Cyril Corbet a fait la course en tête cette année : après avoir reçu le prix Galien de Pharmacologie, il est nommé chercheur qualifié au FNRS. De quoi combler cet amateur de semi-marathons. Avec toujours le même objectif en bout de course : mieux comprendre le comportement des cellules tumorales.
La biologie, il ne sait pas vraiment pourquoi. Un peu comme si cela allait de soi. « Déjà au lycée – Cyril Corbet est originaire de Nantes-, j’ai choisi cette option. Mais il n’y avait pas de raison particulière, il n’y a pas eu d’élément déclencheur me semble-t-il. » Une certitude qui s’accompagne d’une autre, étudier les mécanismes du cancer : « J’ai toujours eu cela en point de mire, je n’ai jamais lâché cet objectif. » Le jeune homme va alors construire ses études pas à pas, se souciant de franchir une étape après l’autre. La première, un DUT (diplôme universitaire de technologie) de deux ans en génie biologique à Angers. « Toutes mes études ont été morcelées en phases professionnalisantes, chaque étape me permettant de trouver un travail si les études ne me plaisaient plus, explique Cyril Corbet. » Nouvelle étape en 2004, à Lille cette fois, pour un master en génomique et protéomique. C’est là que le virus de la recherche le prend. C’est donc à Lille au sein de l’unité U908 de l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) qu’il réalise, de 2008 à 2012, une thèse de doctorat sur le cancer du sein.
Mais comme tout jeune chercheur, Cyril Corbet sait que s’il veut continuer dans cette voie, une expérience de recherche à l’étranger est nécessaire. Pour des raisons familiales, il ne veut cependant pas trop s’éloigner… donc pas de départ vers les USA ! « J’ai ciblé en priorité la Grande-Bretagne et la Belgique, se souvient-il. Et c’est là que le hasard est intervenu. » Le Professeur Olivier Feron (pôle FATH, pharmacologie et thérapeutique de l’UCLouvain) s’apprêtait en effet à diffuser une offre d’emploi pour un post-doc lorsqu’il a reçu la candidature spontanée de Cyril Corbet. Le projet de recherche de ce dernier intéresse Olivier Feron qui demande au jeune chercheur de venir l’expliquer au sein de son laboratoire. L’affaire est conclue, l’avis de recherche d’un post doc ne sera jamais diffusé ! Boursier post doc de 2012 à 2016, il décroche cette année-là un mandat de chargé de recherche FNRS ; début 2019, il reçoit le très recherché prix Galien de Pharmacologie puis est nommé chercheur qualifié FNRS. Le voici donc ‘condamné’ à rester en Belgique… Ce qu’il n’a vraiment pas l’air de regretter. « Bien au contraire, sourit-il. Maintenant que j’ai un emploi fixe, je vais songer à habiter en Belgique. Mais surtout, la nomination en tant que chercheur qualifié va me permettre de développer des thématiques de recherche de manière plus indépendante même si ce sera bien entendu toujours en relation avec le laboratoire du professeur Feron. Je crois que c’est à quoi aspirent tous les chercheurs ».
Ces cellules qui ne veulent pas (plus) répondre au traitement
Justement, quel est ce projet de recherche auquel le nouveau promu va s’atteler durant les prochaines années ? Tenter de comprendre pourquoi certaines cellules tumorales présentes dans les cancers colorectaux ne répondent pas, ou plus, à des traitements ciblés… auxquels, selon les modèles, elles devraient pourtant répondre.
Deux mots d’explication. Le laboratoire de pharmacologie de l’UCLouvain étudie notamment le métabolisme c’est-à-dire la façon dont les cellules s’alimentent. Celles-ci utilisent du sucre, des lipides, des acides aminés pour produire l’énergie dont elles ont besoin pour se diviser, bouger et pour produire les briques essentielles lors de leur division, donc pour faire des membranes, de l’ADN, etc. L’idée générale est de couper ces voies métaboliques pour priver les cellules de ces possibilités de produire soit de l’énergie, soit des briques essentielles pour se multiplier. Et ici, dans le cas qui nous occupe, cibler spécifiquement le métabolisme de certaines cellules localisées dans des zones très spécifiques de la tumeur, qui seraient à l’origine des résistances aux traitements. « C’est du moins l’hypothèse que j’ai formulée », explique Cyril Corbet.
Le traitement dont il est question ici n’est pas la chimiothérapie ou la radiothérapie qui sont des traitements lourds, appliqués à tous les cas de cancers, mais des traitements individuels, complémentaires aux premiers et prescrits au terme d’un screening génétique. « Il s’agit de thérapies ciblées, précise Cyril Corbet. Quand un patient arrive en clinique, on lui fait un test génétique pour savoir s’il y a des mutations au niveau de l’ADN. Ces mutations vont orienter le choix du traitement. » Un exemple ? Injecter un inhibiteur de la voie métabolique qui contrôle la division cellulaire, donc la prolifération des cellules tumorales.
Dans le cancer colorectal, la non-réponse (ou la rechute) à des traitements spécifiques représente 20% des patients. « Je voudrais mettre en évidence la présence de cellules très résistantes au sein de l’amas de cellules tumorales, dans des zones qui les rendent très agressives, donc résistantes aux traitements. Lors de ceux-ci, on va tuer 80% des cellules mais on va aussi sélectionner les 20% restants qui, en l’absence des autres, vont pouvoir se diviser et essaimer un peu partout. »
Cyril Corbet va maintenant entamer une course de longue haleine… à la recherche de financements. Pas de quoi effrayer cet amateur d’épreuves longue distance comme les semi-marathons. « Même en tant que chargé de recherche, les tâches annexes prenaient déjà du temps. Elles vont augmenter mais cela fait partie d’une évolution de carrière. » Cela dit sans résignation mais avec l’impatience de quelqu’un qui est déjà dans les starting blocks.
Henri Dupuis