Souvenirs sur toile. De l’ombre à la lumière
La programmation du CinéClub Louvain-la-Neuve 24-25
Les moments du passé n’ont souvent pas d’autre vocation que de demeurer à tout jamais prisonniers de la noirceur de l’oubli. Ils peuvent toutefois être tirés de cette obscurité par l’action du souvenir qui, une fois exposé à la lumière du présent, rend ces moments à nouveau agissants. Notre monde contemporain est ainsi constellé de lumières revenues du passé qui forgent notre identité, nous inspirent et parfois dépassent notre seul cadre individuel pour constituer une mémoire collective. Le cinéma, qui est par essence un dispositif projetant des récits en lumière depuis une salle obscure, apparaît comme un outil privilégié pour celles et ceux qui souhaitent se souvenir.
Est à ce trajet de l’ombre du passé vers la lumière du présent par les moyens du cinéma, que votre ciné-club a choisi de consacrer sa saison 2024-2025, en lien avec la thématique annuelle de l’UCLouvain, « Mémoires vives ». L’acte de tirer le passé de l’oubli n’est pas neutre. Il est parfois difficile de se tourner vers la lumière tant que n’ont pas été affrontés les démons de jadis ou la peur de l’amnésie. Le programme de cette année s’articule en deux temps, le premier centré sur les ombres du passé, l’autre sur l’incandescence de souvenirs rescapés de l’oubli.
Assez logiquement, la saison s’ouvre avec La sorcellerie à travers les âges qui revisite les périodes les plus nébuleuses de la lutte contre la sorcellerie, dans un cocktail d’effets spéciaux horrifiques et de questionnements tout à fait modernes sur l’état de notre société et sa relation aux sorcières. Viennent ensuite le mythique Citizen Kane, où il s’agit de lever le voile sur les zones d’ombres d’un illustre personnage en reprenant sa formidable ascension depuis sa genèse, mais aussi Hiroshima mon amour, avec son histoire d’amour mythique entre deux âmes errantes hantées par la mémoire de la bombe atomique. Il est encore question d’oubli et de lutte contre l’amnésie avec le flamboyant Dark City, chef d’œuvre oublié de la science-fiction rétrofuturiste des années 90. Ce quadrimestre placé sous le signe de la lutte contre l’oubli est également l’occasion de revoir sur grand écran Eternal sunshine of the spotless mind. Tandis que l’obscurité de l’hiver envahit nos rues, un retour vers la lumière s’amorce avec Nostalgie de la lumière, magnifique documentaire qui met en relation une station d’observation astronomique au Chili et les vestiges de la dictature militaire de Pinochet.
C’est tourné vers la lumière que se poursuit la saison, avec Amarcord, film-souvenir sur la jeunesse de Federico Fellini, teintée par la montée du fascisme, peuplé de personnages inoubliables. Suit le rayonnant et sensible film Les garçons de Fengkuei, où le cinéaste fictionnalise ses souvenirs d’adolescence ; puis Jacquot de Nantes où Agnès Varda offre le plus beau des cadeaux à son grand amour, sous la forme d’une reconstitution libre et audacieuse des grands moments de sa vie. Cette veine lumineuse, parfois nostalgique mais toujours vivifiante, est aussi à l’œuvre dans Souvenirs goutte à goutte. Ode à la nature et à la vie à la campagne, ce film injustement oublié des studios Ghibli est projeté pour la première fois en salle dans une version restaurée. Une séance spéciale est l’occasion de projeter Quelques jours en Avril, important travail de mémoire sur le génocide Rwandais. Nous clôturons la saison avec Les filles d’Olfa, où la cinéaste tunisienne reconstitue l’histoire de deux de ses quatre filles « dévorées par le loup » quelques années auparavant. Un film étourdissant, complexe et inspirant, comme pour apporter la note finale à une saison que nous espérons… inoubliable.