CEDAW, 15 mai 2023, Tahereh Mohammdi Bandboni e.a. c. Suisse, comm. n° 173/2021

Louvain-La-Neuve

Le refus de recourir aux autorités de son pays d’origine pour demander la protection contre les violences de genre ne peut conduire à un rejet automatique de la demande d’asile

Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes – Demande d’asile rejetée – Persécution et violence fondées sur le genre – Principe de non-refoulement – Convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, art. 1 à 3, 15 et 16.

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes est saisi par une ressortissante de la République islamique d’Iran ainsi que son mari lesquels s’opposent à la décision prise par le tribunal administratif fédéral suisse de les renvoyer vers leur pays d’origine. L’auteure affirme que si elle devait être expulsée, elle serait exposée à un risque imminent de violence et de torture en République islamique d’Iran en violation des articles 1 à 3, 15 et 16 de la Convention. De son côté, l’État partie considère qu’il existe, dans certaines localités, des centres d’accueil pour les victimes de violences fondées sur le genre et juge problématique le fait que l’auteure n’ait pas porté l’affaire devant les autorités iraniennes avant de quitter son pays. Le Comité conclut que l’État partie n’a pas dûment pris en considération le risque réel, personnel et prévisible que courrait l’auteure de devenir victime de formes graves de violences fondées sur le genre si elle était renvoyée dans son pays d’origine. Cette affaire pose ainsi la question de l’exigence pour les personnes victimes de violence de genre de s’adresser aux autorités de leur pays d’origine pour demander la protection avant toute sollicitation d’une protection internationale.

Pamphile Mpabansi et Christine Flamand

A. Décision

1. Les faits

L’auteure est une ressortissante de la République islamique d’Iran, appartenant à l’ethnie persane et de religion musulmane chiite. Son mari, A.T., possède la double nationalité de la République islamique d’Iran et de l’Iraq ; il est d’origine kurde et de religion musulmane sunnite. Ils ont tous deux terminé leurs études secondaires. Toutefois, à l’issue de son parcours scolaire, l’auteure s’est vue interdire de travailler et n’a été autorisée qu’à suivre des cours à la mosquée. L’auteure décrit les rôles prépondérants qu’assumaient son père et son frère au sein de sa famille. Elle-même et ses sœurs ne jouissaient d’aucune liberté. Elles devaient se conformer à des codes vestimentaires. Sa mère était battue par son père avec un câble électrique chaque fois qu’elle donnait naissance à une fille. Les sœurs de l’auteure ont dû épouser les hommes choisis par leur père. L’auteure soutient que la famille d’A.T. a demandé l’autorisation de sa famille pour l’épouser. Le père de l’auteure s’est toutefois opposé au mariage en raison de l’origine iraquienne et de la religion sunnite d’A.T. Il n’a pas laissé les membres de la famille d’A.T. entrer quand ils se sont présentés devant sa porte et a menacé de tuer l’auteure si elle portait atteinte à son honneur. Lorsque le père et le frère de l’auteure ont appris que celle-ci était enceinte, ils l’ont battue et ont voulu l’obliger à avorter. Craignant d’être à nouveau maltraitée, l’auteure est partie dès le lendemain avec A.T. à Zakhu, en Iraq, où ils ont vécu chez l’oncle d’A.T. En 2013, l’auteure et A.T. se sont mariés et, en mai 2014, elle a donné naissance à leur premier enfant en Iraq. En mai 2015, le père de l’auteure, accompagné d’un agent de police, s’est rendu au domicile du père de son mari pour exiger des informations sur les coordonnées du couple et c’est à ce moment que le père et les frères de l’auteure ont appris où elle se trouvait. À plusieurs reprises, au téléphone, ils ont menacé de s’en prendre à elle si elle ne revenait pas, seule, en République islamique d’Iran. Pendant plusieurs mois, l’auteure et sa famille ont vécu dans la crainte constante que le frère de l’auteure ne vienne en Iraq et ne l’enlève. C’est ainsi qu’en octobre 2015, l’auteure et sa famille, munis de faux passeports, ont quitté l’Iraq et sont arrivés en Suisse en 2016, en passant par la Turquie.

L’auteure et son mari ont déposé une demande d’asile en Suisse le 3 août 2016. Le 13 juillet 2018, l’auteure et son mari ont été entendus en détail sur les motifs de leur demande d’asile. Le 21 décembre 2018, le Secrétariat d’État aux migrations a rejeté leur demande d’asile. La famille a contesté cette décision devant le tribunal administratif fédéral.

2. Jugement du tribunal administratif fédéral

Le 21 avril 2021, le tribunal administratif fédéral rend sa décision.

Il explique de façon détaillée les raisons pour lesquelles il juge que les dires de l’auteure et de son mari sont crédibles. Le tribunal reconnaît en outre que la persécution et les mauvais traitements subis par l’auteure dans le passé, ainsi que les risques de mauvais traitements qu’elle pourrait endurer à l’avenir, comportent une dimension de genre.

Parallèlement, il relève que ces risques n’émanent pas des autorités, mais de personnes privées. S’interrogeant sur la question de savoir si les autorités de la République islamique d’Iran seraient disposées et aptes à protéger l’auteure, le tribunal conclut que les forces de l’ordre et le système judiciaire fonctionnent correctement en République islamique d’Iran et que les crimes d’honneur ou autres crimes fondés sur le genre se produisent principalement dans les zones rurales, où les populations sont peu instruites. Bien que les femmes puissent se heurter à des obstacles lorsqu’elles sollicitent la protection des autorités, il ne peut en être déduit que les autorités ne seraient pas aptes ou disposées à fournir une telle protection à l’auteure. Le tribunal considère en outre qu’il existe, dans certaines localités, des centres d’accueil pour les victimes de violences fondées sur le genre et juge problématique le fait que l’auteure n’ait pas porté son affaire devant les autorités iraniennes. De l’avis du tribunal, l’argument de l’auteure selon lequel les autorités n’auraient pas été en mesure de la protéger repose sur de simples conjectures. Par ailleurs, le tribunal estime qu’en tout état de cause, l’auteure et sa famille pourraient se réinstaller ailleurs en République islamique d’Iran.

3. Décision du CEDAW

Le 16 juin 2021, l’auteure, représentée par un conseil, présente sa communication devant le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (ci-après, « CEDAW »). L’auteure et A.T. font valoir que, s’ils étaient renvoyés, ils courraient un risque immédiat d’atteinte à leur vie et à leur intégrité physique et que l’auteure risquerait de faire l’objet de discrimination fondée sur le sexe. Elle craint également d’être victime d’un crime d’honneur, de violences, de maltraitance, d’enlèvement et de coercition. De plus, selon l’auteure et A.T., l’appréciation du tribunal administratif fédéral selon laquelle les autorités iraniennes sont aptes et disposées à protéger la famille est erronée et contredite par les rapports émanant d’organisations non gouvernementales (ci-après, « ONG »), d’organismes étatiques et d’organismes des Nations unies. Le renvoi de la famille en République islamique d’Iran serait contraire aux articles 1er à 3, 15 et 16 de la Convention[1], lus conjointement avec la recommandation générale no 35 (2018) sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre commise par des acteurs non étatiques et la recommandation générale no 32 (2014) relative aux aspects liés au genre des questions touchant les réfugiées, les demandeuses d’asile et la nationalité et l’apatridie des femmes dans la mesure où les femmes sont systématiquement victimes de discrimination juridique et sociale et n’ont souvent pas accès à la justice.

Le Comité prend note des allégations de l’auteure selon lesquelles, en cas de renvoi, elle serait soumise à des persécutions fondées sur le genre et à des formes de violence mettant sa vie en danger de la part de son père et de ses frères, tandis que les autorités iraniennes ne lui assureraient pas une protection effective. Le Comité estime que l’auteure n’aura aucune possibilité de demander la protection des autorités iraniennes, en raison des pratiques légales discriminatoires en vigueur en République islamique d’Iran et du puissant statut de protection accordé à la famille patriarcale.

Le Comité rappelle que l’État partie a affirmé que toutes les allégations de l’auteure avaient été soigneusement examinées par les services de l’immigration suisses. Il note que le tribunal administratif fédéral a jugé le récit de l’auteure crédible et suffisamment étayé. Notamment, ledit tribunal a considéré que les allégations du couple recueillies dans le cadre de la procédure interne étaient crédibles, s’écartant ainsi de l’évaluation du Secrétariat d’État aux migrations. Le Comité note toutefois que le tribunal administratif fédéral a également estimé qu’il n’était pas certain que l’auteure soit réellement exposée, dans un avenir proche, aux risques allégués. Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel le risque de formes graves de discriminations fondées sur le genre en cas d’expulsion n’est pertinent au sens du droit d’asile et du principe de non-refoulement que si la personne concernée ne peut pas obtenir une protection adéquate dans le pays de destination. Il relève en outre que l’État partie reconnaît que le respect des droits des femmes n’est pas toujours garanti en République islamique d’Iran, que ce soit en droit, par les autorités ou dans la société.

Compte tenu de ce qui précède, le Comité conclut que l’État partie n’a pas dûment pris en considération le risque réel, personnel et prévisible que courrait l’auteure de devenir victime de formes graves de violences fondées sur le genre si elle était renvoyée en République islamique d’Iran. En conséquence, le Comité conclut que l’État partie a manqué à ses obligations et que l’expulsion de l’auteure constituerait non seulement une violation du droit à ne pas subir des discriminations mais aussi, une violation du principe de non-refoulement des demandeurs d’asile. Il termine en adressant à l’État partie des recommandations lui enjoignant de s’abstenir de renvoyer l’auteure et sa famille vers leur État d’origine, ainsi que de rouvrir le dossier relatif à leur demande d’asile en tenant compte des commentaires du Comité.

B. Éclairage

L’intérêt de cette communication tient notamment au fait que le CEDAW se prononce pour la première fois sur le cas d’une femme migrante craignant des violences de genre en cas de retour dans son pays d’origine. Cela permet au Comité de mettre en œuvre les recommandations générales nos 32 et 35, qui concernent spécifiquement cette violence (alors que le mot « violence » en tant que tel n’apparaît pas dans la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes). Tous les autres comités ont déjà traité de cette question, qu’il s’agisse du Comité des droits de l’homme, du Comité contre la torture ou encore du Comité des droits de l’enfant[2].

Cette communication nous permet d’analyser, dans un premier temps, si le refus de recourir aux autorités de son pays d’origine pour demander une protection contre les violences de genre peut être une condition du rejet automatique de la demande de protection internationale (1). Dans un second temps, elle permet aussi d’analyser la reconnaissance du risque de persécution telle qu’appréciée par le Comité, en interdisant à la Suisse de renvoyer l’auteure et son mari vers leur pays d’origine (2).

1. Absence de la protection des autorités du pays d’origine du demandeur d’asile, une des conditions d’inclusion au statut de réfugié

Le premier éclairage de ce commentaire se concentre sur l’absence de protection de la part des autorités du pays d’origine du demandeur d’asile comme condition d’inclusion au statut de réfugié. Rappelons d’emblée que la protection internationale est une protection de substitution en l’absence de protection nationale contre les persécutions. Par ailleurs, précisons que si le Comité n’est pas une instance d’asile, il examine la demande à l’aune de la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (ci-après, « CEDEF ») en lien avec le refoulement et la protection contre les discriminations.

En l’espèce, les actes de persécution que l’auteure craint n’émanent pas des autorités nationales et les autorités suisses estiment par conséquent que l’auteure et sa famille pouvaient se réinstaller ailleurs en Iran. Le Haut Commissariat pour les réfugiés des Nations Unies a apporté un éclairage au regard des auteurs de la persécution en cas de violence liée au genre à travers ses principes directeurs sur la protection internationale et l’appartenance au groupe social ainsi que sur l’alternative de fuite interne pour les victimes de violences de genre (§ 51). Ces lignes directrices rappellent que les agents de persécution peuvent être soit des autorités étatiques, soit des acteurs privés lorsque leurs actes sont sciemment tolérés par les autorités ou si les autorités refusent ou sont incapables d’offrir une protection efficace. De plus, la recommandation générale no 32 du Comité indique que les formes de persécution liées au genre peuvent inclure la menace de violence et/ou les crimes dits « d’honneur ». Elle rappelle en outre que les atteintes portées aux femmes et aux filles sont souvent le fait d’acteurs non étatiques, notamment de membres de leur famille, de voisins ou plus généralement, de la société. Elle ajoute que dans de tels cas, l’article 2, point e), de la convention exige des États parties qu’ils assument leur obligation de diligence et veillent à ce que les femmes soient effectivement protégées contre les atteintes qui pourraient être portées à leur encontre par des acteurs non étatiques (recommandation no 32, § 27).

L’arrêt WS de la Cour de justice de l’Union européenne du 16 janvier 2024, en grande chambre, confirme ces enseignements essentiels. La Cour répond dans cette affaire à une question préjudicielle qui lui est posée par la juridiction d’asile de Budapest sur l’interprétation des articles 9 et 10 de la directive 2011/95 en lien avec les violences de genre. La Cour rappelle l’application de la CEDEF et de la convention d’Istanbul pour interpréter les questions de violences à l’égard des femmes dans le cadre de l’application de la directive qualification. La Cour de justice rappelle que lorsqu’une personne dit craindre d’être persécutée dans son pays d’origine par des acteurs non étatiques, il n’est pas nécessaire d’établir un lien entre l’un des motifs de persécution et de tels actes de persécution si un tel lien peut être établi entre l’un de ces motifs de persécution et l’absence de protection par les autorités nationales. Ainsi, il n’y a pas de protection lorsqu’un gouvernement n’est pas disposé à défendre les femmes contre les violences de genre, ainsi que dans des situations d’incapacité objective à fournir une protection significative[3].

L’auteure de la communication a par ailleurs prouvé que l’appréciation du tribunal administratif fédéral était erronée et contredite par les rapports récents sur la situation en Iran. De plus, elle a démontré l’existence de pratiques légales discriminatoires à l’égard des femmes en vigueur en République islamique d’Iran. À travers des exemples récents, elle démontre que son pays d’origine est un État misogyne, patriarcal, antidémocratique et totalitaire. De surcroît, elle ajoute qu’en cas de son renvoi vers ce pays, elle serait soumise à des persécutions fondées sur le genre et à des formes de violence mettant sa vie en danger de la part de son père et de ses frères, sans pouvoir compter sur une protection effective des autorités iraniennes. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de solliciter explicitement une protection des autorités nationales si cette protection se révelera ineffective.

2. Injonction du non-renvoi, conséquence de la reconnaissance du risque de persécution en raison de la violence fondée sur le genre

L’auteure fait valoir qu’en la renvoyant avec son époux et son enfant en République islamique d’Iran, la Suisse l’exposerait à des formes graves de violence fondées sur le genre infligées par des acteurs non étatiques (sa famille) ou étatiques. Ces violences basées sur le genre sont généralement comprises comme des violences dirigées contre une personne ou un groupe en raison de son genre[4]. La Cour de justice de l’Union européenne, dans l’arrêt WS, rappelle que les femmes, dans leur ensemble, peuvent être regardées comme appartenant à un « certain groupe social », au sens de l’article 10, § 1er, sous d), de la directive 2011/95, lorsqu’il est établi que, dans leur pays d’origine, elles sont, en raison de leur sexe, exposées à des violences physiques ou mentales, y compris des violences sexuelles et des violences domestiques (arrêt WS, § 57). La culture, la religion, la race, l’origine ethnique et plus généralement, les structures patriarcales sont présentées comme les principales explications des formes de violence fondée sur le genre à l’égard de ces femmes[5].

Le fait que le père de l’auteure se soit opposé à son mariage et qu’il voulait l’obliger à avorter font partie des persécutions fondées sur le genre. En effet, les femmes qui refusent un mariage forcé, lorsqu’une telle pratique peut être considérée comme une norme sociale au sein de leur société, ou qui transgressent cette norme en mettant fin au mariage, peuvent être considérées comme appartenant à un groupe social avec une identité propre dans leur pays d’origine, si, en raison de tels comportements, elles se voient stigmatisées et exposées à la réprobation de leur société environnante conduisant à leur exclusion sociale ou à des actes de violence (arrêt WS, § 58).

Le Comité considère qu’il incombe à l’État partie de procéder à une évaluation individualisée du risque réel, personnel et prévisible de persécution liée au genre et de violence liée à « l’honneur » auquel l’auteure serait exposée. Il souligne, d’une part, la vulnérabilité de l’auteure, en tant que musulmane chiite persane ayant désobéi à la volonté de son père et ayant « déshonoré » sa famille. D’autre part, le Comité relève la discrimination institutionnalisée persistante à l’encontre des femmes et des jeunes filles dans la vie publique et privée en Iran. Le Comité souligne également la réticence de la force publique à intervenir dans les affaires de violence domestique et de « crime d’honneur », réticence qui n’a pas été suffisamment prise en compte dans le contexte de l’affaire en question.

Dans son préambule, la CEDEF reconnaît explicitement que « les femmes continuent de faire l’objet d’importantes discriminations » et souligne qu’une telle discrimination « viole les principes de l’égalité des droits et du respect de la dignité humaine » (6e préambule). C’est pour cette raison que les formes aggravées ou cumulées de discriminations à l’égard des femmes peuvent être interprétées comme des persécutions au sens de la convention de 1951 en raison de leur appartenance au groupe social des femmes et conduire à la protection en tant que réfugiées.

En l’espèce, étant donné l’absence de doute sur le risque de persécution de la part de l’auteure de la communication, il s’ensuit que l’État partie se trouve dans l’obligation de ne pas la refouler vers son pays d’origine. Cette interdiction de refouler est inscrite à l’article 33 de la convention de Genève de 1951 et est le prélude à l’asile[6]. Ce principe est également repris dans la convention d’Istanbul et vise spécifiquement les victimes de violence à l’égard des femmes[7]. Comme ce risque est établi pour l’auteur au regard de son droit à la non-discrimination, l’État partie, la Suisse, est tenu au respect strict du principe de non-refoulement. Par ailleurs, comme l’a relevé le Comité, l’État partie est tenu de rouvrir le dossier relatif à leur demande d’asile pour accorder à l’auteure la protection en tant que réfugiée, en vertu de son risque avéré d’être exposée à un risque réel, personnel et prévisible de graves formes de violences fondées sur le genre.

3. Conclusion

Le rappel par le CEDAW de la nécessité de prendre en compte le risque de persécution en raison de violences de genre avant tout renvoi d’une personne sollicitant la protection internationale vers son pays d’origine est fondamental. Comme l’indique le Comité, et plus récemment encore, l’arrêt WS, il incombe à l’État partie de procéder à une évaluation individualisée du risque réel, personnel et prévisible de persécution auquel le demandeur de la protection serait exposé en cas de retour. En effet, si les demandeurs d’asile doivent en principe apporter des preuves à l’appui de leur demande, la vérification et l’évaluation de tous les faits pertinents doivent être conjointement effectuées par les demandeurs et l’examinateur de la demande. Les informations actualisées émanant de gouvernements, d’institutions ou d’ONG sont indispensables à cette évaluation. Ainsi, les demandes d’asile sont acceptées non pas à l’aune du critère de probabilité, mais à celui de l’éventualité raisonnable (reasonable likelihood) que la demandeuse a des craintes avérées d’être persécutée à son retour.

C. Pour aller plus loin

Lire la communication : CEDAW, 15 mai 2023, Tahereh Mohammdi Bandboni et consorts c. Suisse, comm. no 173/2021, Doc. CEDAW/C/85/D/173/2021.

Jurisprudence :

Doctrine :

Pour citer cette note : P. Mpabansi et Chr. Flamand, « Le refus de recourir aux autorités de son pays d’origine pour demander la protection contre les violences de genre ne peut conduire à un rejet automatique de la demande d’asile », Cahiers de l’EDEM, janvier 2024.

 

[1] L’art. 1er donne des détails sur l’expression « discrimination à l’égard des femmes ». L’art. 2 souligne l’obligation des États parties de condamner la discrimination à l’égard des femmes sous toutes ses formes et de poursuivre par tous les moyens appropriés et sans retard une politique tendant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes. L’art. 3 appelle les États parties à prendre dans tous les domaines toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour assurer le plein développement et le progrès des femmes, en vue de leur garantir l’exercice et la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales sur la base de l’égalité avec les hommes. L’art. 15 prévoit que les États parties doivent reconnaître à la femme l’égalité avec l’homme devant la loi. L’art. 16, quant à lui, oblige les États parties à prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux.

[2] Voy. C.A.T., 9 novembre 2015, F.B. c. Pays-Bas, comm. no613/2014, Doc. CAT/C/56/D/613/2014 ; H.C.R., 7 avril 2006, Diene Kaba c. Canada, comm. no 1465/2006, Doc. CCPR/C/98/D/1465/2006 ; C.R.C., 25 janvier 2018, I.A.M. c. Danemark, comm. no 3/2016, Doc. CRC/C/77/D/3/2016.

[3] J. C. Hathaway, The law of refugee status, Canada, Butterworths, 1991, p. 125.

[4] E. Tastsoglou et al., « The Gender of Canadian Legal and Policy Gender-Based Violence and Immigration Frameworks », in Gender-Based Violence in Migration : Interdisciplinary, Feminist and Intersectional Approaches, Cham, Springer, 2022, p. 88.

[5] J. Freedman, N. Sahraoui et E. Tyszler, « Gender-based Violence as a “Consequence of Migration” : How Culturalist Framings of GBV Ignore Structural Violence Against Migrant Women in France », in Gender-Based Violence in Migration, ibid., p. 119.

[6] V. Chetail, « Migration, droits de l’homme et souveraineté : le droit international dans tous ses états », in Mondialisation, migration et droits de l’homme : le droit international en question, Bruxelles, Bruylant, 2007, pp. 13-133.

[7] Convention d’Istanbul, art. 61 : « Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les victimes de violence à l’égard des femmes nécessitant une protection, indépendamment de leur statut ou lieu de résidence, ne puissent en aucune circonstance être refoulées vers un pays où leur vie serait en péril ou dans lequel elles pourraient être victimes de torture ou de peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

Publié le 01 février 2024