Les métiers en pénurie
cio |
En parallèle, les deux organismes publient également une liste des études organisées en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) qui conduisent aux métiers jugés en pénurie.
Sous certaines conditions, il est possible pour les demandeur·euses d’emploi bénéficiaires d’allocations d’insertion ou de chômage de reprendre des études de plein exercice figurant dans ces listes tout en percevant ces allocations. Il est également possible pour les demandeur·euses d’emploi qui terminent une formation dans un métier en pénurie de recevoir un incitant financier.
Dans son second numéro de StatSup’Info, l’académie de recherche et d’enseignement supérieur (ARES) a réalisé une analyse statistique des inscriptions et des résultats au sein de ces listes.
La méthodologie d’Actiris et du Forem pour identifier les fonctions critiques (qui déterminent à leur tour les métiers en pénurie, puis les études qui mènent vers ces métiers) sont similaires et se basent sur des facteurs quantitatifs (nombre d’offres d’emploi reçues, taux de satisfaction de ces offres et durée moyenne nécessaire pour les satisfaire) et qualitatifs (enquête auprès de conseiller·es aux entreprises, des fonds sectoriels de formation et des fédérations sectorielles).
Les études identifiées dans les listes d’Actiris et du Forem et considérées comme en pénurie sont déterminées sur base des métiers qui sont en tension auprès de ces organismes. Cela ne représente pas l’ensemble du marché de l’emploi, mais uniquement les métiers pour lesquels les entreprises font appel à eux. De plus, les agrégations de l’enseignement secondaire inférieur (AESI) et les Certificats d’aptitudes pédagogiques (CAP) ne sont pas inclus dans la liste des études « en pénurie », car ils font l’objet d’un arrêté distinct. Les professions associées à ces études sont également en pénurie de main-d’œuvre.
L’analyse de l’ARES montre tout d’abord que le nombre d’études concernées augmente au fil du temps avec un changement plus marqué pour la Wallonie en comparaison de la Région de Bruxelles-Capitale. Sur l’ensemble de la formation initiale disponible en FWB, environ une formation sur cinq conduit à un métier avec une pénurie de main-d’œuvre. Pour la formation de spécialisation, c’est près d’une formation sur dix qui est concernée. L’ensemble de ces études se répartissent sur trois des quatre secteurs identifiés par le décret « Paysage ». Seul le secteur de l’art est absent des listes.
Le nombre d’étudiant·es inscrit·es dans des études qui mènent à un métier en pénurie représente pratiquement la moitié de l’ensemble des étudiant·es. Cette proportion est relativement stable sur la période analysée (de 2004-2005 à 2019-2020).
Pour 2019-2020, en moyenne 6 étudiant·es sur 10 sont des femmes dans l’enseignement supérieur en FWB. Cette situation varie selon le secteur des études : dans le secteur « Paysage » de la santé, elles représentent 7 étudiant·es sur 10, alors que dans celui des sciences et techniques, elles ne représentent qu’un·e étudiant·e sur 4. Pour ce dernier secteur, la situation est également différente suivant le type d’établissement : la proportion descend à 1 étudiant·e sur 5 pour les hautes écoles et atteint 4 étudiant·es sur 10 pour les universités.
Le graphique ci-dessous montre la proportion d’hommes et de femmes inscrit·es dans des études qui mènent à des métiers en pénurie de main-d’œuvre ou non, selon le secteur « Paysage » et le type d’établissement, en 2019-2020
Un premier constat qui ressort de ce graphique est que la proportion d’hommes et de femmes est différente selon les secteurs et le type d’établissement avec deux situations opposées : la proportion de femmes qui suit des études qui mènent à des métiers en pénurie, dans le secteur des sciences et techniques (en haute école), est de seulement 10% contre 80% dans le secteur de la santé. Ce constat est le reflet d’une tendance plus générale : les femmes ont tendance à s’orienter vers le secteur de la santé alors que les hommes choisissent les sciences et techniques. Cependant, comme le montre le premier numéro de StatSup’Info de l’ARES, les femmes sont en train de s’orienter de plus en plus vers les sciences. Mais la parité ne doit pas être espérée à court terme, car la situation de départ est fortement déséquilibrée.
Ensuite, le graphique met en avant des différences de proportion d’étudiant·es selon le genre entre les études qui mènent à des métiers en pénurie de main-d’œuvre par rapport aux autres études d’un même secteur. À nouveau, la situation avec l'écart le plus important se situe dans le secteur des sciences et techniques où les femmes sont respectivement de 12% et 36% du total des étudiant·es (en haute école). On notera également que certains secteurs affichent des proportions pratiquement identiques, quelle que soit la catégorie d’études. C’est le cas par exemple du secteur des sciences humaines et sociales en haute école ou encore du secteur de la santé en université.
En bref, tout secteur et domaine « Paysage » confondu, 1 étudiant·e sur 2 inscrit·es dans des études qui mènent à un métier en pénurie de main-d’œuvre est une femme. Cependant, sur 100 étudiants, 60 suivent des études qui mènent à un métier en pénurie de main-d’œuvre alors que pour 100 étudiantes, 40 suivent ces études.
Lire aussi En quoi les stéréotypes sur les métiers influencent-ils nos choix de formation et choix de métier ?
Néanmoins, on peut s’interroger sur la prise en compte du facteur pénurie dans le choix des études. En effet, la proportion d’étudiant·es inscrit·es dans des études qui mène à un métier en pénurie est pratiquement constante sur la période 2004-2005 à 2019-2020, avec même une diminution pour les 3 dernières années académiques. Il y a peut-être là des pistes de réflexion politique sur la visibilité à donner aux études qui mènent aux métiers en pénurie de main-d’œuvre.
Par Loïc Legros, Attaché de direction / Direction des études et statistiques ARES - Académie de recherche et d'enseignement supérieur