La conférence mondiale de l'UIPES en promotion de la santé

En mai 2022 a eu lieu la 24ème conférence mondiale en promotion de la santé. Cet évènement majeur de l’Union internationale de Promotion de la Santé et d’Education pour la Santé (UIPES) a lieu tous les trois ans et s'est déroulé cette année en mode virtuel à partir de Montréal, au Québec.

Certaines membres de l'équipe ont eu la chance de participer à des présentations et vous proposent un petit retour sur leurs coups de coeur.

 

"Thinking out of the box to teach health promotion"

Retour présenté par Ségolène Malengreaux

 

 

Parmi les présentations auxquelles j’ai assisté, j’en retiens deux qui ont particulièrement fait écho à mes réflexions actuelles. Toutes deux sont issues d’une même session nommée “Thinking out of the box to teach health promotion”.

L'utilisation du digital storytelling

La première présentation, par Eva Neely de l’Université Victoria de Wellington (Australie), a porté sur l’utilisation du digital storytelling comme outil pour enseigner la promotion de la santé. Le digital storytelling consiste à réaliser un support multimédia court à l’aide de sons, de textes, de voix et d’images, dans ce cas-ci sur un thème de promotion de la santé. Elle l’utilise de sorte que l’apprentissage se fait au travers de l’affectif, l’émotionnel, le ressenti et les interactions. Ses méthodes d’enseignement de la promotion de la santé s’inscrivent dans une pédagogie relationnelle qui repose en grande partie sur la construction de relations au travers des activités d’enseignement. Elle met en avant 4 types de relation clé :

  • la relation entre l’étudiant∙e et l’enseignant∙e,
  • la relation entre les étudiant∙es,
  • la relation que l’étudiant∙e développe vis-à-vis de son apprentissage,
  • la relation que l’étudiant∙e entretient avec la santé.

Pour terminer, elle a brièvement élaboré comment les méthodes d’évaluation utilisées servent ce but pédagogique, notamment à l’aide de l’outil digital storytelling.

Les apports pédagogiques en milieu communautaire

La deuxième présentation, par Julie Massé de l’Université Laval (Canada), s’est consacrée aux apports pédagogiques des stages en milieu communautaire. La chercheuse est partie du constat que les valeurs et principes de promotion de la santé se transmettent peu dans les études médicales. Elle s’est interrogée sur la pertinence de ce type de stage pour développer ces valeurs et principes de promotion de la santé auprès des stagiaires. Plus spécifiquement, elle s’est intéressée à l’expérience vécue par des jeunes médecins en stage au sein d’un service de santé communautaire destiné aux femmes enceintes en situation de vulnérabilité. L’analyse des entretiens réalisés avec ces médecins met en avant les principaux apprentissages des médecins suite à ce type de stage. Citons le développement d’une conception élargie de la santé et de ses déterminants, l’acquisition de stratégies d’empowerment dans le soin, l’engagement des professionnel∙les au regard des enjeux d’équité et la prise en compte de l’expertise interdisciplinaire et intersectorielle des autres professionnel∙les.

Au-delà de ces présentations, j’ai eu l’occasion de découvrir et d’expérimenter le guide pratique pour le plaidoyer pour la santé du REFIPS. J’ai également pris connaissance de plusieurs ouvrages sur la promotion de la santé récemment ou prochainement publiés; nommons par exemple le “International Handbook of Teaching and Learning in Health Promotion: Practices and Reflections from Around the World” (à paraître) et le “New approaches to health literacy” (récemment publié).


Renforcer les capacités en promotion de la santé : Quels besoins couvrir ? Quels dispositifs pour y répondre ?

Retour présenté par Mariangela Fiorente

 

 

L’intervention de Marie-Claude LAMARRE a suscité mon intérêt. Elle a abordé le sujet suivant : Renforcer les capacités en promotion de la santé : Quels besoins couvrir ? Quels dispositifs pour y répondre ?

Ce que j’ai surtout apprécié était l’interaction parmi les participants et les réflexions intéressantes qui ont été développées suite à la présentation de Mme Lamarre. Renforcer des compétences en promotion de la santé présuppose d’être d’abord en mesure de les observer. Les interactions parmi les participants ont fait émerger une piste potentielle à considérer pour pouvoir renforcer les capacités en promotion de la santé, notamment l’indentification de blocs de compétences susceptibles d’être appliqués aussi à d’autres professions. Il est important de considérer le contexte et identifier les situations types dans lesquelles la promotion de la santé se manifeste. Une fois ces situations identifiées, il sera probablement plus facile de repérer les compétences nécessaires pour faire face à ces situations.

Une autre réflexion qui m’a beaucoup interpellée lors du moment dédié aux échanges parmi les participant.e.s a été la notion de « savoir agir en action ». Les participant.e.s ont tous convenu de l’importance d’être capables de traduire sur le terrain les enjeux de promotion de la santé, au-delà de ce qui est proposé dans les référentiels de compétences. Il est important que le monde académique s’ouvre à des programmes plus opérationnels et plus innovants qui contribuent à mettre la promotion de la santé en action, en favorisant également le plein déploiement du partage du savoir expérientiel. Pour ce faire, il est essentiel de construire des programmes ancrés sur les besoins des acteurs de promotion de la santé. Engager, par exemple, des usagers de santé pour parler de promotion de la santé dans le monde académique est l’une des pistes exposées pendant le temps d’échange en conclusion de la séance.


La capitalisation en promotion de la santé : une approche innovante pour mieux partager les expériences et nourrir les connaissances

Retour présenté par Mariangela Fiorente et Léa Champagne

 

 

Nous avons beaucoup apprécié l’intervention de François Baudier sur la capitalisation des expériences en promotion de la santé. Son intervention visait à expliquer non seulement ce qui est entendu par capitalisation des expériences, mais aussi à montrer comment développer une telle démarche.

Dans le vaste champ de la santé publique et de la promotion de la santé, tant en France qu’en Belgique, il existe fréquemment des initiatives innovantes, mais qui restent « peu perméables » entre acteurs de terrain, décideurs et chercheurs. Les choses commencent néanmoins à bouger et des rapprochements s’opèrent entre, par exemple, des acteurs de terrain qui prennent le temps d’analyser leurs pratiques et de collaborer avec des équipes de chercheurs.

Ainsi, la capitalisation vise à « transformer le savoir issu de l’expérience en connaissance partageable » (De Zutter, 1994). Avec les ressources scientifiques et contextuelles, ses résultats alimentent les données probantes en promotion de la santé. Elle répond à la question du « Comment-Faire ? », en décrivant pour les projets concernés :

  1. Leur histoire, leur contexte et toutes leurs composantes ;
  2. Les compétences et savoirs mobilisés et/ou construits ;
  3. Les moments essentiels et les fonctions/personnes-ressources/partenaires clés mobilisés.

La démarche utilise des méthodologies scientifiques suivant 5 étapes :

  1. Cadrage de la démarche ;
  2. Recueil d’informations ;
  3. Analyse des données recueillies, mise en regard avec les données issues de la recherche et les stratégies probantes
  4. Rédaction et validation d’une fiche de capitalisation ;
  5. Diffusion.*

En outre, la capitalisation des expériences repose sur 4 finalités :

  1. Une finalité pédagogique : la capitalisation est un temps réflexif sur les pratiques. Elle constitue un moment d’auto-formation ;
  2. Une finalité informative : Elle est un partage de connaissances sur les projets et les stratégies dont il est utile de tirer des enseignements ;
  3. Une finalité stratégique et politique : Elle donne à voir notamment la déclinaison pratique des politiques nationales et locales de santé ;
  4. Une finalité scientifique : Elle permet l’amélioration constante de la méthode, elle encourage la construction d’un corpus de données utiles à la recherche.

La capitalisation des expériences ne crée ni une mise en équivalence ni une négation des savoirs scientifiques. Elle crée les conditions nécessaires pour des synergies entre les divers savoirs de différentes natures. Cette démarche prometteuse, qui a beaucoup évolué en France, mais encore très peu en Belgique, se développe dans le même contexte que d’autres approches de la recherche tout autant prometteuses. Elles prennent différentes appellations, dont recherche participative, recherche-action, rechercher interventionnelle et elles ont pour but de de développer les savoirs expérientiels et d’associer aux chercheurs les acteurs concernés, qu’ils soient professionnels, usagers, bénéficiaires ou citoyens.

En France, la démarche de capitalisation prend de plus en plus son envol. Le projet d’envergure INSPIRe-ID (Initiative en Santé Publique pour l’Interaction entre la Recherche, l’Intervention et la Décision) cherche à appuyer les politiques publiques sur des données robustes et partagées entre des porteurs de projet en santé publique (améliorer la qualité des projets en promotion de la santé), les décideurs (mieux appréhender l’efficacité et l’efficience des interventions qu’ils financent) et les chercheurs (construire des projets de recherche à partir des réalités des acteurs de terrain).

Enfin, afin que cette démarche soit mieux connue et déployée en Belgique, il nous semble nécessaire que soit mise en place une communauté de pratiques et que le portail français sur la capitalisation des expériences soit largement diffusé pour que les acteurs de terrain s’approprient les fondamentaux du processus et puissent ainsi les adapter, voire les modifier, dans le contexte belge.

En complément

Le portail CAPS – Capitalisation des expériences en promotion de la santé a été mis en ligne au début du mois de mai : https://www.capitalisationsante.fr/

La section « analyses transversales » est fort intéressante : l’expérience montre que la réalisation de plusieurs capitalisations sur une même thématique permet de faire émerger des enseignements transversaux et des sujets de discussion grâce aux expériences des acteurs rencontrés.

Une formation continue sera donnée cet automne à l’EHESP : https://formation-continue.ehesp.fr/formation/capitaliser-les-savoirs-issus-de-lexperience-en-sante-avec-caps/


*Ce contenu est reproduit en intégralité depuis le résumé de l’intervention de François Baudier disponible sur le site web de l’IUHPE 2022.

 
 

L’équité dans toutes les politiques

Retour présenté par Rachelle Rousseaux

 

 

Lors de ma participation à la conférence internationale de l’IUHPE, j’ai particulièrement été inspirée par la session traitant de « l’équité dans toutes les politiques ». Cette session fut déclinée en plusieurs présentations francophones et anglophones.

"Measuring what counts : Equity prompts for public health performance"

Parmi celles-ci, les centres de collaboration nationale (Canada) des déterminants de la santé et des maladies infectieuses (NCCDH et NCCID) ont présenté leur travail intitulé « Measuring what counts : Equity prompts for public health performance » qui s’est intéressé à la manière dont l’équité est considérée lors des différentes étapes de planification (préparation, réponse, mitigation, rétablissement) d’urgence en cas de crise. Une revue de la littérature leur a permis de prendre connaissance du travail de Khan et de ses collègues qui ont développé un cadre de résilience pour se préparer à l’urgence. Ce cadre est développé en 11 critères de préparation à l’urgence, eux-mêmes déclinés en de multiples indicateurs. Pour que ces indicateurs puissent soutenir de manière effective les acteurs de terrain à évaluer comment l’équité est considérée ou non par leurs interventions de santé, les collaborateur·rices du NCCDH/NCCID ont élaboré des messages-clés opérationnels liés à chacun des indicateurs préexistants et permettant de mesurer de manière concrète l’équité à plusieurs niveaux et à différents stades d’évolution de l’intervention. Leur travail est à découvrir ici. Cette grille d’analyse de l’équité a ensuite été testée auprès de plusieurs organisations et aurait permis à celles-ci de déterminer des priorités pour l’action en identifiant des indicateurs spécifiques sur lesquels travailler et en envisageant où et comment créer du changement au cours du processus d’évolution de l’intervention.

"Quelles sont les retombées de l’aide sociale sur la redistribution de la richesse et la pauvreté? Une revue systématique dans une perspective causale"

Une deuxième présentation ayant pris cours lors de cette session sur l’équité est celle de Jaunathan Bilodeau, doctorant à l’université Mc Gill au Canada, intitulée « Quelles sont les retombées de l’aide sociale sur la redistribution de la richesse et la pauvreté ? Une revue systématique dans une perspective causale ». Comme son nom l’indique, le travail de J. Bilodeau, en collaboration avec 12 chercheur·euses de différentes universités et en partenariat avec plusieurs ministères du Québec, consiste en une revue de la littérature qui évalue le rôle des politiques sociales sur les inégalités de richesse et leurs effets sur le statut socio-économique et la santé. Dans cette étude, les chercheur·euses s’intéressent particulièrement à l’assistance sociale comme dernier rempart de protection pour les personnes les plus vulnérables. Les premiers résultats de cette étude démontrent un succès mitigé de l’assistance sociale comme politique sociale pour lutter contre ces inégalités. L’assistance sociale ne pourrait à elle seule sortir les individus de la pauvreté et ne répondrait plus suffisamment aux besoins des populations vulnérables. La session s’est alors clôturée sur la question suivante : « Comment pourrait-on bonifier l’aide sociale pour la rendre plus opérationnelle et faire en sorte que l’on puisse considérer davantage le contexte sociétal actuel ? ». D’après Jaunathan Bilodeau, ce travail de revue de la littérature amène à une triple conclusion : « Il y a un besoin urgent d’évaluer plus systématiquement les effets des politiques sur les inégalités de revenus et la pauvreté dans une perspective causale » ; « les juridictions gagneraient à s’assurer que l’assistance sociale soit véritablement un tremplin pour la mobilité sociale » ; et « il importe de considérer la faisabilité et la transférabilité des politiques ».

Les autres présentations ont abordé notamment la place du système de santé dans la lutte contre les inégalités sociales de santé ; l’évaluation d’un projet pilote de gratuité du service de planification familiale au Burkina Faso et ; la présentation de l’application d’un cadre théorique pour promouvoir l’équité à l’échelle de la ville de Queensland (Australie) pour diminuer l’écart important d’espérance de vie entre différents territoires.

Enfin, j’ai également eu le plaisir de participer à la présentation de la nouvelle version du livre « Handbook of settings-based health promotion », par Michelle Baybutt, qui va paraitre très bientôt et dont l’objectif est de permettre une compréhension commune de ce qu’est l’approche de promotion de la santé par les milieux de vie. En effet, cet ouvrage aborde la promotion de la santé au travers de multiples milieux de vie spécifiques tels que la ville, l’école, l’hôpital, le lieu de travail, les prisons, le sport et même au sein de l’environnement digital. La particularité de cette nouvelle édition est qu’elle traite également de nouveaux lieux de vie émergents tels que les communautés côtières, les aéroports et les lieux de cultes. Enfin, l’ouvrage aborde l’actualité sous l’angle de la durabilité, de la résilience et de l’urbanisation.