La vision incarnante et l’image incarnée

La vision incarnante et l’image incarnée

Ralph Dekoninck, La vision incarnante et l’image incarnée. Santi di Tito et Caravage, Paris, 1:1 éditions, coll. Ars, 2016

Dans l’histoire longue de la représentation et de la vision en Occident, deux modalités principales de rapport entre le spectateur et la fiction iconique ont pu coexister : le mouvement du spectateur vers et dans l’image, et le mouvement de l’image vers le spectateur. À l’absorption dans le champ visuel, assimilée à une forme de plongée dans la fiction, répond celui de la projection de la fiction au devant du plan de la représentation. Un tel mouvement correspond à un vieux fantasme occidental, celui de l’animation de l’image sortant de son cadre, fantasme particulièrement nourri dans le christianisme sous-tendu par le paradigme incarnationnel. Plutôt que de décliner toutes les modalités plastiques de la suggestion de l’animation par la transgression dynamique du seuil, on s’intéresse ici aux représentations qui mettent explicitement en scène cette expérience, c’est-à-dire ces images qui, dans une forme de mise en abyme, intègrent un spectateur en train d’éprouver lui-même cette extension de l’image au-delà de son cadre. Deux tableaux en particulier, réalisés à la charnière du XVIe et du XVIIe siècles, ont retenu notre attention : La vision de saint Thomas d’Aquin (1593) de Santi di Tito et la Madone des Pèlerins (1604-1605) du Caravage. Ils ont pour point commun d’offrir une réflexion plastique sur l’expérience visionnaire et la transgression des seuils entre représentation et présence. Ces deux œuvres sont interrogées à la lumière des débats contemporains sur le statut de l’image religieuse et sur les modes d’expérience visionnaire qu’elle est censée générer.

Publié le 13 janvier 2017