Jérémy : "Le master en criminologie développe un esprit critique"

Jérémy

L.

dans le domaine de la surveillance électronique

En quoi consiste votre fonction? Quelles sont vos tâches principales? 

Je travaille actuellement au Centre de Surveillance Electronique, entité responsable de la gestion des mesures de surveillance électronique (qu'il s'agisse de l'exécution d'une peine de prison, d'une détention préventive ou, récemment, d'une peine autonome).

J'ai tout d'abord occupé un poste au sein de l'équipe chargée du monitoring, c'est-à-dire l'équipe qui contrôle les alarmes émises par le bracelet électronique que portent les justiciables. Ma fonction était d'analyser ces différentes alarmes, de contacter le justiciable porteur du bracelet pour avoir plus d'informations sur la raison de l'apparition de cette alarme (pourquoi est-il en retard par rapport à son horaire de sortie autorisée, pourquoi est-il sorti de son périmètre) et d'ensuite envoyer les informations obtenues sous la forme d'un rapport à ma direction, en précisant si le justiciable concerné sera en mesure du justifier (via une attestation) de la raison de l’apparition de l'alarme. Il s'agit aussi de recevoir les différents coups de téléphone des justiciables lorsque ces derniers ont des demandes ou un besoin d'information mais aussi les appels des autres services susceptibles d'interagir avec les personnes portant un bracelet électronique (police, assistants de justice, assistants sociaux, juges, avocats, etc.) et de répondre, si possible, à leur demande. En gros, ce service est également le contact de première ligne lorsqu'il s'agit de contacter le Centre de Surveillance Electronique.

Depuis peu, j'ai changé d'équipe au sein du CSE pour intégrer l'équipe administrative, qui s'occupe de la réception des différents documents envoyés par les justiciables ou les entités extérieures (demande d'horaire, attestations diverses, convocations au tribunal, rapports, etc.). Ma fonction est de gérer ces différents documents et de m'assurer que les informations ou les demandes qu'ils comportent soient transmises à qui de droit. Je reçoit également différents appels téléphoniques mais ceux-ci sont principalement des demandes d'informations.

Et, prochainement, je vais changer de travail pour aller travailler au sein de l'aide à la jeunesse, sous la Direction des Services Agréés, où je serai en charge de la gestion de la plate-forme informatique sollicitée lors de placement de jeunes au sein de services d'accueil ou d'IPPJ mais aussi utilisée pour les paiements de ces différents services.

Quel regard portez-vous sur votre master en criminologie, dans le cadre de votre parcours professionnel? 

Mon parcours est un peu particulier. Constatant que de nombreuses connaissances ayant fait des études en criminologie peinaient à trouver un emploi, j'ai commencé à en chercher un avant d'avoir fini mes études (je travaillais alors déjà en tant que student régulier), sans faire attention au niveau d'étude requis, le salaire, etc. J'ai eu l'opportunité de recevoir une réponse positive suite à une candidature au Selor pour travailler au CSE (ce qui m'a été fort utile car j'ai alors décidé de faire mon mémoire sur la surveillance électronique, histoire de combiner études et ce nouveau travail où il y avait tant à étudier).

J'ai donc terminé mon master l'année passée, tout en travaillant. Tout cela pour dire que j'ai eu la chance de travailler dans un milieu concerné par mes études. Et je dois dire que le regard que je porte sur mon master est particulier. Je ne considère pas que ce master en finalité spécialisée m'a formé à une pratique professionnelle ou autre. J'estime que ce master a plutôt fourni de nombreux outils et connaissances dans des domaines divers et variés, ce qui a façonné en partie ma manière de penser, de travailler et d'interagir avec la matière de ma fonction. En gros, ce master ne m'a pas préparé aux fonctions professionnelles que j'occupe : il m'a préparé à être le professionnel que je suis. Ce n'est peut-être pas le master qui ouvre le plus de portes ou qui forme de manière concrète aux actes d'une pratique professionnelle. Mais ce master entrouvre de nombreuses portes pour un fourmillement d'emplois, souvent inconnus du monde extérieur, qui existent, pour peu qu'on ne souhaite pas un salaire ministériel dés sa première année de pratique.

Quelles compétences/connaissances acquises durant votre master vous sont le plus utiles dans le cadre de votre travail? 

Actuellement, ce sont les différents cours relatifs au droit pénal et à l’exécution de la peine qui me sont fort utiles : non pas dans l'exécution de mes actes professionnels quotidiens mais plutôt dans la connaissance de la position de mon service au sein de ce vaste réseau de la justice pénale. En effet, étant en interaction avec de très nombreux services situés tant en amont qu'en aval du prononcé d'un jugement, il m'est plus facile de comprendre la pratique de chacun ainsi que ses attentes et sa vision de ce qu'est la surveillance électronique. Cela facilite grandement les interactions avec ces différents services et permet une meilleure compréhension respective.

De plus, la vision globale apportée par les différents cours du master permet de parfois repérer certaines procédures qui sont défaillantes et de proposer des solutions pour améliorer leur application.

Je suppose que le cours de "Droit et protection de la jeunesse" va m'être fort utile dans ma prochaine fonction.

Quels conseils donneriez-vous aux futurs étudiants en criminologie?

De ne pas désespérer face au manque de perspectives d'emploi actuelles. Les situations évoluent au sein du monde du travail. Qu'ils n'hésitent pas à porter leur attention sur tous les cours du master (même ceux qui semblent un peu plus ésotériques de prime abord : leur utilité se dévoile encore plus dans la pratique).

De bien garder toutes vos notes de cours, vos livres, etc. C'est toujours utile de les ressortir pour revoir certains chapitres lorsqu'on travaille et c'est parfois bien plus clair que la lecture de certains textes de loi qui, s'ils sont clairs dans les règles qu'ils imposent, ne sont pas toujours clairs sur les réels buts poursuivis par leur application.

Et surtout, que ce master nous forme clairement à ce qui nous avait été dit lorsque nous l'avions entamé : il développe un esprit critique. Nous ne sommes spécialisés en rien mais nous connaissons un peu de tout, ce qui offre une vision plus large de certaines situations et nous transforme en personnes assez ... "fatigantes" car nous remettons souvent en question ce qui nous semble dysfonctionnel.