Éclosion d'une nouvelle Flore de Belgique

Clés de détermination avec critères végétatifs ou écologiques, simplification des termes techniques. Dans cette première « Flore écologique de Belgique » basée sur la nouvelle classification des espèces, Anne-Laure Jacquemart et Charlotte Descamps, professeure et assistante à la Faculté des bioingénieurs de l’UCLouvain ont repensé en profondeur un ouvrage didactique. L'objectif : offrir un outil performant et moderne aux étudiants et aux naturalistes.

Une Flore, c'est une bible pour des naturalistes. Le livre qu'ils gardent à portée de main à chaque sortie. Mais jusqu'il y a peu, avec ses airs de dictionnaire, il pesait lourd dans le sac-à-dos. Si au moins il avait été à jour... Mais nul ne s'était risqué à concevoir une nouvelle Flore de Belgique depuis que l’Angiosperm Phylogeny Group , un groupe de botanistes experts travaillant sur la phylogénie végétale au niveau mondial, avait entamé une profonde révision de la classification des végétaux. Personne, jusqu'à ce qu'Anne-Laure Jacquemart et Charlotte Descamps, prennent le taureau par les cornes. Avec enthousiasme, mais sans réellement mesurer l'ampleur de la tâche.

« Ce travail part d'un constat : la systématique végétale a été profondément remaniée. Les classifications mondiales des plantes à fleurs sont revues depuis 1998. Or toutes les Flores en Belgique utilisaient l'ancien système », précise Anne-Laure Jacquemart, professeur à la Faculté de bioingénieurs.

Si la nomenclature passée s'appuyait sur les caractéristiques morphologiques des espèces, la nouvelle se base également sur des critères génétiques (séquences ADN, gènes chloroplastiques), chimiques (molécules particulières), écologiques (pathogènes, insectes) et biogéographiques (zones de distribution). « Des modifications qui nécessitent de réécrire les Flores en profondeur, car des familles de plantes ont disparu, d'autres ont été scindées, nécessitant la création de nouvelles clés dichotomiques permettant d'identifier les espèces, précise Anne-Laure Jacquemart. Les naturalistes qui pratiquent beaucoup sur le terrain ont du mal avec certaines nouveautés. Pour la Belgique, c’est normalement le Jardin botanique de Meise qui est responsable de l’édition de ce type de guide. Mais les classifications et la nomenclature n’ont pas encore été revues (Lambinon et Verloove, 2015). Interpellés sur la question, ils ont répondu qu'il faudrait plusieurs années pour proposer un tout nouvel ouvrage !  En tant qu'enseignante, je n'allais pas attendre ma pension pour proposer un nouvel outil aux étudiants, en sachant que l'ancienne nomenclature est en révision depuis déjà 20 ans ! »

1.800 espèces recensées

A l'UCLouvain, depuis des années déjà, une Flore simplifiée conçue par plusieurs enseignants était utilisée par les étudiants (Bastin et al. 2007 pour la dernière réédition). Un modèle plus simple, mais également rédigé suivant les anciens critères. « On s'est rendu compte que cette Flore simplifiée n'était en fait pas très pratique. La liste des espèces était incomplète et les critères d’identification étaient difficiles.Pour qu'elle reste utilisable, nous avons dans un premier temps retravaillé la clé générale permettant d'identifier les familles dans un feuillet. C'était en 2015. Puis nous avons restructuré les clés identifiant les genres. Les étudiants étaient enchantés, d'autant que les critères que nous avions choisi leur permettaient d'identifier les plantes plus facilement. » Charlotte a alors suggéré de concevoir l’entièreté d’une nouvelle Flore sur base de la dernière nomenclature. Elle était très enthousiaste, même si c'était un travail de fou ! » De fil en aiguille, un ouvrage a vu le jour en août 2018. Tiré à 1.500 exemplaires par les Editions Erasme, il permet d'identifier une centaine de familles présentes en Belgique, environ 600 genres, et 1.800 espèces de plantes, parmi lesquelles les fougères, les conifères et les plantes à fleurs.

La Flore reprend les espèces indigènes mais aussi, les principales espèces exotiques cultivées ou naturalisées et envahissantes. Les clés générales pour les familles et pour de nombreux genres ont donc été réécrites et restructurées parfois aussi en fonction des milieux et de l'écologie des espèces rencontrées. 

Complémentaire à un site internet

Ce travail de titan, Anne-Laure Jacquemart et Charlotte Descamps l'ont effectué en plus de leurs tâches habituelles, soutenues par des bénévoles : naturalistes réputés, étudiants futurs bioingénieurs, ou encore stagiaires rencontrés au Cercle des Naturalistes de Belgique. Une bonne dizaine d'amateurs de botanique qui ont apporté leur aide à la conception des clés, redéfini certains critères ou ont testé progressivement l'outil au fil de sa concrétisation.

En parallèle, un site internet, www.biologievegetale.be, a été mis à jour afin de proposer des exercices de détermination et des fiches illustrées. Il reprend la logique de la Flore et apporte des informations supplémentaires, sans pour autant la remplacer puisqu'il recense moins d'espèces et fonctionne différemment. Ce site avait obtenu en 2014 le prix Wernaers du FNRS qui récompense les équipes ayant fait preuve de créativité, d'innovation et de pertinence dans la communication de leurs connaissances notamment envers les étudiants.

Si cette Flore est désormais disponible, le travail n'en restera probablement pas là... « On a dû oublier certaines choses, tout n'est peut-être pas correct ou complet, confie Anne-Laure Jacquemart. Pour le moment, on essaie de faire tester la Flore par des naturalistes pour qu'ils mettent le doigt sur des éléments qui ne fonctionnent pas. Elle sera mise à jour au fur et à mesure. L'objectif est en tout cas atteint : grâce à cette Flore, les étudiants vont plus vite dans leur travail, et ils sont aussi plus motivés car ils arrivent presque facilement à identifier les plantes ». 

Anne-Catherine De Bast

 

Coup d'oeil sur la bio d'Anne-Laure Jacquemart et Charlotte Descamps

    

Anne-Laure Jacquemart est botaniste de formation et professeure d’écologie à la Faculté des bioingénieurs. Charlotte Descamps est assistante dans cette même Faculté. Leurs thématiques de recherches s’organisent autour de la reproduction végétale et des relations entre plantes et pollinisateurs. 

Publié le 15 janvier 2019