Cette année, le Comité Français de Mécanique des Sols et de géotechnique (CFMS) a invité Alain Holeyman à présenter la Conférence Coulomb. Une invitation reconnue comme un prix scientifique majeur dans le domaine de la géotechnique. Retour sur le parcours de ce scientifique.
C’est désormais une tradition instaurée par le Comité Français de Mécanique des Sols et de géotechnique (CFMS) : chaque année, un scientifique dont les travaux ont apporté un développement majeur dans le domaine de la géotechnique est invité à présenter ses travaux lors de la Conférence Coulomb. En 2017, c’est le Professeur Alain Holeyman, de l’École Polytechnique de Louvain qui a l’honneur d’être invité.
Une plongée sous le visible
Comme un iceberg, un ouvrage d’art présente une partie visible, ce qu’on appelle la structure, et une partie invisible, les fondations, qui permettent à la structure de trouver son assise dans le sol. Sans une bonne fondation, la structure, même la mieux conçue ou la plus esthétique, n’a aucune chance d’être durable. C’est le sol, ce lieu de dialogue entre la construction et son environnement qui a passionné Alain Holeyman depuis ses études d’ingénieur civil. « Ces fondations qui supportent un pont ou un bâtiment, par exemple, mais aussi les sols et leurs caractéristiques dont il faut tenir compte pour que ces fondations assurent leur rôle de stabilisation m’ont très vite intéressé », explique le scientifique spécialisé en géotechnique, cette discipline qui étudie la couche la plus proche de la surface de la terre en contact direct avec la structure construite. Et ce, que l’on soit sur terre ou en mer.
Des travaux aux dimensions humaines
Le point fort de cette discipline ? Elle est au cœur des problématiques de mobilité et de cohésion sociale : « La construction d’un pont ou de la plupart des infrastructures publiques bénéficiera à toute la population. La manière de penser l’ouvrage est importante pour la vie quotidienne des gens. C’est un défi qui m’intéresse particulièrement. En outre, pour chacun de ces projets, il faut penser au cadre naturel dans lequel l’ouvrage s’insère. Ce cadre naturel est souvent un sacré défi qui se renouvelle sans cesse ». Dans ce contexte, Alain Holeyman a consacré sa carrière à deux thématiques précises : le géo-environnement et la géodynamique.
Le comportement du sol sous conditions extrêmes
Après plusieurs années consacrées à des questions environnementales, Alain Holeyman s’est intéressé à la géodynamique des sols, et notamment à la manière dont ceux-ci réagissent lorsqu’ils sont soumis à des sollicitations extrêmes. « En cas de tremblement de terre, par exemple, comment le sol va-t-il réagir et quel sera l’impact sur les fondations ? Pour répondre à ces questions, il faut étudier l’interaction entre les trois milieux qui composent les différentes couches du sol : les milieux solide, liquide et l’air qui réagissent de manières différentes aux contraintes », poursuit Alain Holeyman qui trouve cette problématique aussi complexe que passionnante.
Zoom sur les pieux…
Mais, dans cette thématique, un type de fondations intéresse particulièrement Alain Holeyman : les fondations sur pieux, ces éléments qui viennent soutenir les structures sur sol médiocre en allant chercher une meilleure résistance dans les couches plus profondes du sol. « Depuis plusieurs années, j’ai concentré mes recherches sur la manière de les mettre en place dans le sol. Ce n’est peut être pas évident pour les novices, mais cette partie du travail est très importante, puisqu’elle détermine la stabilité de la structure et qu’elle correspond à un poste très onéreux et risqué de la construction de par l’équipement nécessaire à sa mise en œuvre. Pour étudier cette mise en place des pieux, nous avons d’ailleurs développé un équipement remarquable dans notre laboratoire qui nous permet de faire des tests pertinents. »
…et leur battage
La technique principale étudiée par le chercheur ? Le battage des pieux, c’est-à-dire leur enfoncement dans le sol à l’aide de coups assénés par un poids. Mais il ne s’agit pas simplement de prendre n’importe quelle masse et de battre les pieux, tout est déterminé par des calculs précis. « Pour ce faire, il faut procéder par étapes.
- Dans un premier temps, il faut calculer à quelle profondeur enfoncer les pieux afin que la structure qui sera posée dessus soit stable, peu importent les conditions de contraintes auxquelles sera soumis le sol.
- Ensuite, il faut calculer la puissance du battage. Celleci doit être suffisante pour vaincre la résistance du sol tout en restant inférieure à la limite structuralement admise par les pieux.
Une préférence pour les pieux installés offshore !
Ces dernières années, Alain Holeyman s’est concentré sur cette technique appliquée à l’installation d’éoliennes offshore. « Ces éoliennes sont bien plus efficaces que les éoliennes installées sur terre et elles sont mieux acceptées par la population. Mais les exigences ne sont pas les mêmes que sur terre : par exemple, les pieux doivent être souvent enfoncés à une trentaine de mètres en mer, contre une quinzaine sur terre. » La solution étudiée par le chercheur ? L’utilisation de pieux tubulaires en acier afin qu’ils aient une moins grande résistance lors de leur enfoncement. En revanche, une fois en place, ils seront tout aussi solides puisqu’ils seront « remplis » par le sol ou la roche traversée. « Dans ce cas, le défi est notamment de savoir jusqu’à quel niveau de résistance on peut battre dans un massif rocheux avant que le pieu ne s’endommage. Travailler sur ce type de problème très technique ne me fait pas oublier que l’ouvrage est au service de la Société. C’est quelque chose de très important pour moi », conclut le scientifique.
Elise Dubuisson
Coup d'oeil sur la bio d'Alain Holeyman
1975 : Ingénieur Civil des Constructions (ULB)
1977 : Chercheur, Centre Scientifique et Technique de la Construction (CSTC), Bruxelles
1984 : Docteur en Sciences Appliquées (ULB)
1985 : Directeur Recherche et Développement, Franki International, Liège
1986 : Prix Verdeyen
1987 : 1er Prix du Concours ICE
1994 : Prix De Beer
1995 : Chargé de cours UCL, Louvain-la-Neuve
2001 : Professeur UCL, Louvain-la-Neuve
2001-2005 : Président du Groupement Belge de Mécanique des Sols (GBMS)