Bâtir avec des drones ?

Pour perfectionner les drones et apprendre à les manipuler, le Laboratoire Essais mécaniques, Structures, Génie civil (LEMSC) de l’UCL a aménagé une DroneZone, un espace de vol sécurisé. On s’y essaye aussi à la construction… avec un drone !

 

Depuis quelques années, la vente et l’utilisation de drones explosent. À l’université aussi, un nombre croissant de chercheurs s’intéresse à ces robots volants et à ce qu’ils peuvent apporter à leur discipline. Exemples : en archéologie, ils permettent de prendre des photos aériennes d’un site de fouilles. En agronomie, ils aident à surveiller les champs à distance ou à faire des prélèvements à la cime des arbres. Les hydrauliciens s’en servent pour évaluer l’écoulement et le tracé des cours d’eau. Les urbanistes les utilisent pour des cartographies. Bref, les drones peuvent être de formidables outils… à condition de savoir les piloter !

Pourquoi une « DroneZone » ?

« Ce n’est pas très compliqué, mais il faut s’entrainer », conseille Pierre Latteur, professeur à l’École polytechnique de l’UCL et cofondateur de la DroneZone.  « Ce sont des engins qui peuvent peser plusieurs kilos et qui, lancés à pleine vitesse, sont capables de voler jusqu’à 200 km/h. Entre des mains inexpérimentées, un drone peut être dangereux à manipuler… » C’est la première raison pour laquelle plusieurs professeurs de l’UCL (1) ont souhaité créer la DroneZone. L’espace de vol de 700 m3 est entouré de filets. Ce qui permet aux chercheurs de l’UCL qui en ont besoin pour leurs travaux de s’entrainer au pilotage en toute sécurité, mais aussi d’effectuer différents essais.   

Un laboratoire de perfectionnement

La DroneZone est plus qu’un espace d’entrainement. C’est aussi un laboratoire où différents professeurs et étudiants travaillent à l’amélioration de la technologie des drones. Pour cela, l’équipe du Pr Latteur n’hésite pas à concevoir ses propres prototypes. « Avec l’aide de la société RC Take-Off qui détient un know-how important dans la fabrication de drones sur mesure, nous avons mis au point et équipé un premier drone qui pèse environ 10 kg et a une envergure de 2,6 mètres. Et nous en construisons un autre qui, grâce à des hélices à axe horizontal, pourra changer de direction sans devoir s’incliner (2). »    

Drones et constructions

Le Pr Latteur et son équipe s’intéressent particulièrement à l’utilisation des drones dans le génie civil et le secteur de la construction. « La plupart des drones sont capables de transporter des objets (caméra, appareil photo, outils, etc.). Mais personne n’avait encore essayé de transporter des blocs de béton et de les assembler pour construire automatiquement une maison ! Tout était à découvrir, car de nombreuses questions se posaient : quelle forme donner à ces blocs ? Quelle précision obtenir ? Comment les transporter : avec un système de pinces ou un électroaimant (3) ? Une fois son bloc lâché, le drone n’allait-il pas faire un “bond” vers le haut ? Autant de questions qui peuvent paraître banales, mais dont nous n’avions pas les réponses ! »   

Les travaux dans la DroneZone ont déjà prouvé la faisabilité de la construction par les drones. En effet, le premier prototype de drone est capable de transporter une charge de 30 kg. Il a déplacé des blocs de béton spécifiquement conçus pour le projet et les a empilés avec une précision de 5 cm (qui devrait se réduire au centimètre). Plusieurs étudiants et chercheurs travaillent actuellement aux façons de perfectionner ces prouesses technologiques.  Objectif à moyen terme : bâtir une petite maison !

drone et construction

À l’aube de la « robonumérisation » ?

En tant qu’ingénieur des constructions, le Pr Latteur s’intéresse de près à la façon dont les drones pourraient construire des bâtiments de façon (quasi) autonome. C’est ce qu’il appelle la « robonumérisation ». « La robotisation consiste à programmer des machines pour qu’elles accomplissent des tâches à la place de l’être humain », explique-t-il. « Cela existe depuis longtemps dans plusieurs secteurs (l’automobile, par exemple). Quant à la numérisation, elle est déjà appliquée dans la construction à travers le BIM, un modèle 3D et une base de données communs à tous les intervenants d’un chantier (architecte, ingénieur, entrepreneur, maître d’ouvrage, etc.). Je pense que d’ici quelques années, robotisation et numérisation vont fusionner. Et les drones joueront un rôle de premier plan dans les constructions du futur par robonumérisation ! » 

Quel avenir pour les drones ?

Bref, l’avenir des drones s’annonce prometteur ! Et pas seulement dans le domaine professionnel. L’engouement du grand public pour un usage privé des drones ne fait que croître d’année en année. À cause des risques pour la sécurité des biens et des personnes, plusieurs pays ont déjà légiféré à ce sujet. En Belgique, au printemps 2016, un arrêté royal a ainsi limité strictement la vente et l’utilisation de drones de plus de 150 kg (chargement compris). « Ce n’est sans doute qu’un début… et c’est normal », commente le Pr Latteur. « C’est un peu comme les couteaux : la plupart des gens les utilisent pour couper les aliments, mais un petit nombre s’en sert pour blesser autrui… Les drones, c’est pareil : il faut être attentif et encadrer leur usage, car je pense qu’ils pourront rendre de grands services à l’avenir, dans bien des domaines… »

Candice Leblanc

 

(1) La DroneZone a été financée par l’UCL, sous l’impulsion des professeurs J. Hendrickx, J. Van Oost, R. Ronsse, S. Lambot, S. Soares, Y. Hanin, V. Vanacker, Q. Ponette, P. Defourny, C. Craeye, X. Draye, L. Francis et P. Latteur.
(2) Les drones actuels doivent s’incliner pour pouvoir se déplacer horizontalement.
(3) C’est finalement l’électroaimant qui a été choisi par l’équipe du Pr Latteur.

 

                        Coup d'oeil sur la bio de Pierre Latteur

 

                                                               Pierre Latteur

 

1994                          Diplôme d'Ingénieur civil des constructions à l’UCL
1994-99                     Assistant à l’UCL
1998-99                     Stage d’architecte chez Samyn&Partners
1999-2003                Chargé de cours invité à l’ECAM
2000                          Doctorat en sciences appliquées à la VUB
2000-2007                Ingénieur au bureau d’études Setesco
Depuis 2001             Chargé de cours puis professeur à temps partiel à l’ULg (Agro-Bio Tech)
2007-2013                Chef du service d’ingénierie structurale de Bruxelles chez Technum-Tractebel Engineering
Depuis 2013              Professeur à l’École polytechnique de l’UCL      
 

Publié le 04 novembre 2016