gaufres n’existeraient pas !

C’est également au sein du règne des champignons qu’on a décrypté, pour la première fois, en 1996, le génome complet d’une espèce eucaryote : la levure de boulanger, répondant au doux nom de Saccharomyces cerevisiae. Cette aventure, longue de plusieurs années et qui a mobilisé 641 chercheurs, pour la plupart européens, a été initiée par André Goffeau, professeur à l’UCL. Elle a permis de montrer au monde qu’un défi de cette ampleur était possible, pavant ainsi la route au décryptage de centaines d’autres génomes eucaryotes, dont le nôtre en 2003.

On ne compte plus non plus le nombre de découvertes scientifiques, et pour certaines récompensées par un prix Nobel, qui ont été réalisées au départ de ces fascinants champignons. Mentionnons ici la pénicilline qui a valu le prix Nobel à Fleming en 1945. Cet antibiotique, isolé de Penicillium notatum et testé pour la première fois pendant la guerre 40-45, a permis de sauver des milliers de vies durant cette triste période de notre histoire. C’est aux champignons qu’on doit aussi la Ciclosporine A, une molécule si importante dans la transplantation d’organes pour combattre les rejets.

 © Laboratoire de mycologie
Dans le cadre d'un mémoire de fin d'étude mené en partie au Pérou, une étudiante (Anne Doat) a mycorhizé des plants de pomme de terre avec l'aide de villageois.
Sur la photo, les villageois l'aident à nettoyer les racines pour ensuite les préserver dans des tubes Falcon avant leur observation au laboratoire. Le champ où l'essai a été mené se situe proche d'un village (Huancayo) à 6 heures de route de Lima. Pour l'atteindre, il faut sillonner à travers l'Altiplano par une des routes les plus élevées du monde (à 4818 m).
Au départ de Lima, la température est tropicale et devient en cours de route de plus en plus froide avec de nombreuses averses de neige. La plantation de pomme de terre mise en place se situe également à très haute altitude et représente l'étude sur la mycorhization la plus haute jamais réalisée.

© Cony Decock
Mycologue à l'UCL, Cony Decock part régulièrement en mission de prospection mycologique en Guyane française.
Sur la photo : lors d'un campement en forêt dans le sud guyanais.

 

 

© Laboratoire de mycologie
Accueil des villageois de Huancayo aux membres du projet européen VALORAM coordonné par le professeur Stephan Declerck, responsable du laboratoire de mycologie et de la mycothèque de l'UCL. Au programme de cet accueil: une cérémonie officielle avec danses, repas et démonstration de techniques culturales locales.

 

 

Copyright: Cony Decock. Sur la photo: Amauroderma sp., polypore terrestre provenant de la forêt tropicale guyanaise.
Souche conservée à la mycothèque de l'UCL.

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> Pour découvrir cette aventure et bien d'autres, aux Presses universitaires de Louvain : Profession : savanturier. L'aventure au coin de la science
    Préface de Bertrand Piccard – 186 pages illustrées – collection « Cordouan »
 > Cinquante scientifiques parlent de leur passion au quotidien

Publié le 03 octobre 2016