« L'univers n'est pas trop grand pour l'homme, il n'excède pas les possibilités de la science ni les capacités de l'esprit humain. » Cette phrase du père du Big-Bang, Georges Lemaître, est devenue le credo des physiciens théoriciens et des expérimentateurs qui officient quotidiennement au CP3, centre de recherche de l’UCL en cosmologie, physique des particules et phénoménologie.
Le bâtiment Marc de Hemptinne, qu’on appelle encore le Cyclotron, se trouve en bordure du site de l’UCL à Louvain-la-Neuve. Pour y arriver, il faut remonter toute la ville et emprunter un tunnel qui passe sous le Boulevard Baudouin 1er. C’est là enfin qu’on trouve le CP3, autrement dit le Centre de recherche en cosmologie, physique des particules et phénoménologie. Au deuxième étage, le Professeur Maltoni nous reçoit dans son bureau afin de détailler certaines de leurs activités. « Nous faisons essentiellement de la recherche fondamentale, explique-t-il. Nous n’avons d’autres buts que de dévoiler les lois de la physique qui régissent l’univers. » Pour ce faire, il faut essayer de remonter aux origines, il y a plus de 14 milliard d’années, en observant les traces du passé dans notre ciel, ou en étudiant la matière à des échelles infiniment petites en laboratoire. « C’est cette seconde voie qu'une équipe d'une dizaine de jeunes chercheurs explorent quotidiennement au CP3 », poursuit le Professeur Maltoni.
La matière noire, le mystère s’éclaircit
À cet égard, de nouvelles recherches ont débuté en 2015, avec l’arrivée d’une chercheuse italienne, Chiara Arina, bénéficiant d’une aide financière de l’Institut Bruxellois pour la Recherche et l’Innovation (Innoviris), suivi du recrutement d’un nouveau membre académique dans les prochains mois. Ces recherches recourent à de techniques de précision pour dévoiler la nature de la matière noire. Liée à la fois à la cosmologie et à la physique des particules, une telle démarche s’appuie ainsi sur des perspectives inédites et prometteuses. « Si l’on sait que la matière noire compose 80% de l’univers connu, on ne connaît quasi rien de sa nature, rappelle le Professeur Maltoni. Ce que nous faisons dans ces cas-là ? Nous effectuons des calculs en prévision de résultats d’expériences entre autres exécutées au CERN, à Genève, avec l’utilisation du LHC, le plus grand accélérateur de particules du monde. Enfin, nous comparons les prévisions avec les résultats, et nous faisons avancer notre questionnement, quitte à changer de paradigme. »
C'est maintenant que tout se joue?
Le Professeur Fabio Maltoni reconnaît volontiers que « les physiciens des interactions fondamentales aiment s’attaquer à des problèmes ‘high-risk high-gain’ ». Alors qu’il tenait une chaire Francqui à la VUB en 2011 et une chaire de recherche, de 2012 à 2015 à l’UCL, l’existence du boson de Higgs a été confirmée de manière expérimentale grâce au LHC.
« C’est le début d’une nouvelle aventure scientifique », note Fabio Maltoni, car d’une certaine manière tout reste à faire. « Nous nous attelons à découvrir d’autres particules, d’autres forces soit d’autres interactions, énumère-t-il. On a d’ailleurs de plus en plus d’éléments qui suggèrent la présence de physique au-delà du modèle standard. Découvrir une nouvelle particule et/ou une nouvelle force, serait phénoménal, et conduirait à un changement révolutionnaire dans notre domaine! » »
Un nouveau boson de Maltoni? « Je ne suis pas spécialisé dans la construction de nouveaux modèles, mais plus un expert en stratégie et en calcul pour permettre leurs découvertes », sourit-il. En se penchant sur les perspectives qu’esquisse la découverte du boson de Higgs, le Professeur tente par ailleurs de dévoiler de nouvelles symétries, des forces, des constituants de la matière, voire de nouvelles dimensions spatiales et temporelles.
Mais, attention, il ne faut cependant pas se méprendre. « Je ne travaille pas sur des expériences, je ne construis pas de détecteurs et je ne fais pas de l’analyse de données, précise-t-il. Ce sont mes remarquables collègues expérimentateurs qui s’occupent de cela. » Son domaine, ce sont plutôt les calculs qui permettront d’analyser des données. « Ce que je fais, c’est de la phénoménologie. En quelque sorte, je fais le pont entre la théorie et l’expérience», résume-t-il.
L’amour des problèmes fondamentaux réputés très difficiles
Après ces trois ans pendant lesquels le Pr Fabio Maltoni a pu se concentrer sur ses recherches, il donne désormais de nombreuses heures de cours à l’UCL et travaille aussi à la coordination du CP3. « Il s’agit notamment de coordonner l’activité de recherche qui compte douze académiques, une vingtaine de chercheurs post-doctorats et d’une trentaine de PhD. Nous organisons des colloques, des séminaires, des invités sont accueillis et évidemment nous formons des groupes de travail sur base des thèmes les plus intéressants», détaille-t-il. Le centre universitaire de cosmologie, de physique des particules et de phénoménologie affiche, à ce titre, une activité digne d’une véritable ruche. Il suffit de noter que leur salle de vidéo-conférence est pratiquement utilisée en permanence. « Nous ne travaillons pas seuls dans nos petits bureaux, insiste Fabio Maltoni. Nous sommes en contact avec des chercheurs dans le monde entier ; aussi bien des japonais, des chinois, des américains, que des australiens. Et il faut toujours tenir compte du décalage horaire. »
Presqu’une école doctorale
Mais la partie qui reste la plus intéressante pour le Professeur Maltoni, c’est le travail de recherche qu’il effectue avec ses étudiants, ses doctorants et ses post-doctorants. « Quand je suis au tableau, en train de discuter avec eux, je me sens vraiment heureux », se réjouit-il.
Il y a trente étudiants qui mènent actuellement leur doctorat au sein de CP3, et il est amusant de souligner qu’ils dépassent le nombre d'étudiants de master en physique. « Nous pourrions presque dire que nous sommes une école doctorale, encore plus qu’une école de master », reconnaît le Professeur.
Si l’étude de physique peut bien-sûr mener à la recherche fondamentale, il faut aussi préciser que d’anciens étudiants s’épanouissent également dans le secteur privé. Fabio Maltoni en compte trois, parmi ses meilleurs éléments, qui ont récemment ouvert un bureau de consultance à deux pas du CP3.
« Nous apprenons à nos étudiants à réfléchir avec leur tête à des problèmes que personne ne peut résoudre – c’est ça qui nous stimule, conclut-il. Nous poursuivons ainsi l’objectif de proposer des solutions que personne n’avait jamais imaginé jusqu’à présent, avant de découvrir de nouveaux problèmes et ainsi de suite. »
Baptiste Erpicum
Coup d'oeil sur la bio de Fabio Maltoni