SOUTENANCE PUBLIQUE DE THÈSE DOCTORALE : Monsieur François KABEYA LUBANDA

Louvain-La-Neuve

22 août 2018

10h30

Auditoire DESC 85, 1er étage de la Faculté de théologie, Grand-Place, 45 à 1348 Louvain-la-Neuve.

Monsieur François KABEYA LUBANDA, de Ngandajika (RDC), présentera sa dissertation doctorale pour l’obtention du grade de docteur en théologie et la soutiendra publiquement le mercredi 22 août à 10h30 dans l’auditoire DESC 85, Grand-Place, 45 à Louvain-la-Neuve.

Le jury est composé de MM. les professeur.e.s

B. Bourgine, président

D. Jacquemin, promoteur

É. Gaziaux,                                                                          

C. Doyen,

E. Frick (correcteur extérieur, professeur à la Hochschule für Philosophie, München)

 La pertinence de la "descente aux  Enfers" chez Hans Urs von Balthasar pour penser théologiquement une pratique de soins palliatifs.

Il est admis que la crise de la foi est inséparable de celle de certains mots de la foi. Ceux-ci ont perdu leur intelligibilité. Les contemporains ne comprennent plus ce qu’ils veulent dire parce qu’ils n’appartiennent plus à l’éventail des significations. Peut-être serait-on prêt à les réécouter, mais à condition qu’ils soient compréhensibles. Sans doute ont-ils un sens, mais celui-ci doit être réveillé. Par la mise en œuvre d’une analogie, cette étude veut rendre audible l’affirmation de la descente aux enfers et ce à partir de la situation de fin de vie et de sa prise en charge en mettant en lumière que le Dieu de la foi chrétienne n’est pas étranger au sort de l’humain. Les enfers comme « périphéries existentielles » révèlent jusqu’où peut aller le Christ à la recherche d’une humanité qui se déshumanise. L’étude se fonde sur la conviction que la théologie est aussi une anthropologie. Elle vise à réveiller le sens de ce concept théologique de descente aux enfers devenu presque inaudible pour les croyants mais qui, paradoxalement, se trouve sur toutes les lèvres quand il s’agit d’exprimer – indépendamment de la foi – ce qui est vécu douloureusement et dont on n’a pas de mots pour le dire. La descente aux enfers rejoint cette expérience que peut connaître l’être humain confronté aux aléas de l’existence et à la mort et qui se ressent comme étranger pour lui-même, pour les autres et pour Dieu. En ce sens, ce concept valorise l’anthropologie de la non-maîtrise mise en œuvre dans les soins palliatifs et atteste la capacité de la théologie de penser les pratiques soignantes contemporaines.

Cette étude mobilise le concept de descente aux enfers, en revisite le sens, en dégage les enjeux à partir de la pensée de Hans Urs von Balthasar (1ère partie) et montre comment, à partir d’une situation de fin de vie et de sa prise en charge, ce mot de la foi peut être réentendu (2ème partie). L’enjeu est de faire sortir la pensée de Balthasar de son « isolation spiritualiste » afin que ses idées fondamentales de non-maîtrise, de solidarité, de non-abandon, d’espérance pour tous… éclairent les vécus et les pratiques soignantes contemporaines. L’expérience de fin de vie et sa prise en charge sont considérées comme un « lieu théologique ». Leur articulation avec une affirmation de foi vise à dégager une éthique de soin et de solidarité avec ceux que la grande vulnérabilité accule à l’enfer-mement (3ème partie). Il en résulte que le travail théologique consiste à penser à partir de ses propres ressources et à les approfondir à partir d’expériences concrètes, de connaissances nouvelles et des questions qu’elles suscitent.

La descente aux enfers et la médecine palliative opèrent comme une révolution copernicienne au cœur de la théologie et de la médecine. Elles révèlent l’une et l’autre une vérité autre qui dérange les idées reçues concernant la représentation de Dieu : il est impuissant et solidaire de l’humain ; et concernant la représentation de la médecine : elle est incapable de tout guérir et d’être le lieu du bonheur idéalisé. L’une et l’autre offrent un paradigme soit théologique soit clinique pour penser la non-maîtrise comme constitutive de l’être humain. Dans un contexte de « rupture » entre le culte et la culture où les valeurs humaines d’inspiration évangélique sont vécues indépendamment du cadre religieux qui les a suscitées, penser une pratique soignante à partir d’une affirmation de foi, c’est jeter un pont entre le langage de la foi et le langage de la vie, dépasser les limites et la seule référence à l’humain dans la pratique des soins. L’enjeu transversal est de comprendre que la théologie et l’éthique qu’elle peut proposer à partir de convictions religieuses ne sont pas étrangères à la vie humaine concrète ; que la réalité – et en particulier le mourir – échappe aux prévisions et à l’idéal de maîtrise et que le bonheur de croire se trouve non pas dans un triomphalisme a priori, mais dans l’espérance et le « courage d’exister dans l’absurde ».