Le contrôle des systèmes dynamiques est un défi majeur pour les ingénieurs qui nous concerne tous. Pourquoi ? Pour pouvoir assurer la qualité et la sécurité de ces systèmes dans lesquels nous baignons au quotidien. Raphaël Jungers compte relever ce défi dans les 5 ans grâce à une bourse ERC Consolidator.
Un système dynamique désigne tout simplement tout système qui évolue au cours du temps : un bâtiment dont la température ambiante réagit à notre utilisation et aux installations de chauffage, un réseau électrique et de téléphonie, le trafic aérien ou routier, un portefeuille d’action ne sont que quelques exemples de ces systèmes avec lesquels nous interagissons et dont il est crucial de pouvoir garantir le bon fonctionnement.
Des systèmes toujours plus complexes
Bon nombre de ces systèmes se sont radicalement complexifiés au cours des dernières années. Prenons les ‘smart grids’ par exemple, c’est-à-dire les réseaux électriques intelligents. « Avant, si la fréquence du système électrique était trop basse et que la production d’énergie était trop faible, il suffisait d’augmenter la puissance d’une centrale électrique pour augmenter cette fréquence et fournir davantage d’énergie », explique Raphaël Jungers, Professeur et chercheur à l’Institute of Information and Communication Technologies, Electronics and Applied Mathematics (ICTEAM). « Aujourd’hui, c’est beaucoup plus compliqué. Avec les éoliennes, les panneaux photovoltaïques, le pricing dynamique etc., la production et la consommation sont chamboulés par les grands progrès technologiques ».
Des modélisations impossibles
Cette révolution technologique nous mène à un changement de paradigme en Contrôle des systèmes dynamiques. Tout est connecté, interconnecté, informatisé, décentralisé, sans fil. Bref, les systèmes sont devenus extrêmement complexes et difficiles, voire impossibles à comprendre, modéliser et donc contrôler. « Cette complexité rend impossible la modélisation et l’analyse des systèmes modernes à l’aide de formules mathématiques », indique Raphaël Jungers. « Mais on peut repenser la manière dont on veut contrôler les systèmes dynamiques. Nous pouvons partir des opportunités qui se présentent tel que le big data, c’est-à-dire les données massives disponibles, ou encore le Machine Learning : les ordinateurs à très grande puissance de calcul ou encore les technologies de l’information et de la communication nous ouvrent des portes qui n’existaient pas il y a quelques années encore. Plutôt que de se baser sur l’analyse et la description d’un système dynamique pour trouver comment le contrôler, on peut se baser sur une connaissance imparfaite mais abondante de ce système », poursuit le mathématicien.
Utiliser les données massives
L’idée est donc d’utiliser le « machine learning » (apprentissage automatique) qui permet d’apprendre aux ordinateurs - à partir de données massives - à effectuer des tâches, pour résoudre la problématique du contrôle des systèmes. « C’est un défi qui n‘a pas encore été relevé car ces systèmes sont très critiques d’un point de vue sécurité. Or le machine learning se base sur des probabilités et non sur des données exactes. Si on parle par exemple du contrôle d’une voiture autonome, on ne peut pas se permettre une petite erreur de temps à autre », reprend Raphaël Jungers. Fort de son parcours pluridisciplinaire au cours duquel il a appris à maîtriser divers outils de mathématiques appliquées, d’informatique, d’optimisation et de systèmes cyber-physiques dans des Institutions à la pointe (UCLouvain, ULB, MIT, UCLA), Raphaël Jungers est armé pour relever ce défi et sauter le pas de réconcilier « machine learning » et contrôle des systèmes dynamiques.
Une bourse, un objectif à 5 ans !
Lauréat d’une bourse ERC Consolidator fraichement obtenue, Raphaël Jungers vise de pouvoir proposer d’ici 5 ans aux ingénieurs un outil qui permettra de contrôler n’importe quel système. « Ce sera un outil qui permettra aux ingénieurs d’uploader tout ce qu’ils savent sur un système grâce aux données disponibles et qui proposera une stratégie à suivre pour contrôler ce système. Cette stratégie sera peut-être imparfaite, mais viendra avec des garanties de sécurité et de performance », résume le chercheur. Concrètement, pour optimiser l’usage d’un bâtiment par exemple, un ingénieur pourra entrer dans cet outil toute donnée récoltée décrivant le bâtiment (fréquentation, prévision météorologique, température ambiante,…) afin que l’outil en question puisse donner la meilleure stratégie pour diminuer les factures, l’empreinte carbone ou encore augmenter le confort des occupants, par exemple. Dans les mois qui viennent, Raphaël Jungers va recruter la crème des mathématiciens, informaticiens, experts en contrôle des systèmes dynamiques, afin de constituer une équipe de choc à la hauteur de cette ambition.
Audrey Binet
UCLouvain et ERC en chiffres: 42 ERC grants (bourses européennes) obtenues par des chercheurs et chercheuses UCLouvain, soit 27 Starting grant, 6 Consolidator grant, 8 Advanced grant et 1 POC (Proof of Concept).
En savoir plus sur les recherches de Raphaël Jungers:
Coup d’œil sur la bio de Raphaël Jungers
Après des études d’ingénieur en mathématiques appliquées à l’UCLouvain et en ingénierie généraliste à l’Ecole centrale à Paris (ECP), Raphaël Jungers s’est lancé dans un doctorat à l’Institute of Information and Communication Technologies, Electronics and Applied Mathematics (ICTEAM) de l’UCLouvain sous la supervision du Professeur Vincent Blondel. Persuadé qu’il est possible d’avoir un impact et de trouver des applications pratiques au cours d’un parcours académique, il poursuit ses recherches au département d’informatique à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) grâce à un mandat du FNRS. En 2009, il s’envole aux Etats-Unis pour rejoindre le Massachusetts Institute of Technology (MIT) à Cambridge. Là, il acquiert une expertise dans le domaine de l’optimisation, la discipline reine des mathématiques appliquées et de l’intelligence artificielle. En 2010, il revient à l’UCLouvain avec un mandat de Chargé de recherche FNRS et est nommé Chercheur Qualifié FNRS en 2012. Au cours de l’année 2016-2017, Raphaël Jungers retourne aux Etats-Unis, cette fois à l’Université de Californie à los Angeles (UCLA) pour bénéficier de l’expérience et des conseils de Paulo Tabuada, un ponte en systèmes cyber-physiques. En 2018, Raphaël Jungers devient Professeur à l’UCLouvain, puis en 2019, il obtient une bourse ERC Consolidator pour mettre au point un outil permettant aux ingénieurs de contrôler n’importe quel système dynamique.