Les mécanismes de l’inflammation se dévoilent

L’inflammation est bien connue depuis de nombreuses années déjà. On sait qu’il s’agit d’une réponse du système immunitaire face à un pathogène ou d’un dommage aux tissus de l’organisme, afin de rétablir une situation normale. Mais tous ses mécanismes ne sont pas encore connus. L’équipe de David Alsteens, chercheur à l’Institut des Sciences de la vie de l’UCL, en a découvert un nouveau, grâce au microscope à force atomique qui s’avère encore une fois d’une aide précieuse.

Nous avions déjà évoqué, dans un précédent article, les avancées que permet le microscope à force atomique à l’équipe de recherches de David Alsteens. Pour rappel, cette technique peut être comparée à la pointe nanoscopique d’un tourne-disque, sur laquelle les chercheurs peuvent fixer un ligand et venir frapper en douceur, point par point, à la surface d’une cellule. Celle-ci possède en effet une grande quantité de récepteurs différents et cette cartographie va permettre d’observer avec quel récepteur le ligand va s’associer. « Les cellules de mammifères sont très complexes à étudier car très fragiles. Voilà seulement deux ans qu’il est possible de travailler sur ces cellules dans des conditions physiologiques, c’est à dire optimales, grâce à une nouvelle chambre qui parvient à les maintenir en vie. Il s’agit d’une avancée capitale dans le domaine. De plus, avec le microscope à force atomique, nous avons la capacité désormais de mesurer directement des interactions spécifiques entre ligand et récepteurs. Nous pouvons donc sonder une cellule individuelle avec une molécule particulière, ce qui affine la compréhension des mécanismes précis. Nous avons dès lors transposé cette méthode dans le mécanisme de l’inflammation, qui garde encore quelques zones d’ombre », explique David Alsteens.

Macrophages alertés

L’inflammation est un mécanisme naturel de défense initié par le système immunitaire pour réagir soit à une infection due à un pathogène, soit à des dommages cellulaires, par exemple dans le cas d’une blessure. Dans le premier cas, la réponse inflammatoire est infectieuse, dans le second cas, elle est non infectieuse. « Dans le cas d’une réponse inflammatoire non infectieuse, nous savons que des molécules provenant de la cellules sont relarguées en dehors de celle-ci. Elles vont alors jouer le rôle de système d’alarme, interagir avec le système immunitaire et vont provoquer la réponse de l’organisme qui va procéder aux réparations des dommages. Ainsi, par exemple, lorsque des tissus du myocarde sont déchirés, des molécules intracellulaires sont exfiltrées des cellules cardiaques, vont provoquer la réaction des macrophages qui à leur tour vont alerter le système inflammatoire. Le problème c’est que l’on ignorait quelles molécules entraient en jeu et comment elles interagissaient avec les macrophages. » Parmi les molécules qui sont expulsées de la cellule lorsqu’elle est endommagée, il y a la peroxyrédoxine. « Elle était déjà connue : il s’agit d’une molécule intracellulaire qui possède un pouvoir antioxydant, étant donné qu’elle contrôle la quantité de peroxydes et de radicaux libres. . Elle non plus, on n’en connaissait pas bien le mécanisme. Nous l’avons donc testée comme ligand sur la pointe de notre microscope à force atomique pour aller scanner le macrophage et nous avons montré qu’elle s’y liait à ses récepteurs TLR4. Cela avait pour effet la libération de cytokines inflammatoires destinées à réparer le tissu », résume David Alsteens. C’était déjà une première découverte.

Durcissement des cellules

Mais une deuxième découverte va suivre. « Nous avons par ailleurs constaté que lorsqu’elle se liait aux macrophages, la cellule devient plus rigide. Et nous avons pu établir que cette rigidité était provoquée justement par cette liaison. Lorsque l’on sait que chez certaines personnes, trop d’inflammation peut engendrer un risque accru d’accident vasculaire cérébral ou d’infarctus, et que les cellules sont chez eux trop rigides, nous obtenons une application directe de notre recherche dans la clinique. Pour prévenir les maladies cardiovasculaires, il est donc important de lutter contre l’inflammation, ce qui ouvre la voie à des études dans ce sens… », se réjouit-il. Et d’ajouter que l’on sait déjà que diminuer l’inflammation implique une diminution de cette rigidité des cellules des artères, et donc réduit le risque cardiovasculaire… Si l’inflammation est une réponse immunitaire innée, destinée à protéger l’organisme des dommages ou des pathogènes, on peut aussi constater qu’elle peut mener à des effets négatifs. « L’inflammation peut être présente n’importe où dans le corps et avoir un impact cardiaque négatif. C’est pourquoi il est important de garder une vision globale, car l’inflammation peut avoir des implications dans beaucoup de pathologies. »

Collaboration 100% UCL

Ces deux découvertes sont une première mondiale, cela mérite d’être souligné. Même si plusieurs équipes travaillent sur la compréhension des mécanismes de l’inflammation, celle de David Alsteens est leader dans la technique utilisée, à savoir le microscope à force atomique. « Nous avons travaillé avec l’équipe de Bernard Knoops, qui étudiait les fonctions de la peroxyrédoxine ; ils avaient observé son rôle intracellulaire, mais aussi extracellulaire, ce qui a éveillé la curiosité sur son rôle exact. Ils avaient vu qu’il y avait une implication des TLR4 mais ils ne savaient pas s’il s’agissait d’un lien direct ou si une cascade de réactions venaient entre les deux. Ils sont venus dans notre département pour étudier cela avec le microscope à force atomique et la réponse s’est révélée : le lien est bien direct… » Ces deux découvertes importantes ont été publiées le 15 mars 2018 dans la revue Cell Chemical Biology et feront très certainement des émules.

Carine Maillard

 

Coup d’œil sur la bio de David Alsteens

Après un baccalauréat de bio-ingénieur à l’Université Catholique de Louvain décroché en 2004, David Alsteens a obtenu en 2007 son master d’ingénieur en chimie et bio-industrie. Son mémoire de master laissait déjà présager du domaine qui le passionnait, puisqu’il traitait de l’organisation à l'échelle nanométrique de la paroi cellulaire mycobactérienne. C’est lors de son doctorat, entre 2007 et 2011, en chimie et nanobiophysique qu’il va approfondir son champ d’étude, sous la direction d’Yves Dufrêne, de l’Unité de Chimie des Interfaces (« Surface and Colloid Chemistry Lab ») de l’UCL. Aspirant chercheur FNRS durant son doctorat, il devient chargé de recherches FNRS à l’Institut des sciences de la vie de l’UCL, entre 2011 et 2013. Il donne parallèlement un cours sur les caractéristiques des surfaces des matériaux. Il passe ensuite deux années, entre 2013 et 2015, à l’école polytechnique fédérale de Zurich (Suisse) au Département de Biosystems Science and Engineering, dans le cadre d’une bourse EMBO (European Molecular Biology Organization). Depuis octobre 2015, il est chercheur qualifié FNRS, à l’Université Catholique de Louvain.
Il est l’auteur de nombreuses publications, donne des conférences et supervise des travaux de mémoire des étudiants de l’UCL.

 

Publié le 29 mars 2018