Du formalisme à l’analyse morphologique

Journées d’études organisées par l’UNamur, l’UCLouvain et le Musée L (5-6 décembre 2024)

Appel à communication (1er juin 2024)

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Deux cents ans après la parution de l’ouvrage qui a fixé le genre de la monographie, le Über Hubert und Johan van Eyck de G. F. Waagen (1822), cent cinquante ans après la parution du Zeitschrift für bildende Kunst (1874) de Morelli, suivi près de vingt ans plus tard par les Stifragen (1893) de Riegl et enfin par les Principes fondamentaux en histoire de l’art (1917) de Wölfflin, ces journées se donnent pour objectif d’interroger l’actualité du formalisme et l’avenir de l’analyse morphologique dans la recherche en histoire de l’art.

L’étude de la forme et du style a constitué la source même de la discipline de l’histoire de l’art. Depuis les Vies de Vasari jusqu’aux études pionnières de la Kunstwissenschaft, elle a été l’objet fondamental de la discipline. La fameuse génération de la « science de l’art » germanique (Riegl, Wolfflin, Warburg, etc.) lui avait en effet donné un fondement objectif et analytique tout en l’intégrant au croisement d’une approche psychologique et philosophique. Pourtant, tout au long du XXe siècle, l’étude formelle n’a cessé d’être mise en concurrence et marginalisée au sein d’une histoire de l’art qui s’est constamment élargie à de nouvelles méthodes et disciplines. Ainsi, à la suite des études iconologiques de Panofsky, s’est lentement cristallisé un dualisme entre forme et signification qui a longtemps polarisé le monde de la recherche, dualisme qui avait réservé le signifié des images au domaine de l’iconologie, et les signifiants plastiques – le monde des formes – à celui du style.  Par ailleurs, dans le cadre du « tournant paradigmatique » qui caractérise les sciences humaines depuis la fin du XXe siècle, l’ouverture et l’enrichissement de l’histoire de l’art à des approches interdisciplinaires – historiques, culturelles, sociales, anthropologiques, etc. –, a quant à elle contribué, comme l’a récemment montré Frédéric Elsig, à un autre clivage, creusant cette fois le fossé entre le monde universitaire, d’une part, et monde muséal et le marché de l’art, d’autre part. Si le monde universitaire s’est ouvert à l’interdisciplinarité et à une nouvelle quête du « sens » (une « volonté de faire “sens”, après avoir fait “signe” » pour reprendre les termes de François Dosse) – quête dont les maîtres mots sont désormais les notions de symptôme, de travail, de fonctionnement ou de performativité –, le marché de l’art poursuit sa quête de l’identification des auteurs des œuvres. Cependant, bien que le connoisseurship des débuts, réduit à la forme et au style, se soit ouvert à un intérêt réel pour la matière et la technique, il continue à souffrir d’une étiquette positiviste ou subjective dans les milieux universitaires. Même dans les milieux universitaires, la réalisation de monographie est souvent considérée comme une entreprise désuète, elle laisse la place à l’identification des réseaux d’artistes et de commanditaires, comme aussi à la réception des œuvres.

Face à cet horizon épistémologique, ces journées ambitionnent de faire le point sur l’état de la recherche en matière d’analyse morphologique, à travers trois axes distincts, mais intimement liés :

  1. Axe méthodologique

Il s’agira de définir les enjeux et la méthode de l’analyse morphologique en éclaircissant les concepts qui la balisent, comme ceux d’expression, de style, de séquence formelle, de série, de réplique, d’invariants, de manière etc. On s’interrogera sur l’articulation de l’analyse morphologique avec la description – qui suppose l’adéquation entre le système de mots et le système des formes – ainsi que le comparatisme. À travers des études de cas ciblées sur la méthodologie, on s’intéressa aux lieux privilégiés de l’analyse morphologique, comme l’ornement, les draperies, ou les détails anatomiques.

  1. Axe historiographique et épistémologique

Quelle est la pertinence de l’approche morphologique aujourd’hui au sein d’une histoire de l’art élargie à l’approche culturelle, anthropologique, sociale, mais aussi aux disciplines scientifiques de laboratoire, ou encore au sein du « material turn » qui s’est manifesté ces deux dernières décennies. Mais surtout, comment penser son articulation ou sa complémentarité avec ces approches ? Par ailleurs, si un large pan de l’historio­graphie récente s’est attaché à élargir les frontières traditionnelles de l’analyse de l’image, dont la méthode iconologique avait jusqu’alors balisé le terrain, et s’est donc efforcée de ne pas réduire l’image à une affaire de message, il convient également de ne pas réduire les formes à une affaire de style, d’attribution ou de classification, et de comprendre comment elles peuvent faire sens dans un réseau d’acteurs multiples. Enfin, dans une perspective historiographique, on se demandera quelle est la postérité de l’école formaliste (Morelli, Wölfflin, Riegl, Worringer, Focillon, Kubler, etc.) aujourd’hui dans la recherche en histoire de l’art ?

  1. Axe muséal

Si, dans sa genèse, l’histoire de l’art s’est professionnalisée au sein des musées par l’étude de la forme et du style (avec la question des attributions et l’élaboration des catalogues ou monographies), quelle est la place du formalisme aujourd’hui dans le monde muséal ? Quels sont les enjeux, les modalités et les bénéfices d’une approche formelle dans la scénographie et la mise en exposition des œuvres ou dans la médiation des publics ?  Quelle est la pertinence de l’approche morphologique dans le cadre du tournant sensible qui caractérise la médiation muséale aujourd’hui ? Quelles relations entretient-elle avec le connoisseurship ?

Modalités de soumission

Les journées d’étude se tiendront les 5 et 6 décembre 2024 à l’Université de Namur et au Musée L, musée universitaire de Louvain (Louvain-la-Neuve, Belgique). Les propositions de communication ne devront pas excéder 500 mots en français ou en anglais. Elles seront accompagnées de quelques lignes biographiques. Le document est à envoyer pour le 1er juin 2024 à caroline.heering@uclouvain.be ; muriel.damien@uclouvain.be et michel.lefftz@unamur.be Les interventions ne devront pas excéder 25 minutes.

Bibliographie indicative

  • Marc Bayard (dir.), L’histoire de l’art et le comparatisme. Les horizons du détour, Paris, Somogy, 2007.
  • Bernard Berenson, Rudiments of Connoisseurship. Study and Criticism of Italian Art Study and criticism of Italian art, Schocken,1902.
  • Lara Bonneau, « Formes et expressions. Heinrich Wölfflin et Aby Warburg », dans Danièle Cohn et Rémy Mermet (dir.), L’histoire de l’art et ses concepts. Autour de Heinrich Wölfflin, Paris, Edition Rue D’Ulm (Aesthetica), 2020.
  • Frédéric Elsig, Connoisseurship et histoire de l’art. Considération sur la peinture des XVe et XVIe siècles, Genève, Droz, 2019.
  • Henri Focillon, La vie des formes, Paris, Ernest Leroux, 1934.
  • Georges Kubler, The Shape of Time. Remarks on the history of things, Yale University Press, New Haven, 1962.
  • Carole Maigné (textes réunis par), Formalisme esthétique. Prague et Vienne au XIXe siècle, Paris, Vrin (Essai d’art et de philosophie), 2012.
  • Giovanni Morelli, Zeitschrift für bildende Kunst, 1874.
  • Alois Riegl, Questions de style. Fondements d’une histoire de l’ornementation, préface de Hubert Damisch, trad. de l’all. Par H.-A. Baatsch et F. Rolland, Paris, Hazan, 2002 [Stifragen, 1893].
  • Heinrich Wölfflin, Principes fondamentaux en histoire de l’art [Kunstgeschichtliche Grundbegriffe : das Problem der Stilentwickelung in der neueren Kunst, 1915]
  • Heinrich Wölfflin, Prolégomènes à une psychologie de l’architecture, Grenoble, Ecole d’architecture de Grenoble, 2005 [Prolegomena zu einer Psychologie der Architektur, 1886]
  • Henri ZERNER, Ecrire l’histoire de l’art. Figures d’une discipline, Paris, 1997

Comité organisateur

  • Muriel Damien (UCLouvain/MuséeL)
  • Caroline Heering (UCLouvain)
  • Michel Lefftz (UNamur)

Publié le 29 avril 2024