Migrations et approches décoloniales du droit | Cycle de séminaires

Louvain-La-Neuve

Migrations et approches décoloniales du droit 

Cycle de séminaires 

Organisé par les Pr. Sylvie Sarolea et Dr. Sandrine Brachotte 

 

 Sylvie Sarolea, professeure à l’UCLouvain, enseigne le droit des migrations et les droits humains. Elle est aussi avocate au barreau du Brabant wallon. Elle a fondé l’EDEM qu'elle coordonne depuis 2011. Elle est membre du réseau académique Odysseus. Elle coordonne et/ou participe à plusieurs projets de recherche interdisciplinaires (LIMA, GLOBMIG, VULNER, ISEMI…). Elle est impliquée dans des partenariats privilégiés au Canada, en Afrique du Nord, de l’Ouest et centrale. Avec la Clinique juridique Rosa Parks pour les droits humains, elle a monté le projet MERCATOR rassemblant huit cliniques juridiques actives dans le domaine de l’immigration. 

Sandrine Brachotte est chargée de cours invitée à l’UCLouvain (campus Saint-Louis), où elle enseigne les cours et séminaires de legal theory. Ses domaines d’expertise couvrent les théories décoloniales du droit, le droit international privé, le droit comparé, l’arbitrage international, et les droits de l’homme. Qualifiée Avocate au Barreau de Bruxelles en 2015 et diplômée du Doctorat en droit de Sciences Po Paris en 2022 avec une thèse sur le thème « private international law and conflicts of worldviews », elle travaille actuellement sur la question de la décolonisation du droit international privé européen dans le contexte migratoire.  

Les appels à décoloniser la recherche et l’enseignement sont de plus en plus fréquents sans pour autant que ni la portée ni les enjeux du déplacement ou de la diversification des regards soient bien compris.  

Il ne s’agit ni de revenir sur la période coloniale, ni d’opposer une vision à une autre, mais bien au contraire d’étudier les enjeux du monde contemporain en élargissant le prisme d’analyse et en acceptant de la déplacer. Les démarches de décentrement sont diverses. Il s’agit à la fois de faire ce que toute démarche de recherche implique, c’est-à-dire se distancer du sujet de réflexion pour l’envisager sous d’autres angles. Il s’agit aussi d’intégrer dans l’analyse une conscience des rapports de domination qui peuvent avoir défini un cadre. Il s’agit évidemment d’admettre que d’autres réels que le « nôtre » méritent d’être étudiés. Les approches interdisciplinaires sont utiles mais ne sont pas suffisantes si le regard part toujours de la même géographie. Il faudrait à la fois multiplier les regards, changer de lunettes, mais encore échanger avec celles et ceux qui regardent d’ailleurs et avec d’autres lunettes. Deux yeux ne suffisent à l’évidence pas à ces décentrements. Il faut apprendre à conjuguer ces regards sans hiérarchie et à tirer profit autant que possible de l’aptitude collective à penser un réel complexe. Cela ne remet nullement en question la richesse d’un questionnement individuel rigoureux mais cela influe sur la manière dont il est construit (sur la base de quelles sources et avec quelle conscience des biais) et sur l’usage qui en est ensuite fait.  

Cette réflexion est particulièrement importante en matière migratoire. Ce domaine de recherche est confronté à un environnement politique et à des opinions sociétales très clivés, à un contexte géopolitique où la référence à la « crise » semble justifier des réponses rapides et souvent unilatérales, à un contexte influencé par des rapports de domination passés et par un fossé économique rendant parfois inaudibles les points de vue des suds. Les deux dernières décennies sont caractérisées par une fuite en avant des pays riches vers des politiques sécuritaires, fondées sur l’obsession d’entraver et de repousser les mobilités dans un monde pourtant marqué par la mondialisation des risques, des savoirs, des idées, … La résultante de ces tensions est l’adoption de réponses tout aussi délétères qu’inefficaces. Elles sont en effet problématiques en termes de valeurs et de menaces pour les droits humains mais également inefficaces quant au résultat recherché L’illusion de l’entrave efficace aux mouvements migratoires est de plus en plus évidente et pourtant si présente.  

Dans ce contexte, l’appel à décoloniser les regards vise à accepter l’idée que la recette appliquée, celle de l’unilatéralisme, ne fonctionne pas, et qu’il faut changer les perspectives. Oser le multilatéralisme, oser la fluidité, oser l’équité, oser la réciprocité, oser parier sur une autre gouvernance. Pour oser, il faut aussi se départir des vieux réflexes qui nous font croire que nous avons seuls la réponse sans écouter d’autres points de vue qui sont ici singulièrement ceux des chercheurs des pays les plus concernés, les pays d’origine et aussi de transit. 

Pour réfléchir ensemble à ces questions, nous vous proposons trois premiers séminaires exploratoires. Ils sont destinés à servir des bases à une réflexion plus large et peut-être à un projet de recherche collectif.

Premier séminaire

Vendredi 23 février de 12h à 14h : UCLouvain-Saint-Louis-Bruxelles, Salle des Examens (au 2e étage du 43 Bd Botanique) et sur Teams

 Présentation du projet :

Pr. Sylvie Sarolea : Introduction et dynamique. 

  • Il s’agit de dépasser une approche exclusivement conceptuelle pour aborder des manifestations de l’approche coloniale dans les règles de droit positif, en ce compris le soft law et les procédures. 

  • Il s’agit aussi de préparer une semaine d’automne dédiée à cette thématique dans le cadre du réseau de cliniques juridiques Mercator. Cette semaine devrait se tenir à Tunis et réunir des étudiant.es et chercheur.es des équipes partenaires.

Dr. Sandrine Brachotte : Pour une approche décoloniale du droit : enjeux épistémologiques à l’ère globale.  

  • Résumé de la présentation : Les études juridiques décoloniales, aussi connues sous le nom de decolonial legal studies, peuvent concerner toutes les branches du droit – national, régional ou international. Elles se concentrent par ailleurs sur les contextes étatiques postcoloniaux ou sur le contexte postcolonial global, lequel implique notamment les rapports entre les Etats postcoloniaux et les Etats occidentaux. Dans ce dernier cadre, la théorie décoloniale, plus souvent appelée decolonial theory et initiée en Amérique latine, argue de la nécessité de compenser le « différentiel de pouvoir » (Mignolo) entre les modes d’existence occidentaux et non-occidentaux, issu du processus de colonisation et maintenu depuis, notamment par l’imposition de la conception moderne du droit au niveau global. Fondée sur ces travaux, la présentation identifie les enjeux épistémologiques de la décolonisation du droit en Occident, à la fois d’un point de vue substantiel et d’un point de vue méthodologique, pour ce qui concerne la recherche, l’enseignement et l’élaboration du droit positif. 

Echanges avec les participants

Deuxième séminaire

Mardi 12 mars de 12h à 14h : UCLouvain-Louvain-la-Neuve – MORE 78 et sur Teams

 Décoloniser l’approche du droit des migrations en intégrant le regard des Suds, outre un point de vue nord-américain, avec :

  • Pr. Trésor Maheshe, Université catholique de Bukavu
  • Pr. Florian Hoffmann, Pontifícia Universidade Católica do Rio de Janeiro (PUC-Rio), chercheur associé au Núcleo de Direitos Humanos (Centre des droits de l’homme)
  • Pr Péter Szigeti, Universté d’Alberta

Modération: Pr. Sylvie Sarolea et Dr Sandrine Brachotte

Echanges avec les participants

Troisième séminaire

Mardi 23 avril de 9h à 12h : UCLouvain-Louvain-la-Neuve et sur Teams

Décoloniser l’approche du droit des migrations

Coordonné par Sylvie Sarolea et Sandrine Brachotte

Réflexions et présentations des doctorant.es au départ de plusieurs questions spécifiques qui permettent d'illustrer le cadrage strict que nos références de pensée imposent, afin de repenser les politiques migratoires internes et externes vis-à-vis des pays des suds.

 Les chercheur.es sont invité.es à soumettre des propositions de communication orale. L’objectif était d’échanger sur les projets, de croiser les approches et de nouer des liens.

Plus d'info ici.

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Publié le 25 janvier 2024