Une bactérie prédatrice de… bactéries

 
La Dr Géraldine Laloux a reçu un « ERC starting grant ». Ce prestigieux financement européen va l’aider à poursuivre ses recherches sur une petite bactérie au cycle de vie atypique. 

Bdellovibrio bacteriovorus est une drôle de petite bactérie, au cycle de vie atypique. « Elle s’attaque aux bactéries à Gram négatif, qui ont la particularité d’avoir une double membrane cellulaire », explique la Dr Géraldine Laloux, chercheuse FNRS en microbiologie à l'Institut de Duve de l'UCLouvain. « B. bacteriovorus s’immisce et se ménage une petite niche entre les deux couches membranaires. De là, elle sécrète des enzymes pour manger et digérer le contenu de la bactérie hôte. Grâce à cette nourriture, elle grandit, prend la forme d’un long filament qui se saucissonne en petites cellules filles – faisant exploser la bactérie hôte au passage. Ces nouvelles B. bacteriovorus partent à leur tour à la recherche d’une autre victime pour se reproduire. »  

Un futur antibiotique vivant ?

On trouve B. bacteriovorus à l’état naturel un peu partout, notamment dans les milieux aqueux. Il semblerait même qu’il y en ait dans nos intestins. Cette bactérie prédatrice intéresse beaucoup les chercheurs. Et pour cause : inoffensive pour l’homme, elle est redoutable pour certaines bactéries pathogènes et (multi)résistantes aux antibiotiques. Mais alors que plusieurs laboratoires dans le monde l’étudient dans ce but (1), le Dr Laloux s’intéresse plutôt à son cycle de vie. « D’habitude, une bactérie mère se reproduit en se divisant en deux cellules filles. Chez B. bacteriovorus, le nombre de cellules filles est à la fois plus élevé et variable. Le but de mes recherches est de comprendre les tenants et aboutissants de ce cycle de vie si particulier. Comment fait-elle ? Avec quels enzymes ? Quels gènes s’expriment chez elle ? De quelle façon, à quel moment de son développement et dans quelle zone les protéines qui contrôlent le cycle de vie bactérien et que l’on connaît bien chez d’autres espèces interagissent de façon à ce que B. bacteriovorus se comporte de la sorte ? »      

De l’importance de la recherche fondamentale

C’est pour pouvoir se pencher sur ces questions que le Dr Laloux s’est vu octroyer un « ERC starting grant »(2). « Nous ne comprenons qu’une petite partie des bactéries et de leur cycle de vie », rappelle la chercheuse. « Il reste bien des choses à explorer et à découvrir ! D’ailleurs, un nombre croissant de laboratoires se détournent des bactéries les plus connues pour se pencher sur des microorganismes plus atypiques. »
L’ERC starting grant va permettre au Dr Laloux d’engager du personnel (doctorants, postdoctorants, technicien) et d’acheter le microscope de pointe dont elle a besoin pour ses travaux. « Pendant cinq ans, je vais pouvoir me consacrer entièrement à mes recherches sans devoir chercher des financements ! » se réjouit-elle. « C’est important de faire de la recherche fondamentale sur les bactéries. Si nous voulons en utiliser certaines au niveau thérapeutique, il nous faudra être capables de les manipuler. Or, pour se faire, nous devons comprendre exactement comment elles fonctionnent. » 

De Namur à Harvard… et Yale

La recherche et les sciences de la vie ont toujours attiré Géraldine Laloux. « En rhéto, j’ai effectué un stage dans une firme pharmaceutique. J’ai tout de suite été séduite par le travail en laboratoire. » À l’université de Namur, plusieurs professeurs (Jean Vandenhaute, Xavier De Bolle, etc.) lui communiquent leur passion pour la microbiologie et la soutiennent dans son intérêt pour les bactéries. Dans le cadre de son mémoire, elle va passer trois mois dans un laboratoire de génétique et de biosynthétique de la prestigieuse Harvard Medical School. Une aubaine rare à l’époque ! C’est la première fois que la jeune femme part seule à l’étranger, hors vacances. Une expérience à laquelle elle prend gout puisque, quelques années plus tard, elle retourne aux États-Unis, à Yale, cette fois. « J’avais envie d’étudier la biologie cellulaire des bactéries. Grâce à la microscopie de pointe, on peut voir comment l’intérieur de ces bactéries (ADN, protéines, etc.) s’organise. »
En 2013, de retour au pays, elle intègre l’Institut De Duve de l'UCLouvain. Dans le laboratoire du Pr Jean-François Collet, elle en apprend davantage sur les enveloppes bactériennes. Ce qui l’amène un jour à se pencher sur B. bacteriovorus. « J’aimerais présenter mes premiers résultats en 2019. A terme, j’espère que le laboratoire que l’ERC starting grant va me permettre de monter deviendra reconnu dans le domaine de la biologie des bactéries. » C’est tout le mal qu’on lui souhaite !  

Candice Leblanc

(1)    Plusieurs laboratoires cherchent ainsi à confirmer son innocuité pour l’homme et son efficacité antibiotique. 
(2)    D’un montant de 1,5 million d’euros, les « ERC starting grants » sont destinés aux jeunes chercheurs européens. 

Coup d'oeil sur la bio de Géraldine Laloux

2005:Master en biologie cellulaire et moléculaire à l’Université de Namur
2009:Doctorat en sciences à l’Université de Namur
2010-13:Chercheuse au département de biologie moléculaire, cellulaire et développementale de l’Université de Yale (USA)
2013-17:Chercheuse à l’Institut de Duve de l’UCLouvain (Chargée de recherche FNRS de 2014 à 2017)    
2017:Lauréate du prix Alvarenga de Piauhy de l’Académie Royale de Médecine
Depuis 2017:Professeure UCLouvain et Chercheuse qualifiée FNRS 
2018:Lauréate d’un « ERC starting grant »

Publié le 03 octobre 2018